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Je vais vous raconter un western suisse…

Détail de la couverture de «Tre sono le cose misteriose». Einaudi

Tullio Avoledo, un banquier italien pas comme les autres, enchaîne les succès éditoriaux. Pour son 4ème roman, il choisit la Suisse comme toile de fond.

Façon western, Avoledo entraîne le lecteur dans une histoire de justice, de crimes contre l’Humanité et de dictateur qui refuse de jeter l’éponge.

«Quand j’étais enfant, mon frère avait un important problème de vue. Le seul endroit où il pouvait être soigné se trouvait à Lugano. De nos voyages en Suisse, j’ai gardé le souvenir d’une ville émouvante située sur un lac, et d’un pays propre». C’est signé Tullio Avoledo, un drôle de banquier qui a la marotte de l’écriture.

C’est cette Suisse qu’il considère comme l’un de ses plus beaux souvenirs d’enfance («des souvenirs liés à l’émotion de l’enfance» souligne Avoledo au téléphone ), que ce romancier qui n’est plus en herbe après quatre romans noirs, a choisi comme fond de toile.

Influencé par la littérature suisse, Tullio Avoledo avoue qu’il a d’ailleurs rendu un hommage vibrant à Max Frisch journaliste et architecte avant de devenir écrivain et de mourir en 1991 à l’age de 80 ans. «J’ai puisé dans les livres de Frisch et j’ai choisi une remarquable scène d’adieu pour l’insérer et la tricoter façon western dans mon ‘Tre sono le cose misteriose’» raconte l’auteur à swissinfo.

Un lieu imaginaire, un héros sans nom, un «Monstre»

L’histoire se situe dans un village imaginaire. «Je n’ai jamais considéré qu’il soit particulièrement important de choisir un endroit réel et de donner des précisions sur le lieu de l’action», affirme l’auteur. Un village situé sur les bords d’un lac semblable à celui de Lugano.

Tricoté comme un «western suisse» pour reprendre l’expression choisie par le romancier, «Tre sono le cose misteriose» suit le rythme des westerns tant dans la construction qu’au niveau de la psychologie des personnages.

Dans la peau du héros sans peur et surtout sans reproches, un substitut d’un procureur américain dont on ne connaît pas le nom, toujours un détail sans importance selon Avoledo. De l’autre coté de la barricade, «le Monstre» c’est-à-dire le dernier dictateur d’une république caucasienne qui devrait être jugé par un tribunal international pour crimes contre l’Humanité.

Chargé d’instruire le dossier après que son prédécesseur a été éliminé par «le Monstre», le petit juge vit les dernières heures de son couple dans une villa gardée par des flics version «Nikita». Mais sa tache sera lourde. Pour échapper à la justice, l’accusé a effacé les preuves, puis liquidé les témoins, leurs proches et leurs amis.

Au fil des jours, le petit procureur tente d’oublier ses états d’âme envers cet ennemi qui représente l’horreur des guerres et des massacres du siècle dernier, tente de reconstituer l’histoire et le parcours du «Monstre».

On croit parfois reconnaître l’ancien dictateur Milosevic. Puis, cette pensée s’effrite et le lecteur s’oriente vers Saddam Hussein, autre spécialiste de l’horreur. Mais est-il vraiment important de donner un visage à l’ennemi, s’interroge Tullio Avoledo. La réponse est non.

L’horreur, encore l’horreur, toujours l’horreur

Mieux vaut raconter l’horreur, tracer un profil de la psychologie du chasseur et de sa proie, décortiquer pour tenter d’analyser ce qui se passe dans la tête d’un homme qui décide d’utiliser son pouvoir pour anéantir une population, pour lui imposer son joug. Même si le prix à payer doit être celui du sang et de la douleur.

Situé à mi-chemin entre le roman noir et le western où le héros est obligatoirement un homme seul incompris et mélancolique, «Tre sono le cose misteriose» est une histoire basée sur l’introspection, les sentiments, la mémoire et la douleur.

«Cette fois-ci, j’étais nettement plus intéressé par le fait de raconter une histoire et des personnages qui s’examinent à la loupe», explique Tullio Avoledo, qui pense déjà à un 5ème roman.

«Je travaille actuellement sur plusieurs projets mais j’ai envie de raconter une histoire qui se passerait dans une banque», précise le romancier. Une banque, quel endroit bizarre pour raconter un «noir»!

Tullio Avoledo, qui semble avoir réponse à tout, répond en riant: « C’est mon milieu… Certes, je pourrais situer le cœur de l’histoire dans la Banque centrale d’Italie après les derniers scandales… Mais c’est justement parce que ces scandales ressemblent à une farce que je choisirai probablement un tout petit institut financier comme toile de fond.»

swissinfo, Ariel F. Dumont

«Tre sono le cose misteriose» (littéralement: ‘Les mystères sont au nombre de trois’) de Tullio Avelodo, Editions Einaudi.
Les romans de Tullio Avedolo s’arrachent comme des petits pains en Italie.
Après la foire du livre de Francfort, deux maisons d’éditions, l’une allemande, l’autre francophone, auraient établi des contacts avec l’auteur.

– Tullio Avoledo est en 1957 à Valvasone dans le Frioul.

– Il vit à Pordenone où il est employé par les services juridiques d’une banque régionale.

– Auteur au parcours atypique, Tullio Avoledo est considéré comme un «cas» dans le monde de l’édition.

– Son premier roman, «L’annuaire d’Atlantide», publié en 2003, lui vaut deux prix.

– Auteur particulièrement prolifique, Avoledo revient à la charge avec «Lo stato dell’unione», un roman ironique et féroce, puis «Mare di Bering».

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