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Le père de la techno garde le rythme

Dieter Meier et le nœud de cravate...une marque de fabrique (swissinfo). swissinfo.ch

Dieter Meyer, père de la techno avec son compère Boris Blank et leur groupe Yello, a plus d'une corde à son arc.

Réalisateur, écrivain, entrepreneur, vigneron et paysan biologique en Argentine, le Zurichois s’est confié à swissinfo.

Le succès du groupe Yello en fait pâlir plus d’un: avec ses tubes des années 80, il a vendu 14 millions de disques, dont la chanson «Oh Yeah» utilisée dans de nombreux films, publicités et, plus récemment, dans la série télévisée «The Simpsons». Sans oublier des clips d’une qualité qui frôle la perfection.

Alors que Boris Blank ne quitte que rarement son studio, son compère Dieter Meier occupe le devant de la scène. En véritable citoyen du monde, il partage aujourd’hui son temps entre l’Argentine, la Californie, où il est propriétaire d’une entreprise de programmes informatiques, et Zurich.

swissinfo: Quel était le secret du succès de Yello?

Dieter Meier: Je pense que le succès est venu parce que nous étions vraiment différents. Boris Blank, mon partenaire, et moi débarquions dans ce métier en amateurs. Nous avons dû trouver notre propre manière de nous exprimer en musique. Cela nous a donné une certaine originalité parce que si l’on ne sait pas jouer du violon, il faut trouver d’autres manières de l’utiliser.

Nous avons fait du «sampling» avant que cela soit possible par ordinateur. Nous avons enregistré des sons comme celui produit par une boule de neige jetée contre un bout de bois et nous l’avons copié en boucle sur une cassette. C’était notre rythme de base.

En fait, nous étions deux garçons jouant avec des sons, réalisant quelque chose de complètement différent de ce qui existait jusque-là. Plus tard, on a dit de nous que nous étions les «grands-pères» de la techno. Fondamentalement, nous n’étions que deux amateurs cherchant leur propre voie.

swissinfo: Avec Boris Blank, la collaboration fonctionne depuis longtemps.

D.M.: Oui, 29 ans maintenant, et nous sommes très bon amis. Nous travaillons à la manière de deux joueurs d’échecs jouant dans des villes éloignées et s’envoyant à tour de rôle leurs mouvements et leurs positions. Nous ne sommes pas un groupe de rock travaillant dans un studio d’enregistrement.

Nous sommes sur le point de sortir un nouveau double CD. Nous sommes un peu plus lents qu’avant, bien sûr, parce que plus on vieillit plus on devient critique envers soi-même. Quand nous étions jeunes, composer de la musique était un processus plus spontané. Mais nous avons toujours le même extraordinaire plaisir à créer des sons.

swissinfo: Votre ferme biologique est également un succès. Le défi a-t-il été difficile à surmonter?

D.M.: L’agriculture biologique est un défi, partout dans le monde. Avec les méthodes traditionnelles, vous passez à la chimie dès que vous avez des mauvaises herbes ou des vers, chose évidemment impossible en agriculture biologique. Pour obtenir une terre qui a le bon équilibre et produit de bons résultats, il faut des nerfs. Au début, vous êtes presque étranglé par les mauvaises herbes.

Ce n’a pas été le cas pour la vigne. A Mendoza, il est très facile de produire des vins biologiques car il n’y a aucune pluie pendant que les raisins mûrissent. L’eau que nous utilisons est la fonte des neiges des hauts sommets des Andes. Pas de mycoses ni de mauvaises herbes!

Beaucoup d’autres parties du monde ne se prêtent pas aussi bien à la culture vinicole, précisément à cause de l’humidité qui amène des champignons. Et si vous n’utilisez pas de fongicide, vous devez cueillir la grappe ou la récolte avant qu’elle soit complètement mûre. Or un raisin cueilli avant complète maturation au bon moment ne fait jamais un bon vin.

Mais nous avons réalisé qu’un raisin cultivé sans produits chimiques est plus riche. Son arôme est plus complexe. C’est un réel plaisir de travailler ainsi.

swissinfo: Y a-t-il un volet de votre carrière dont vous êtes particulièrement fier?

D.M.: Je vois toute chose comme un cadeau venu de je ne sais où. Je suis heureux de certaines choses, mais je ne pourrais jamais dire «regardez ce que j’ai fait» ou «je suis fier de cela». J’ai échoué tant de fois, et d’autres choses ont marché.

Je crois qu’il y a une grande part de destin, et de coïncidence aussi. Le fait que notre style soit devenu une tendance mondiale au moment où nous le créions a été un énorme coup de chance. Comment pouvions-nous penser que notre minuscule studio situé dans une vieille fabrique nous ferait vendre 14 millions de disques?

swissinfo: Pouvez-vous résumer votre philosophie de vie?

D.M.: Ma philosophie consiste à apprendre quelque chose tous les jours et à ne pas avoir honte de ce qui ressemble à des échecs. L’échec n’est qu’une expérience différente. Malheureusement, le monde est aujourd’hui tellement soumis à la dictature du succès que les gens ont peur de trouver leur propre chemin. Je pense que savoir faire des faux pas et même savoir tomber est un grand art.

Ma philosophie est aussi de dialoguer avec des gens, d’essayer de trouver les points communs et de voir ce qu’on pourrait réaliser ensemble. Lorsque ça fonctionne, c’est un plaisir immense. C’est probablement la raison pour laquelle j’aime faire des films. Chacun apporte son talent propre. Le réalisateur ou le producteur n’a qu’à réunir tout cela pour créer – si possible – un bon produit.

swissinfo: Vous passez beaucoup de temps à l’étranger. A quel point êtes-vous encore attaché à la Suisse?

D.M.: Oh mais j’y suis très attaché car rien ne peut remplacer votre première expérience avec le monde. C’est comme un disque dur qui est programmé d’une certaine manière. Le mien est assurément programmé par la ville de Zurich, que j’aime beaucoup. Je suis toujours très heureux de revenir ici.

Interview swissinfo: Isobel Leybold-Johnson à Zurich
(Traduction de l’anglais Ariane Gigon)

Dieter Meier est né en 1945 à Zurich. Etudiant en droit, il était destiné à suivre la tradition familiale de banquiers.

Mais le jeune homme décide de se tourner vers les arts et la musique. Avec Boris Blank, il crée le groupe Yello à la fin des années 1970. Leurs plus grands tubes, mélange de musique électronique et de voix manipulées par ordinateur, sont «The Race» et «Oh Yeah».

Il est aussi artiste d’art conceptuel, réalisateur, écrivain et joueur de poker professionnel. Il rédige son deuxième livre et son dernier film est en post-production à Los Angeles.

A la fin des années 90, il a acheté un domaine en Argentine, Ojo de Agua («L’œil de l’eau») où il pratique l’élevage, l’agriculture et le vin biologique. Il vend ses produits dans un restaurant et un magasin à Zurich.

Le morceau «Oh Yeah» a été utilisé dans de nombreux films et, dans la série «The Simpsons», le thème est associé à Duffman.

La chanson «The Race» est très connue, notamment en Allemagne car elle a servi de générique à un show télévisé très regardé dans les années 80.

Yello a enregistré une version de «Jingle Bells» pour le film «The Santa Clause». Le groupe est fréquemment sollicité par le cinéma et et intervenu sur les B.O. de «Point Blank» ou «Shake and Shiver».

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