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Retour sur les œuvres de jeunesse de HR Giger

HR Giger à l'entrée de son jardin, à Zurich. swissinfo.ch

Les premières œuvres de l'artiste suisse HR Giger, rendu célèbre notamment par les décors du film 'Alien', font l'objet d'une exposition au Musée d'art des Grisons, à Coire.

Rencontre avec ce Jérôme Bosch des temps modernes, chez lui, à Zurich, pour discuter de ses sources d’inspirations et de cette rétrospective.

La plaque «Attention au chien» sur la porte d’entrée du maître de l’horreur semble menaçante. Soudain, la porte s’ouvre, un chat s’échappe et un homme aux cheveux blancs, habillé en noir, me fait entrer.

«Désolé pour le désordre. On a eu beaucoup d’invités des Etats-Unis pour l’exposition», dit HR Giger, tout en rangeant des livres et des tasses vides dans son bureau noir, décoré de ses monochromes, têtes de mort et sièges-squelette «Harkonnen».

Une rétrospective des œuvres de jeunesse du maître ès fantastique est actuellement à découvrir au Musée d’art des Grisons, à Coire, la ville où il a grandi. Les organisateurs entendent démontrer que l’œuvre d’HR Giger, héros local, dépasse largement les créatures d’Alien.

«Les premières créations de HR Giger sont la base de toute l’œuvre qui a suivi», explique Beat Stutzer, directeur du Musée d’art des Grisons. «Son réalisme fantastique lui a assuré une position indépendante et anticonformiste sur la scène artistique. Mais le contenu artistique et la signification de son travail sont sous-estimés.»

Ce sentiment est partagé par le cinéaste et dessinateur de bande-dessinée Clive Barker: «Définir Giger comme ‘l’artiste d’Alien’ reviendrait à dire que Michel-Ange est le décorateur du film ‘L’Extase et l’agonie’», dit-il.

L’exposition montre ses premiers dessins à l’encre, des peintures à l’huile et des sculptures, présentées à côté d’œuvres de Goya ou de Piranèse. Une manière de resituer son œuvre dans l’histoire de «l’art de l’horreur», souligne Beat Stutzer.

Une enfance idyllique… teintée de noir

HR Giger raconte avoir eu une «enfance magnifique», «pleine de mystères et de lieux romantiques». Comment le jeune Hansruedi, fils de pharmacien, a-t-il donc développé une fascination pour l’étrange? «Les endroits que j’aimais le plus étaient sombres, explique-t-il. Dès que j’ai pu m’habiller seul, j’ai porté du noir.»

A l’âge de huit ans, il vit «une des expériences les plus intenses» de sa vie lorsqu’il voit une momie et un sarcophage égyptiens dans un musée de Coire. «J’allais souvent seul au musée le dimanche matin», ajoute-t-il.

Il aime aussi montrer son train fantôme – fait maison – à ses copains et se découvre plus tard un goût pour le jazz, qu’il joue avec des amis dans sa «chambre noire».

Malgré une enfance «idyllique», Giger dit avoir été un «élève affreux». Après lui avoir découvert un talent pour le dessin, ses parents l’encouragent à étudier l’art industriel à l’Ecole des arts appliqués de Zurich.

Des influences cauchemardesques

Un nouveau monde s’ouvre alors à lui. Il s’intéresse à Sigmund Freud et tient le journal de ses rêves. Plus tard, il souffre de terreurs nocturnes, qui inspirent nombre de ses créations.

Des préoccupations comme la génétique, la surpopulation, la peur collective générée par la Guerre froide, les armes nucléaires et la peur de la prise de contrôle du monde par les robots ont aussi influencé son œuvre.

«La mort et l’érotisme ont toujours été des éléments importants pour moi», ajoute-t-il. Il a également été inspiré par les travaux des peintres Ernst Fuchs et Salvador Dali, qu’il a ensuite rencontrés.

Dans les années 1970, il affine sa technique de l’aérographe – «l’outil parfait pour le travail surréaliste» – pour créer des peintures monochromes de paysages cauchemardesques, et d’étranges fantaisies où se mêlent corps humains et machines, ses fameuses «biomécaniques».

La période exposée à Coire se termine en 1976, juste avant que la renommée de HR Giger atteigne son sommet avec sa participation à «Alien», un film qu’il est «assez fatigué d’évoquer».

HR Giger a reposé son aérographe. Aujourd’hui, il passe son temps entre la promotion de son musée à Gruyère et le «design», de la création de guitares électriques aux gratte-dos excentriques.

«J’ai toujours quelque chose à faire», raconte le maître du fantastique, âgé de 67 ans.

swissinfo, Simon Bradley à Zurich
(Traduction et adaptation de l’anglais: Emily Wright)

HR Giger naît à Coire, dans le canton des Grisons, en février 1940.

Il étudie l’architecture et l’art industriel à l’Ecole d’arts appliqués de Zurich.

Il commence à travailler comme décorateur d’intérieur en 1966, avant de devenir artiste à plein temps dès 1968.

En 1978, HR Giger commence à travailler sur le film de Ridley Scott «Alien», sculptant lui-même la plupart des créatures et décors qui lui vaudront un Oscar deux ans plus tard.

L’exposition «Les œuvres avant ‘Alien’ (1961-1976)» se tient au Musée d’art des Grisons, à Coire, jusqu’au 9 septembre 2007. Le musée est ouvert du mardi au dimanche (10h-17h)

Le Musée HR Giger a été créé en 1998 dans le village médiéval de Gruyère (canton de Fribourg). Il se trouve dans le château Saint Germain.

Il propose une exposition permanente d’œuvres de HR Giger – peintures, sculptures, meubles, décors de films – des années 60 à aujourd’hui.

HR Giger y présente également des pièces de sa collection d’art privée.

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