Des perspectives suisses en 10 langues

Le rôle précurseur du festival de Locarno

Frédéric Maire, le patron du Festival de Locarno. swissinfo.ch

Tout comme celui de Cannes, le Festival du film de Locarno fête cette année son 60ème anniversaire.

Deux mois avant sa tenue, son directeur Frédéric Maire donne un avant-goût du programme. Il rappelle aussi le rôle précurseur joué par le rendez-vous tessinois, l’un des six plus grands festivals de cinéma du monde. Interview.

Dans la foulée du Festival de Cannes, Frédéric Maire était de passage à Genève invité par le Club suisse de la presse.

En charge de l’événement tessinois depuis deux ans, cet ancien journaliste et cinéaste nous fait goûter les premiers ingrédients du menu concocté pour les 60 ans du festival de Locarno.

swissinfo: Le Festival de Cannes a donné sa Palme d’or au roumain Cristian Mungiu. Est-ce le triomphe de l’esprit de Locarno ou une concurrence renouvelée pour le festival suisse?

Frédéric Maire: C’est vrai que le Festival de Cannes diffuse de plus en plus de premiers long-métrages et de jeunes cinéastes. Lui aussi prend des risques. Cannes marche ainsi sur nos plates-bandes – celles de la découverte – et nous concurrence un peu. Mais il y a bien assez de cinéastes et de films dans le monde pour que nous puissions garder notre esprit.

Cette Palme d’or confirme aussi un phénomène déjà constaté l’année dernière à Locarno: le renouveau du cinéma roumain avec des cinéastes sans grands moyens financiers, mais dotés d’un courage et d’une imagination qu’on attendait pas.

swissinfo: L’année dernière, on a beaucoup parlé du renouveau du cinéma suisse, une production pourtant absente de Cannes cette année.

F.M.: Cela fait de nombreuses années qu’il n’y a plus de films suisses en sélection officielle à Cannes. De fait, le cinéma suisse sort d’une longue période de crise et va de mieux en mieux. Je n’exclus donc pas la présence d’un film suisse en sélection officielle dans un très proche avenir.

Nous avons constaté ce renouveau du cinéma suisse l’année dernière à Locarno. Mais il connaîtra forcément des hauts et des bas, car la Suisse n’a pas une industrie qui peut aligner autant de films de qualité que la France, l’Allemagne ou l’Italie.

swissinfo: Comme Cannes, Locarno fête cette année son 60ème anniversaire. Au-delà de la taille, qu’est-ce qui différencie le plus les deux festivals?

F.M.: Locarno a toujours précédé Cannes. Si on examine la liste des cinéastes découverts à Locarno, il est assez étrange de constater qu’ils ont souvent été ensuite sélectionnés à Cannes ou dans d’autres grands festivals. Tout au long de son histoire, Locarno a joué les défricheurs, les découvreurs de talents… confirmés par la suite ailleurs.

Cette année à Cannes figurait par exemple en compétition un film de Catherine Breillat et un autre d’Alexandre Sokourov, deux cinéastes découverts par Locarno, tout comme Hou Hsiao Hsien, présent à Cannes dans la catégorie «Un certain regard». Ce dernier a passé tout jeune à Locarno.

swissinfo: Pour ce 60ème anniversaire de Locarno, quel est l’événement qui vous tient le plus à cœur?

F.M.: C’est notre projet «Retour à Locarno» pour lequel nous avons une dizaine de cinéastes qui ont fait le festival et dont la carrière est née à Locarno.

Ils reviennent cette année avec le film qu’ils ont présenté à l’époque pour le montrer au jeune public d’aujourd’hui. Il s’agit donc de confronter un film fait à l’époque par un jeune cinéaste pour ses contemporains à la jeunesse d’aujourd’hui.

C’est une manière de relire l’histoire du cinéma et du festival et permettre ainsi aux jeunes d’aujourd’hui d’accéder à cette histoire du cinéma, une référence souvent oubliée et pourtant essentielle au cinéma de demain.

swissinfo: Cette accessibilité du public au festival et aux cinéastes invités est-elle une des spécificités de Locarno?

F.M.: Je le crois. Cannes ne le fait par exemple pas du tout, Berlin ou Venise un petit peu plus. Mais nous sommes LE festival où des cinéastes de renom peuvent se confronter au public, discuter avec lui juste après la projection, voire dans les bistrots de la cité.

Nous profitons de cette convivialité typiquement suisse qui plaît à la fois aux cinéastes et au public. Cela permet un échange qu’aucun autre festival de cette taille ne peut offrir.

swissinfo: Marc-Olivier Wahler, directeur du Palais de Tokyo, figure cette année dans l’un des jurys. Quelle signification revêt la présence à Locarno de cet agitateur suisse de l’art contemporain?

F.M.: En fait, l’alliance avec l’art contemporain existe depuis une bonne dizaine d’années. Et ce, avec la présence de grands artistes contemporains dans les jurys.

Grâce à une section rebaptisée cette année «Play forward» et créée avec le fameux commissaire d’exposition Harald Szeemann, le festival cherche à explorer la frontière très floue entre le cinéma et l’art visuel. Cela a pour but de voir comment bouge cette frontière et à quels échanges ces deux univers peuvent procéder. Nous croyons que là aussi, Locarno peut trouver de nouveaux talents à même d’être reconnus par le monde du cinéma.

Interview swissinfo: Frédéric Burnand à Genève

La 60ème édition du Festival de Locarno aura lieu du 1er au 11 août 2007.

«Locarno a joué un rôle de premier plan pour les premiers films néoréalistes italiens et ceux de la Nouvelle Vague. Mais aussi pour le cinéma des pays de l’Est des années 60 et la 5ème génération de cinéastes chinois et, plus récemment, pour le nouveau cinéma iranien et la jeune garde argentine.

Le Festival a aussi souvent repéré et reconnu avant les autres le génie de jeunes réalisateurs du monde entier – parfois dès leurs premiers courts métrages – qui allaient s’affirmer ensuite comme les auteurs importants de leur génération, tels que Roberto Rossellini, Claude Chabrol, Stanley Kubrick, Jacques Rivette, Paul Verhoeven, Milos Forman, Lucian Pintilie, Alain Tanner, Edward Yang, Fredi M. Murer, Alexandre Sokourov, Abbas Kiarostami, Spike Lee, Hou Hsiao-hsien et beaucoup d’autres.

Extrait de la brochure pour la 60ème édition du Festival de Locarno.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision