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La presse suisse tire un bilan plutôt sombre

La mort d'Hugo Chavez suscite beaucoup de tristesse chez de nombreux latino-américains. AFP

Les commentateurs de la presse suisse estiment que la situation sera difficile pour les successeurs du président défunt du Venezuela. Malgré d’incontestables réussites, Hugo Chavez laisse derrière lui un pays divisé et affaibli, selon eux.

Après quatorze ans à la tête de l’Etat, le président Hugo Chavez est décédé mardi des suites d’un cancer. Une élection présidentielle sera organisée dans trente jours. Pour l’heure, le vice-président Nicolas Maduro, assure l’interim.

Mort comme vivant, Hugo Chavez ne laisse pas indifférent et divise les esprits, comme le résume la Basler Zeitung: «Était-il un visionnaire ou un fou? Était-il le successeur légitime du héros de la liberté sud-américaine Simon Bolivar ou un charlatan?».

Bilan contrasté

Les différents commentateurs relèvent que le président Chavez laisse un bilan contrasté, fait d’ombre et de lumière. Le Tages-Anzeiger note que «le pays a perdu un leader charismatique, qui a montré une réelle proximité avec les gens et qui s’est battu contre la pauvreté». Mais le quotidien zurichois relève aussi le revers de la médaille: «Le Venezuela a aussi perdu quelqu’un qui devenait plus autoritaire, arrogant et déraisonnable à mesure qu’il s’accrochait au pouvoir».

La Liberté tire également un bilan contrasté. «Hugo Chavez n’était ni un dictateur ni un leader rouge à ranger dans le musée des horreurs à côté de Mao et de Staline. Mais il avait une conception très étroite de la démocratie. Il s’est laissé aller à une dérive autoritaire durant ses mandats: culte de la personnalité, atteinte à la liberté de la presse, violations des droits humains, concentration des pouvoirs… Ses mauvaises fréquentations (Kadhafi, Ahmadinejad…) noircissent un peu plus le tableau», écrit le quotidien de Fribourg.

Encore plus critique, la Neue Zürcher Zeitung va jusqu’à parler de «chimère» pour qualifier l’action du président défunt. «Chavez a superficiellement donné une voix et une identité à beaucoup de ses compatriotes des couches pauvres et très pauvres. Et ceux-ci sont persuadés que son socialisme du 21e siècle ne leur apporte que des avantages. Pour ses successeurs bolivariens, à qui le charisme et la force de persuasion de Chavez font défaut, il sera très difficile de maintenir cette chimère», note le quotidien zurichois.

«Au-delà de la rhétorique et de réalisations incontestables, la grande question est de savoir maintenant si le chavisme survivra à Chavez, dans la mesure où, dans des secteurs clés comme l’économie, la sécurité publique et la lutte contre la corruption, l’héritage de la ‘révolution bolivarienne’ n’est guère reluisant. Pour ne pas dire catastrophique», juge pour sa part la Tribune de Genève.

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Tâche difficile

Concernant l’avenir immédiat, il ne fait guère de doutes pour les analystes que l’actuel vice-président Nicolas Maduro remportera les élections présidentielles, dans un mois. «L’ombre du maître deviendra très probablement le maître à son tour», prédit le quotidien romand Le Temps.

«L’actuel vice-président a l’avantage, explique la Neue Zürcher Zeitung. D’une part dans son camp, car il a été personnellement couronné successeur par Chavez. D’autre part par rapport à l’opposition, car il pourra profiter de l’affliction du moment. Il sera également favorisé par Cuba qui a perdu, avec Chavez, son plus proche et son plus loyal allié.»

Mais la presse juge que la tâche sera difficile pour Nicolas Maduro. C’est par exemple le cas du Tages-Anzeiger qui écrit: «Les dangers menacent l’ancien chauffeur de bus, syndicaliste, ministre des Affaires étrangères et vice-président. Car, avec sa politique de dépenses inconsidérées, Chavez a laissé le budget de l’Etat dans une situation si critique que son successeur n’aura d’autre choix que de demander de lourds sacrifices au peuple».

Pour Le Temps, la mort d’Hugo Chavez ne suffira pas pour l’heure à éteindre la révolution bolivarienne. Mais le quotidien d’ajouter: «Si elle expire un jour, ce sera sous le poids de ses propres difformités, l’envers sombre des indéniables conquêtes sociales léguées par le Comandante: l’extrême confusion des pouvoirs, la corruption suffocante de la bureaucratie, l’atonie du secteur privé, l’inflation que promet de nourrir une récente dévaluation et la propagation incontrôlable de l’insécurité».

Les autorités suisses ont appris «avec tristesse» le décès du président vénézuélien Hugo Chavez, a indiqué mercredi le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

Le président de la Confédération Ueli Maurer a présenté ses condoléances aux autorités et au peuple vénézuélien.

Le drapeau suisse a été mis en berne au Palais fédéral, comme le veut la tradition en cas de décès d’un chef d’Etat en exercice.

Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères Didier Burkhalter se rendra vendredi à l’ambassade du Venezuela à Berne. Il y présentera les condoléances de la Suisse aux représentants de ce pays et signera le livre de condoléances ouvert par l’ambassade.

(Source: ATS)

Jouer avec le feu

La presse souligne enfin qu’au-delà des problèmes économiques, le Venezuela est divisé. «Le Comandante laisse un pays profondément divisé, hautement corrompu et négligé au niveau des infrastructures», note la Basler Zeitung.

Or une telle situation est potentiellement explosive. «Si Maduro ou un autre chef de file du camp Chavez devait instrumentaliser l’atmosphère ambiante pour attaquer l’opposition, cela équivaudrait à jouer avec le feu, compte tenu de l’état de polarisation extrême de l’opinion vénézuélienne. En effet, bien que les partisans éplorés du défunt règnent actuellement dans les rues et dans les médias, ses opposants sont numériquement presque aussi nombreux», avertit le Tages-Anzeiger.

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