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Stanley Kubrick revisité à Zurich

Quand madame Kubrick regarde Lolita à Zurich. Keystone

Après Francfort, Berlin, Melbourne et Gand, l'exposition «Stanley Kubrick, dans l'esprit d'un réalisateur visionnaire» fait halte à Zurich jusqu'au 2 septembre.

Passionnant parcours entre objets, costumes, photos, scénarios, et extraits de chefs d’œuvre.

Treize longs métrages et presque autant de chefs d’œuvre: chez Stanley Kubrick (1928-1999), le poids de l’œuvre ne se mesure pas à la quantité.

Nul besoin d’être cinéphile pour connaître ces titres qui, tous, ont fait date dans l’histoire du cinéma: du «Baiser du tueur» (1955) à «Eyes wide shut», son dernier film, en 1999, avec Nicole Kidman et Tom Cruise, en passant par «Lolita» (1962), l’œuvre du New Yorkais exilé en Angleterre est aussi riche que multiforme.

C’est dans cet univers que l’exposition ouverte récemment à Zurich permet de se replonger. Monté en 2004 à Francfort avec la collaboration de Christiane Kubrick, son épouse, et Jan Harlan, son beau-frère, le parcours retrace la carrière du génial réalisateur grâce à des centaines d’objets provenant de ses archives privées.

«Une famille chaotique»

«Je suis rassurée que l’organisation de cette exposition ait réussi, a expliqué Christiane Kubrick, comédienne et peintre d’origine allemande, devant les médias réunis à Zurich. Notre famille est si chaotique… Stanley réunissait tellement de matériel pour chaque film, c’était comme s’il recommençait des études à chaque fois.»

«Quand le film était terminé, a poursuivi Madame Kubrick, Stanley poussait de côté tout ce qu’il avait accumulé et disait qu’il le rangerait un jour, ce qu’il ne faisait jamais.»

L’exposition prend le parti du déroulé chronologique, depuis le premier court métrage, «Day of the fight», un documentaire sur un boxeur tourné en 1951. La minutie de Stanley Kubrick se voit dans chaque objet exposé.

On reste coi devant le temps qu’il a fallu – à l’heure des machines à écrire – pour élaborer des scénarios si précis, détaillant chaque scène sur de grandes feuilles épinglées les unes aux autres.

Collectionneur d’objectifs

L’attention que le réalisateur portait à ses caméras est aussi documenté. Dans l’une des nombreuses interviews diffusées dans l’exposition, l’un de ses amis raconte que Kubrick était connu pour avoir toujours les meilleurs objectifs existant, voire des prototypes pas encore sur le marché.

Il a ainsi utilisé du matériel conçu par la Nasa, notamment pour la fameuse «caméra aux bougies» de «Barry Lindon», qu’il avait déjà imaginée pour son projet de «Napoléon».

Un projet dont l’échec – la MGM refusa de le financer en 1969 – plongea le réalisateur dans une grave crise, a rappelé Jan Harlan. L’autre grand film non réalisé, «Aryan Papers», a aussi sa place dans l’exposition, de même que le projet finalement tourné par Spielberg, «A.I».

Le fœtus de «2001, Odyssée..»

Côté science-fiction toujours, la partie de l’exposition consacré à «2001, Odyssée de l’espace» (1968) en est bien évidemment l’un des moments forts: monolithe, reproduction de la centrifugeuse de 12 mètres de diamètre construite par Kubrick pour filmer en donnant l’illusion de l’apesanteur, fœtus au visage triste vieilli font partie des objets exposés.

Le visiteur verra encore les fameuses tables en forme de corps féminins arqués d’«Orange mécanique» (1971), le masque et la cape noire de Tom Cruise dans «Eyes Wide Shut» et, pour ne citer que ces exemples, la chaise imaginée pour les travellings dans les couloirs de «The Shining» (1980).

Un homme aimable et très familial

Présent lors de la conférence de presse, l’acteur Matthew Modine figure au «générique» de l’exposition grâce aux photos qu’il a réalisées sur le tournage de «Full Metal Jacket». Selon lui, Kubrick n’était pas le mégalomane difficile d’accès que l’on a souvent décrit.

«Ce qui était fou avec Stanley, c’est que tout le monde avait une histoire à raconter à son propos. Ma rencontre avec lui a pourtant été on ne peut plus simple: un chauffeur m’a amené chez lui, et le voilà qui sort de sa maison, avec ses chiens, lui, le gamin juif du Bronx, comme n’importe quel paysan anglais.»

«Il était incroyablement amoureux de sa famille, ajoute Matthew Modine. Peut-être a-t-il été dur avec certaines personnes par le passé, mais c’est un aspect de lui que je n’ai absolument pas connu, au contraire.»

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

Stanley Kubrick, décédé en 1999, est né en 1928 dans le Bronx, à New York, de parents originaires d’Europe centrale. D’abord photographe, il tourne dès 1951 plusieurs courts métrages en autodidacte.

Sa filmographie démarre véritablement avec «Killer’s Kiss» (Le baiser du tueur, 1955). Suivent «The killing» (L’ultime razzia, 1956), «Paths of glory» (Les sentiers de la gloire, 1957) et «Spartacus».

En 1961, Kubrick quitte Hollywood et s’établit à Londres. Il termine «Lolita» en 1964,
«Dr. Strangelove» (Docteur Folamour) en 1964, «2001: A Space Odyssey» en 1968.

«A Clockwork Orange» déclenche un scandale en 1971. «Barry Lyndon» (1975) «The Shining» (1980) «Full Metal Jacket» (1987) suivront, précédant la dernière œuvre, «Eyes Wide Shut» (1999).

Le Deutsche Filmmuseum de Francfort a pu consulter, trier, archiver et exploiter les archives privées de Stanley Kubrick en collaboration avec sa veuve, Christiane Kubrick, et le frère de celle-ci, Jan Harlan, qui a travaillé avec le réalisateur dès la fin des années 60.

Depuis 2004, l’exposition «Stanley Kubrick, inside the mind of a visionary filmmaker», a déjà été vue par 54’000 personnes à Francfort, 78’000 à Berlin, 34’000 à Melbourne et 33’000 à Gand (Belgique).

Avant Rome (dès octobre prochain), l’exposition est à voir à Zurich, Papiersaal Sihlcity, jusqu’au 2 septembre 2007.

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