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Internet décroche un rôle au théâtre

De l'Internet à la scène et réciproquement... swissinfo.ch

Partant d'un échange sur la Toile entre bloggeurs, le dramaturge franco-suisse Michel Beretti a écrit sa nouvelle pièce «Du rouge dans les yeux».

Une histoire de matricide mise en scène, à Genève, par Simone Audemars qui s’interroge ici sur l’impact de l’image électronique.

Un crime raconté sur Internet et recyclé par le théâtre. L’opération a de quoi séduire ou faire fuir (c’est selon!) un public nourri jusqu’à plus soif de faits divers.

On pourrait donc voir en cette opération une affaire judiciaire de plus, comme celles qu’éclaire bruyamment la télévision à coups de projecteurs voyeuristes. Mais ce serait oublier la curiosité (plutôt saine) du dramaturge franco-suisse Michel Beretti qui a souvent fait du tissu social et de ses nervures la trame de ses pièces.

Effectuant donc des recherches sur «L’Orestie» d’Eschyle, Beretti tombe sur des échanges entre bloggeurs discutant d’une vidéo en ligne où un adolescent raconte comment il a tué sa mère.

Cette découverte retient tout de suite son attention. Il entre alors en contact avec les bloggeurs. Et leurs discussions vont aboutir à l’écriture de sa nouvelle pièce, «Du rouge dans les yeux», que la metteuse en scène romande Simone Audemars présente à Genève, à partir du 25 septembre.

Un matricide vieux comme le monde

Oreste, c’est ce jeune fougueux qui tua sa mère Clytemnestre pour venger son père abusé, trompé avili et assassiné par sa propre épouse. Ce matricide nous légua, à la suite d’Eschyle, les plus belles pages de la littérature dramatique. Shakespeare et Tchekhov (pour ne citer qu’eux) en firent respectivement leur «Hamlet» et leur «Mouette».

Beretti, lui, réinvente cette histoire universelle à partir d’Internet, objet de toutes les dérives, mais aussi de toutes les attentions. Car notre auteur voit dans la petite lucarne une extraordinaire matière théâtrale à exploiter d’urgence.

«Les blogs constituent aujourd’hui un immense forum social qui est un avatar du fameux chœur de la tragédie grecque, explique Michel Beretti. Ce chœur qui dans la démocratie athénienne reflétait l’opinion de la Cité».

Dangerosité de l’image électronique

«Ce qui m’importait, poursuit-il, c’était de retranscrire dans mon texte les échanges des bloggeurs qui débattaient non pas tant du matricide que de la dangerosité de l’image électronique. ‘Du rouge dans les yeux’ questionne donc notre regard: comment éviter la consommation passive d’images, comment agir?»

En créant un spectacle interactif, répond Simone Audemars. Laquelle a mis sur pied, pour l’occasion, un site Internet (voir rubrique «Liens») qu’elle consulte tous les soirs pour recueillir les réactions du public sur la représentation de la veille.

Triées, ces réactions sont insérées le lendemain dans le spectacle. «Elles s’intègrent ainsi à la pièce de Michel Beretti», explique la metteuse en scène qui voit dans ce procédé «une manière d’impliquer directement le spectateur dans la fiction et de le pousser à s’interroger sur ses propres pulsions».

«’Du rouge dans les yeux’ est en somme une conversation ouverte avec le public, résume-t-elle. Dans ce sens, le spectacle répond à l’idée de forum social voulue par l’auteur.»

swissinfo, Ghania Adamo

Metteuse en scène romande, elle fonde en 1991, avec les comédiens Georges Grbic et Hélène Firla, sa compagnie L’Organon. Un nom qu’elle emprunte à un essai de Brecht.

Inspirée de l’écrivain allemand, elle s’emploie dans ses spectacles à faire réfléchir le public sur la réalité du monde.

Depuis sa première création, il y a dix ans dans un entrepôt d’Yverdon, la Compagnie L’Organon s’est produite sur la plupart des scènes romandes et a franchi nos frontières pour jouer en France notamment et en Amérique latine.

«Du rouge dans les yeux», mise en scène de Simone Audemars, avec Hélène Firla, Athéna Poullos, Ahmed Belbachir, Marco Facchino et Georges Grbic.

A voir à Genève, Théâtre Saint-Gervais, du 25 septembre au 7 octobre.

A La Chaux-de-Fonds, Théâtre Populaire Romand, le 1er décembre.

A Lausanne, Grange de Dorigny, du 6 au 9 décembre.

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