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Des communes face à une sérieuse contamination

Le nettoyage de Kölliken devrait être achevé d'ici 2016. swissinfo.ch

Aujourd’hui, la Suisse recycle, incinère et traite ses déchets très consciencieusement. Mais elle est encore et toujours confrontée aux erreurs du passé, sous forme de sols contaminés et de décharges de déchets toxiques.

Kölliken, dans le canton d’Argovie, abrite l’une des plus grandes décharges de Suisse.

«J’ai grandi ici et elle a toujours été là, on y est habitués. Il n’y a pas de mauvaises odeurs ou quoi que ce soit et on se sent en sécurité. Mais elle est énorme, n’est-ce pas?», répond la serveuse du café, quand je lui demande ce qu’elle pense de la décharge pleine de déchets d’origine chimique et pharmaceutique.

Dans les années 1970, on pensait que la structure argileuse du sol constituerait un site favorable pour l’entreposage de déchets dangereux. Ce qui s’est avéré faux. Les substances chimiques se sont infiltrées dans le terrain environnant, provoquant une puanteur épouvantable. En 1985, alors que 457’000 tonnes de déchets avaient été déposées ici, les autorités municipales ont reconnu la menace qu’elles représentaient pour les eaux souterraines et pour la population et ont fermé la décharge.

«La conscience de l’environnement était simplement très différente», selon Stephan Robinson de Green Cross, une organisation internationale qui milite contre la pollution. «Avant les années 1960, 1970, il n’y avait pas vraiment de connaissance de l’environnement. Mais ensuite il y a eu un profond changement des mentalités.»

Il relève que l’Europe ne crée plus de décharges. «La tendance est de tout incinérer. De cette façon, vous réduisez le volume et vous détruisez de grandes quantités de déchets toxiques. Les résidus, comme le mercure, finissent dans les cendres des filtres. C’est alors qu’il faut savoir comment disposer de ces filtres.» En Europe, le manque d’espace et le risque de mauvaise évaluation de la géologie est un des arguments contre l’enterrement des déchets.

Une bonne idée, pour l’époque

«Quand on a ouvert Kölliken, c’était une bonne idée pour l’époque. Mais elle n’a pas été très bien exécutée», relève Benjamin Müller, tout en manœuvrant un véhicule ressemblant un peu à un tank dans la zone dite «noire», pour désigner la halle où des excavatrices récupèrent des reliquats dangereux. Benjamin Müller est le directeur du projet d’assainissement à long terme.

La «zone noire» est sombre et poussiéreuse. Des poteaux portant de grands numéros marquent les diverses découvertes que les ouvriers empilent, tandis que les chimistes les analysent. Contrairement à d’autres grandes décharges toxiques en Suisse, comme Bonfol dans le canton du Jura, Kölliken n’est pas entièrement automatisée. Ici, il y a des personnes qui circulent à l’intérieur de la halle. En principe, elles restent dans leur véhicule ou dans des cabines d’observation, mais en cas de problème technique, elles doivent endosser leur combinaison de protection et sortir.

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«Toute la décharge est hautement contaminée et cela a occasionné des coûts importants et inattendus», explique Benjamin Müller. Quand Kölliken a été ouverte, son budget était de 600’000 francs. Pour son assainissement, c’est 1000 fois plus, soit 600 millions, financés surtout par les contribuables. C’est probablement le projet le plus cher du pays, mais les autorités fédérales sont satisfaites des résultats.

«Le nettoyage est exécuté de manière très professionnelle, indique Rebekka Reichlin, porte-parole de l’Office fédéral de l’Environnement. C’est une des exigences du projet pour lequel la Confédération verse 214,8 millions de francs. En Suisse, les sites contaminés bénéficient d’un financement de la Confédération, afin d’être traités rapidement et correctement. Ce qui constitue un avantage pour les cantons comme pour les propriétaires privés.

L’Office fédéral de l’environnement tient un registre détaillé de ces sites et des travaux nécessaires pour les réhabiliter.

La Suisse compte environ 38’000 sites enregistrés comme pollués. Parmi ceux-ci, environ 4000 sont suffisamment contaminés pour exiger un sérieux nettoyage. Plus de 700 ont déjà été réhabilités.

Des fonds spéciaux sont disponibles pour aider à couvrir les coûts quand ils ne peuvent pas être facturés directement au pollueur. La Confédération paie jusqu’à 40% des coûts d’assainissement; le reste incombant à la commune.

Qui paye quoi?

Quand il est nécessaire d’assainir un site, il n’est pas toujours facile de déterminer qui devrait payer. Idéalement, cela devrait être le pollueur. Mais peut-être que c’est une entreprise qui a fait faillite il y a des années et que le terrain a été acheté par quelqu’un d’autre.

«En fait, beaucoup de ces sites ont été utilisés non seulement par l’industrie chimique, mais aussi par des communes. Il s’agit donc de savoir comment répartir les coûts entre les usines chimiques et les communes actuelles. L’assainissement coûte cher», précise Stephan Robinson.

Le partage des coûts est d’actualité dans le canton du Valais, où les communes sont confrontées à une pollution au mercure entre Viège et Niedergesteln. Entre 1930 et 1976, l’entreprise chimique Lonza a traité 350 tonnes de mercure, dont 50 tonnes ont fini dans le canal et pollué le sol d’une zone résidentielle. Bien qu’elle n’ait pas d’obligation légale, Lonza s’est proposée spontanément pour financer des premières mesures pour remédier au problème, qui implique des niveaux de mercure au-dessus de la limite de 5mg par kilo de terre.

Les choses n’en sont qu’au début, mais Rebekka Reichlin se montre optimiste. L’Office fédéral de l’Environnement tient un registre détaillé de tous les sites pollués de Suisse.

Retour au vert?

Chaque jour, les ouvriers de Kölliken déterrent de 400 à 600 tonnes de déchets, qui sont chargés dans de solides conteneurs et transportés à Zurich, en Allemagne et aux Pays-Bas, où ils sont incinérés.

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La décharge de Kölliken est située au milieu du village. Protéger les habitants de tout effet secondaire dangereux ou désagréables est donc une priorité. «Nous devons assurer qu’ils ne sont pas dérangés par le travail d’assainissement. Il ne doit y avoir aucune odeur ou émission chimique, ni aucune nuisance sonore», déclare Benjamin Müller.

Le nettoyage devrait être terminé avant 2016. Ensuite, l’installation sera nettoyée à fond et démantelée. Benjamin Müller prévoit qu’on ne pourra rien y semer ou y planter avant 2020.

A une courte distance de la décharge, un homme à moustache blanche charge du bois de chauffage dans une voiture. Quand on lui demande si le mouton qui se trouve derrière lui dans le pré pourra un jour brouter sur le site de la décharge, il répond en riant: «J’en doute. Il sera probablement utilisé pour l’industrie.»

Il s’avère que ses parents, qui habitaient de l’autre côté de la rue, avaient été pratiquement les seuls à remettre en question le projet de création de la décharge quand il a été annoncé. «Les gens pensaient que mon père était fou. Mais il avait raison. Cela puait horriblement. Et maintenant c’est le grand nettoyage!»

(Adaptation de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

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