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Le singe, ce mal-aimé de la famille

L'homme devrait prendre en considération le sort de son plus proche cousin, le singe, pour réfléchir à l'avenir de la planète.

Le Musée d'histoire naturelle de Neuchâtel (MHN) consacre sa nouvelle exposition au singe. Un cousin que l'homme a longtemps renié mais qui l'a toujours fasciné.

A l’heure où la génétique constate que certains grands singes sont nos plus proches parents, l’activité humaine menace partout l’habitat naturel des primates.

Emprunté au malais, le nom d’orang-outan signifie à l’origine homme des bois. Quant au terme de gorille, il proviendrait de la base «gor» ou «gur», qui veut dire homme dans plusieurs langues actuelles du bas Sénégal.

En remontant aux racines du langage, on trouve donc exprimée une intuition que la science a par la suite confirmée lorsqu’elle a montré que l’homme descendait du singe. Ou plus exactement que tous deux avaient un ancêtre commun, n’en déplaise aux créationnistes de tous poils.

Avec sa nouvelle exposition intitulée «Le propre du singe» – montée en collaboration avec le Musée d’histoire naturelle de Grenoble -, le Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel (MHN) nous invite à réfléchir au statut que l’autoproclamé «Homo sapiens» a accordé à ses cousins les plus proches.

Singer l’homme

Car s’il a admis le singe dans l’ordre des primates – du latin «primus», qui est au premier rang, ceci par rapport aux autres mammifères – l’homme s’est aussi évertué à prouver sa supériorité sur ce double pourtant si troublant.

Rire, développer une culture et des relations sociales, utiliser des outils ou des ressources naturelles pour se soigner. Autant d’activités que l’être humain a longtemps cru lui être propres. Erreur ! Les singes eux aussi en sont capables.

Le temps où on les considérait comme des machines à «singer» l’homme est donc révolu. Et les chimpanzés du zoo de Londres n’ont plus aujourd’hui à revêtir des habits victoriens pour prendre le «five o’clock tea» en compagnie des dames de la bonne société.

En fait, ce n’est que depuis quelques dizaines d’années que les éthologues et les primatologues observent les singes pour eux-mêmes dans leur milieu naturel. Comme l’a fait la célèbre Dian Fossey pour les gorilles ou Jane Goodall pour les chimpanzés.

Ces derniers «peuvent connaître plus de 200 plantes. Ils sont capables de différencier les plantes alimentaires et les plantes médicinales, qu’ils utilisent pour se vermifuger ou se protéger du paludisme», explique Christophe Dufour, conservateur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel (MHN).

Champion du Memory

Les grands singes en particulier – chimpanzés, orangs-outans, gorilles et gibbons –, qu’on appelle aussi «hominidés», ont des comportements et des stratégies qui rappellent les nôtres. Dans un livre qui a été offert à tous les membres du Congrès américain, l’éthologue Frans de Waal a montré que les chimpanzés pouvaient faire de la politique, par exemple en créant des alliances pour déstabiliser un mâle dominateur.

Quant au fameux test éthologique de la conscience de soi effectué à l’aide d’un miroir, il révèle que certaines espèces de singes se reconnaissent et utilisent leur image pour faire leur toilette ou pour jouer. Chez les humains, il faut plusieurs mois avant qu’un enfant sache identifier son reflet. Et seuls les éléphants et les dauphins en sont aussi capables.

Autre faculté cognitive importante, la mémoire visuelle instantanée est hyper-développée chez les chimpanzés.

A l’image d’Ayumu, qui, au Centre de recherche sur les primates de l’Université de Kyoto, replace dans le bon ordre des chiffres apparaissant brièvement sur un écran lumineux à une vitesse qu’aucun homme ne peut égaler. Le MHN a reconstitué l’expérience: les champions du Memory ont trouvé leur maître !

Un génocide

De Pline à Darwin, l’animalité du singe a en fait toujours constitué un intrigant miroir pour l’humanité. Parue à la fin du 18ème siècle, la «Nomenclatures des singes» du comte de Buffon en témoigne lorsqu’il écrit : «Cet orang-outang […] n’ est en effet qu’ un animal, mais un animal très singulier, que l’ homme ne peut voir sans rentrer en lui-même, sans se reconnaître, sans se convaincre que son corps n’ est pas la partie la plus essentielle de sa nature.»

Et si l’être humain a mis beaucoup de temps à accepter ses origines animales, les découvertes scientifiques les plus récentes, dans le domaine de la génétique surtout, confirment qu’il n’est pas une espèce à part, mais un résultat, parmi d’autres, de l’évolution.

«Notre parenté génétique avec le chimpanzé est de plus de 98%. Certains biologistes classent même le chimpanzé dans le genre Homo, le même que le nôtre», indique Christophe Dufour. Il lâche d’ailleurs le mot de «génocide» à propos des populations de gorilles, de chimpanzés et d’orangs-outans qui sont actuellement décimées en Afrique et ailleurs.

En réalité, plus d’un tiers des espèces de singes sur la planète sont aujourd’hui menacées. «La cadence est absolument effrénée», s’alarme Christophe Dufour. Et de pointer du doigt tout à la fois la déforestation, les cultures destinées à fabriquer divers biocarburants, l’extraction minière et le braconnage.

swissinfo, Carole Wälti

«Le propre du singe» au Musée d’histoire de Neuchâtel (MHN).
Exposition ouverte du mardi au dimanche de 10h à 18h.
A voir jusqu’au 26 octobre 2008.

La zoologie place le singe (du latin simius) dans la classe des mammifères et dans l’ordre des primates.

Cet ordre compte 290 espèces, dont les hommes, les grands singes, les autres singes et les lémuriens. Le terme «primate» provient du latin «primus» qui signifie «qui est au premier rang».

Selon la dernière liste de l’Union internationale de conservation de la Nature (2007), il existe 297 espèces de primates, dont 160 sont menacées à des degrés divers.

Dans cet ordre des primates, le chimpanzé et le bonobo sont, physiquement et génétiquement, les plus proches de l’être humain. Ils partagent 98% de son patrimoine génétique.

Le terme de «grand singe» désigne les espèces formant les hominidés, c’est-à-dire le gorille, le chimpanzé commun, le bonobo, l’orang-outan et l’être humain, ainsi que des espèces aujourd’hui éteintes.

Les gorilles et les chimpanzés vivent uniquement en Afrique équatoriale, d’où le nom donné à ces deux groupes de grands singes africains. Les orangs-outans ne vivent qu’en Asie, dans les forêts de Malaisie et d’Indonésie, d’où leur appellation de grands singes asiatiques.

Les grands singes possèdent un cerveau particulièrement développé. Du fait de leurs capacités cognitives importantes et de leur proximité avec l’homme, les grands singes sont donc étudiés avec intérêt par les primatologues et les éthologues.

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