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Le décès d’un acteur du rayonnement culturel suisse

René Gonzales dirigeait un multiplex théâtral sans équivalent en Suisse. Mario Del Curto

Le directeur du Théâtre de Vidy-Lausanne, René Gonzalez, est décédé à l’âge de 69 ans, des suites d’une longue maladie. Ambitieux et passionné, il a donné à son théâtre une aura internationale. Il fut un remarquable ambassadeur au service de la culture suisse à l’étranger.

René Gonzalez avait les moyens de ses ambitions. Il rêva grand le Théâtre de Vidy lorsqu’il en prit la direction en 1991. Vingt et un ans après, la vénérable institution lausannoise est connue dans le monde occidental des arts scéniques, l’Europe en tête.

Une chose échappa néanmoins à l’ambition de Gonzalez: sa guérison. Il y a toujours cru, lui, l’homme à l’énergie époustouflante qui voulait vaincre sa maladie. Mais un méchant «crabe» à l’œsophage a eu raison de lui. René Gonzalez, né en 1943, s’en est allé. Son adjoint, René Zahnd, déplore la disparition d’un être «passionné par les utopies artistiques».

Joint par téléphone, Zahnd ne cache pas son admiration pour le directeur disparu avec lequel il a travaillé durant plusieurs années. Il confie: «Lorsqu’il est arrivé à Vidy, René Gonzalez a très vite compris qu’il fallait exploiter toutes les potentialités du lieu : une situation magnifique au bord de l’eau, une équipe artistique et administrative dévouée, et surtout des autorités de tutelle à l’écoute, capables d’un dialogue fécond».

Le sens de la diplomatie

De tous ces avantages, Gonzalez va tirer profit. Brillamment. Année après année, il étoffe le programme, agrandit la capacité d’accueil du théâtre, assoit la réputation de la maison en Suisse et lui donne une aura à l’étranger. Il est aidé en cela par son carnet d’adresses, prestigieux. Parisien de naissance, ayant dirigé de très grandes institutions dans la capitale française (le Théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis, l’Opéra Bastille, la MC 93 à Bobigny), il a ses entrées partout.

Ce qui n’a pas échappé aux autorités culturelles lausannoises, qui font appel à lui en 1990. Pour commencer, il codirige Vidy avec l’Allemand Matthias Langhoff, un artiste au caractère  bien trempé. Au bout d’une année, ce dernier s’en va, et Gonzalez reste. Il a la diplomatie qu’il faut pour régner sur une «ville» comme Vidy. Il a surtout un grand talent de gestionnaire. Par lui, les finances sont très bien tenues. Ni acteur ni metteur en scène, il ne s’encombre d’aucun plan de carrière. Son temps est entièrement consacré à son métier de producteur.

Aujourd’hui, Grégoire Junod, responsable de la Culture en Ville de Lausanne, se réjouit du choix fait à l’époque. «La nomination de Gonzales à Vidy répondait à un souhait politique de la Ville: faire du lieu une des plus grandes scènes d’Europe, avoue-t-il. Vingt ans après, on peut dire que le contrat est rempli. Avec trois salles et un chapiteau, Vidy est devenu un multiplex théâtral qui n’a aucun équivalent en Suisse, et même en Europe, surtout si l’on parle  en termes de diffusion».

Ce sont les tournées qui contribuent donc en grande partie au rayonnement de Vidy: 500 à 600 représentations sont données annuellement sur les scènes du monde entier.

Les vedettes et les jeunes talents

De Bob Wilson à Heiner Goebbels, en passant par Claude Régy, Luc Bondy et  Rezo Gabriadze, de nombreux metteurs en scène internationaux ont créé des spectacles (théâtre, danse, cirque, musique) dans ce «Théâtre au bord de l’eau».  A ces grands noms, s’ajoutent ceux de nos artistes alémaniques, romands et tessinois: Denis Maillefer, Daniele Finzi Pasca, Valentin Rossier, Gian Manuel Rau… Car si Gonzalez invite les vedettes à travailler chez lui, il sait qu’il faut faire connaître aussi les talents locaux, les jeunes particulièrement.

Gérard Desarthe, comédien français de renom, qui se produit très souvent à Genève et à Lausanne, se souvient: «Je connais René depuis 30 ans. C’était quelqu’un qui avait une très grande qualité: l’empathie. Il savait écouter les jeunes, les épauler. Je regrette qu’il n’ait pas été apprécié à sa juste valeur en France. Il était un programmateur et un producteur remarquable, sans équivalent. Les Suisses l’ont vite compris. Aussi, les aimait-il beaucoup. Tant mieux pour eux. Et tant pis pour nous».

Né à Paris en 1943.

Formé au Cours Simon et à la Rue Blanche, il appartient à la troupe permanente du Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis (banlieue parisienne), institution qu’il dirige plus tard, de 1976 à 1985.

Son travail de direction et de programmation, il le poursuit à la tête de la Maison de la Culture MC 93 de Bobigny (Paris), entre 1985 et 1988.

Il est ensuite le premier et le très éphémère directeur de l’Opéra Bastille (décembre 1988-août 1989) qu’il quitte après en avoir assuré l’ouverture.

Lausanne fait alors appel à lui. Il codirige le Théâtre de Vidy avec Matthias Langhoff, durant la saison 1990-1991. Puis il tient seul la barre.

Au fil des années, il fait du «Théâtre au bord de l’eau» un haut lieu du spectacle vivant, jouant avec conviction la carte de la création.

Tout en gardant ses fidélités artistiques, il ne cesse de renouveler les propositions.

Il donne ainsi à son théâtre un essor qualitatif qui fait connaître Vidy sur les scènes du monde entier.

Les spectacles qu’il programme auront été présentés dans plus de 50 pays.

Il décède à l’hôpital de Morges (VD) le 18 avril.

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