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La diversité suisse en 25 récits

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Traduit de l’allemand, «Un voyage en Suisse » promène le lecteur dans la Confédération avec le regard de 25 auteurs suisses. Selon Bernard Campiche, éditeur de sa version française, «seule la durée peut aider à comprendre cette mosaïque culturelle qu’est la Suisse».

On cherchera en vain le chocolat,  le Cénovis, la montre Swatch ou la figure d’Heidi. Dans Un voyage en Suisse, le pays alpin échappe aux clichés et figures stéréotypées qui font sa réputation et en même temps occultent ce qu’il est réellement.

Afin de le découvrir dans sa réalité crue, il faut regarder le peuple vivre sous la plume de 25 auteurs suisses issus des différents cantons. Chaque écrivain a ses souvenirs propres, anecdotiques ou historiques, transmis au fil de ses récits.

Tous les textes réunis dans ce Voyage ont été extraits des œuvres de leurs auteurs et publiés pour la première fois après 1982. Ce qui ne signifie pas que les histoires racontées ont pour cadre notre époque uniquement. Elles peuvent remonter à des temps plus anciens. 

   

Vingt cinq écrivains donc. Pourquoi ce nombre ? « Il faut dire que la Suisse est constituée de 23 cantons, ou 26 avec les demi-cantons. Mais le chiffre 25 nous a paru le plus plausible. Nous avons estimé que le canton le plus peuplé, où se trouve la seule grande ville du pays (Zurich), devait être représenté par deux récits, et que le canton bilingue des Grisons devait l’être tant par un récit en rhéto-romanche que par un texte en allemand », explique dans une note d’intention Dirk Vaihinger, éditeur alémanique qui a publié Un voyage en Suisse (Die Schweizerreise), en 2008.

Repli sur soi contre ouverture

Traduit en français par François Conod, le livre paraît aujourd’hui aux éditons Campiche. Quatre ans séparent les deux versions. Pourquoi autant de temps ? « En raison des innombrables difficultés que m’ont posé les droits d’auteur et de traduction, confie Bernard Campiche. La version française diffère légèrement de l’allemande. Sur les 25 écrivains, trois sont morts entre temps. J’ai dû donc les remplacer ».  Mais cela ne change en rien la géographie du livre.

Voici donc Appenzell, Argovie, Bâle, Berne, Genève, Fribourg… Les cantons se découvrent ici par ordre alphabétique. De chacun d’eux se dégage une atmosphère liée au paysage, aux habitudes, aux événements politiques, économiques ou sociaux du lieu. Ce qui frappe, c’est que les récits de cantons appartenant à la Suisse centrale donnent pour la plupart une vision intimiste du pays. A croire que la configuration géographique induit un repli sur soi !

Les Suisses que l’on voit vivre ici sont des paysans, des fermiers ou des gens ordinaires de petites villes, avec des problèmes de famille, de couple, de solitude ou d’argent. Ils « humanisent » l’Helvétie, gommant l’image d’un luxe inaccessible que le pays projette souvent. Leurs voyages se font à l’intérieur des terres et dévoilent des paysages d’une beauté inattendue où la neige, et le chalet qui va avec, sont heureusement absents.

Avec ses cantons frontaliers, l’Helvétie respire mieux. Elle devient une caisse de résonance qui renvoie un écho du monde. S’y croisent parfois la petite et la grande Histoire, comme à Soleure dont le profil est dressé par Peter Bichsel en ces mots bien drôles : « Les écrivains sont à Soleure, les cinéastes sont à Soleure, Napoléon  y a été, et Casanova, et tous reviennent, et tous sont d’ici ».

A propos d’Un voyage en Suisse, son éditeur alémanique Dirk Vaihinger écrit :

« Les gens se sentent avant tout de leur région – l’habitant de l’Oberland zurichois aime se distinguer du Zurichois de la ville, celui de l’Entlebuch du Lucernois, celui de la Haute Engadine du citoyen de Coire. Mais quand un Bâlois, un Zurichois et un Grison se rencontrent, la chute de la blague qui s’ensuit est toujours constituée par l’esprit, le dialecte et le paysage du canton concerné. (…)

Un voyage en Suisse à travers la littérature, dans des récits choisis selon le lieu d’origine ou de résidence de leurs auteurs, donne une image de ces dissemblances internes (…) ; en outre il offre une mosaïque créatrice, une carte géographique narrative, un miroir de l’activité littéraire en Suisse ».

 

Son éditeur francophone Bernard Campiche confie :

« Je publie depuis longtemps une auteure française, Sylviane Roche, qui vit aujourd’hui en Suisse. Elle m’a un jour raconté que lorsqu’elle a décidé de s’établir chez nous, elle croyait qu’elle se retrouverait en terre apprivoisée. Elle s’est vite aperçue que ce n’était pas le cas. Je veux dire par là que même pour une francophone, les cantons romands peuvent paraître étrangers. Il faut du temps pour comprendre la Suisse. Seule la durée peut vous y aider ».

Le Tessin, théâtre des migrations

Le Tessin lui aussi fait l’objet de récits truculents. A la lecture de ce Voyage, il apparaît comme le théâtre de mouvements migratoires frénétiques. En témoigne Je ne sais pas si j’étais heureux, texte du Tessinois Alberto Nessi, où s’entrechoquent, dans un mélange de souvenirs, la Suisse, l’Italie, la France et le Portugal.

On le voit, le choix des textes n’est pas innocent. Autre exemple, Genève. Dans un récit d’Anne Cuneo, la ville protestante, qui depuis Calvin a perdu une bonne dose de son austérité, est vue aujourd’hui à travers une enquête sur un crime, racontée par Anne Cuneo.

Une vision désuète

De nombreux auteurs ou voyageurs étrangers ayant parcouru la Suisse ont consigné dans leurs œuvres leurs impressions sur le pays. Réunies dans des ouvrages divers, ces impressions ont donné lieu ces dernières années à des titres comme Le Goût de la Suisse de Sandrine Fillipeti, ou encore Le Voyage en Suisse de Claude Reichler et Roland Ruffieux.

« Tous ces livres contiennent des textes qui datent pour la plupart du 18e ou 19e siècle, proteste Bernard Campiche. Ils reflètent une vision désuète et souvent erronée de la Suisse. Il faut avoir vécu 30 ou 40 ans dans ce pays pour connaître la mosaïque culturelle qu’il forme. Les personnes qui y ont séjourné comme touristes ne peuvent pas le cerner de manière juste ».

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