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Comment vieillir quand on est danseur de ballet

swissinfo/Thomas Kern

Star mondiale du ballet, le Japonais Tetsuya Kumakawa est membre cette année du jury pour le prestigieux Prix de Lausanne. Pour swissinfo.ch, le danseur parle de l'importance de cette compétition, et de la pratique de la danse après 40 ans.

Né en 1972, Tetsuya Kumakawa est le plus grand danseur de ballet japonais et aussi l’un des meilleurs du monde.

Suite à sa rencontre avec le professeur suisse Hans Meister, il quitte à 15 ans le Japon pour étudier à la Royal Ballet School (RBS) de Londres. Moins de deux ans plus tard, en 1989, il collectionne les récompenses, dont le premier prix du concours de dance de Lausanne, avec son interprétation d’une variation de Don Quichotte.

Une manifestation qu’il suit pour la 2ème fois en tant que membre du jury.

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swissinfo.ch: Quelle est la signification de cette compétition?

Tetsuya Kumakawa: Ce Prix de Lausanne est très particulier. Il peut ouvrir de nouvelles portes aux jeunes élèves qui y participent. Quand j’ai gagné la médaille d’or du Prix de Lausanne en 1989, ma réputation s’est répandue dans le monde entier.

Découvrir de nouveaux talents est toujours difficile. C’est pourquoi je veux donner quelque chose en retour à la compétition qui m’a fait découvrir. Je veux rembourser ce que j’ai gagné. Je suis très heureux d’être ici en tant que bénévole. S’il y a quelque chose que je puisse faire pour aider la jeune génération, en tant que doyen, je le ferai. C’est aussi simple que cela.

Ayumu Gombi

swissinfo.ch: Que faites-vous comme membre du jury?

TK: Nous essayons de voir comment les élèves travaillent, leur capacité et leur potentiel. Et ce au plus profond de chaque candidat.

Pour les étudiants, tout repose sur la confiance pour ne pas être englouti par la pression. Ils ont probablement été formés pour cette compétition toute l’année.

C’est un long processus de 5 jours, alors que  dans les compétitions normales, vous débarquez, vous enfilez un joli costume et vous passez au maquillage pour accomplir une performance unique. À Lausanne, vous êtes dans un studio, constamment surveillé par les juges qui examinent comment vous travaillez et si vous supportez la pression.

Né à Sapporo sur l’ile de Hokkaido en 1972, Tetsuya Kumakawa  commence le ballet à 8 ans.

Hans Meister, un professeur suisse de ballet en  visite à Hokkaido, provoque un tournant dans la carrière naissante du danseur. Le Suisse l’encourage à rejoindre la Royal Ballet School (RBS)  de Londres.

Ce qu’il fait à 15 ans en déménageant dans la capitale britannique.

Moins de deux ans plus tard, en janvier 1989, Tetsuya Kumakawa remporte la médaille d’or du Prix de Lausanne en Suisse.

Peu après, il devient le premier danseur asiatique à rejoindre la Compagnie Royale de Ballet (RBC) de Londres.

Tetsuya Kumakawa connait une ascension fulgurante au sein de la RBC.

À l’âge de 26 ans, ‘Teddy’, comme l’appellent ses amis au Royaume-Uni, a déjà dansé le répertoire complet des rôles classiques et modernes à la RBC.

En 1998, il quitte le Ballet Royal pour fonder à Tokyo sa propre compagnie,  K-Ballet.

En 2004, Tetsuya Kumakawa crée l’Ecole K-Ballet. Considéré comme une pop star au Japon, il continue de transmettre son savoir-faire à une nouvelle génération de danseurs.

Sources : CNN

swissinfo.ch: Quels mouvements, quelles émotions essayez-vous de transmettre quand vous dansez ?

T.K.: La musique est très importante. On doit réagir instantanément à la musique. Elle doit pénétrer dans le corps, être digérée pour pouvoir la communiquer à travers le mouvement. Il faut vraiment créer la passion en soi-même pour réagir à la musique. Il faut l’aimer passionnément.

Quand on est jeune, on a tendance à se concentrer sur la façon de sauter, de tourner. Mais cela fait partie de la croissance. Une fois que son corps est mature, on cherche des choses différentes. À mon âge, la technique n’est plus aussi attrayante. Je suis plus intéressé par les lignes ou comment montrer l’émotion à travers la musique.

swissinfo: Est-ce la même chose avec la danse contemporaine?

T.K.: J’ai toujours été un danseur classique. En danse contemporaine, il faut être un bon philosophe. Vous devez être très centré sur vous-même. Vous devez être capable de vous couper de ce que vous voyez. Il n’y a plus de sens profond.

Comme la danse classique se transmet depuis des lustres, elle produit un style très particulier. Ce qui n’est pas le cas dans la danse contemporaine. C’est une approche totalement différente.

swissinfo.ch: Le nombre de candidats masculins dans le Prix de Lausanne est en augmentation. Est-ce le reflet d’un intérêt croissant de la part des danseurs?

TK: Historiquement, la danse est une affaire de ballerine. Mais depuis le légendaire danseur Nijinski, les danseurs masculins ont également suscité l’attrait. Je pense qu’en termes de beauté, il n’y a pas de différence entre les danseurs et danseuses.

Les danseurs sont athlétiques et ont des pas plus dynamiques. Ce qui produit un impact immédiat sur le public et  sur les jeunes danseurs qui rêvent d’une carrière héroïque. Mais pour les danseuses, la beauté du style, l’expression profonde et émotionnelle sont plus développés que chez les hommes.

Je pense que les ballerines atteignent ce point de maturité plus tôt que les hommes. Comme  jeune danseur, la technique est plus attrayante … vous êtes plein d’énergie qui ne demande qu’à s’exprimer. C’est la passion d’être un danseur.

swissinfo.ch: Comment les styles de danse masculine ont-ils évolué depuis 20 ans ?

TK: La civilisation s’est tant améliorée avec YouTube, tout le monde peut voir ce que font les autres. Aujourd’hui tout le monde copie tout le monde et partage les techniques (rires).

Mais la technique n’est pas l’objectif principal comme ce fut le cas dans le passé. Dans ma jeunesse, la technique était tout. Quand j’étais enfant,  je devais faire des recherches pour  trouver et acheter une superbe vidéo de Rudolf Noureev ou de Mikhail Baryshnikov et ce pour essayer d’être comme eux.

Aujourd’hui, les gens peuvent partager instantanément leur technique. D’une certaine manière, les danseurs d’aujourd’hui deviennent ainsi techniquement matures plus tôt qu’à mon époque. Pour eux, la technique n’est pas tout. Aujourd’hui, ils vont au-delà des lignes et des modèles de danse agréable. C’est une nouvelle et bonne tendance.

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swissinfo.ch: L’année dernière, vous avez eu 40 ans. Vous voyez-vous continuer à danser pendant de nombreuses années?

TK: Il faut être conscient de ses limites physiques. A mon âge, on ne peut pas bouger comme un jeune. Mais je suis devenu un danseur plus mature.

J’aborde la danse d’une manière différente. J’apprécie plus la musique, la danse avec les ballerines et le reste de la compagnie. Je ne cesse de modifier les pièces classiques à ma façon; j’essaie de rendre l’histoire moins complexe pour qu’elle soit facilement compréhensible, tout en ajoutant plus de mouvements pour les danseurs que dans le passé.

Il y a tellement de façons de danser et de vous exprimer sur scène. Si je trouve un répertoire pour mon âge, alors je vais rester sur la scène.

Mais si les gens attendent de moi que je fasse les mêmes choses qu’à mes 20 ans, personnellement, je ne trouve pas cela intéressant.

Quant à la compagnie K-Ballet  que j’ai fondée, c’est une entreprise très spéciale. J’en suis devenu la star et je dois continuer à danser pour vendre des billets. Et ce pour aussi longtemps que je peux.

Beaulieu. Le 41e concours international pour jeunes danseurs se tient au théâtre de Beaulieu à Lausanne du 27 janvier au 2 février 2013. Quelque 75 candidats de 15 à 18 ans de tous les continents y participent.

Histoire. Crée par Elvire et Philippe Braunschweig, le 1er Prix de Lausanne s’est tenu en 1973.

Evolution. Depuis lors, ce concours a développé des partenariats avec près de 60 écoles et compagnies de ballet du monde entier.

International. Plus de 4000 candidats venus de 70 pays ont participé au concours lausannois.

Bourse. Plus de 300 lauréats ont obtenu une bourse ou un prix à l’origine de leur carrière internationale.

Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand

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