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Défendre les animaux est une question d’humanité

Antoine Goetschel est l’avocat des animaux du canton de Zurich depuis 2010. swissinfo.ch

L’instauration d’un avocat des animaux permet de combler une lacune dans la protection de ces êtres vivants et représente un pas vers une société plus humaine. C’est en tout cas l’avis du défenseur des animaux du canton de Zurich, Antoine Goetschel. Interview.

Le 7 mars, le peuple doit se prononcer sur une initiative populaire qui propose d’instaurer dans toute la Suisses des avocats chargés de défendre les intérêts des animaux maltraités.

Jusqu’à présent, seul le canton de Zurich s’est doté d’un tel avocat. Cette charge est assumée depuis 2007 par Antoine Goetschel, auteur de plusieurs publications sur l’animal dans le droit.

swissinfo.ch: En Suisse, il existe déjà les vétérinaires cantonaux et de nombreuses associations qui s’occupent de la protection des animaux. A quoi peut donc servir un avocat des animaux?

Antoine Goetschel: Dans la plupart des cantons, après avoir porté plainte, ni une association ni le vétérinaire cantonal ne peuvent lancer une procédure pénale pour défendre un animal victime de mauvais traitements. Il y a donc une lacune dans le système de défense des animaux.

On peut d’ailleurs s’en rendre compte en regardant les statistiques. Dans quelques cantons, il n’y a pratiquement aucune condamnation pour mauvais traitements.

L’avocat des animaux, comme c’est le cas dans le canton de Zurich, permet de combler cette lacune, du moment que son rôle est justement d’intervenir dans la procédure pénale pour défendre les intérêts des animaux.

swissinfo.ch: Dans quels cas l’intervention de cet avocat est-elle particulièrement utile?

A. G. : Cela l’est surtout quand un acte de cruauté envers un animal est commis par son propriétaire. Si quelqu’un fait du mal à mon chien, je peux en effet m’adresser à la justice pour le faire condamner.

Or dans environ 80% des cas, les cas de cruauté sont commis par la personne responsable de l’animal. Actuellement, cette personne a le droit de se défendre et d’avoir recours aux services d’un avocat, alors que les intérêts de l’animal ne sont pas suffisamment protégés par la loi.

swissinfo.ch: Comment réagissent les auteurs de mauvais traitements lorsqu’ils se retrouvent, dans le cadre d’une procédure pénale, face à un avocat qui défend l’animal?

A. G. : A Zurich, dans le premiers temps qui ont suivi l’instauration de cette charge, la présence d’un avocat des animaux durant un procès suscitait une certaine stupeur, même parmi les juges, les procureurs ou les avocats. On se demandait: mais que veut cette personne? Aujourd’hui, à ce que j’entends dire, les gens se sont habitués à l’intervention d’un avocat des animaux.

swissinfo.ch: L’auteur d’actes de cruauté envers les animaux ne devrait-il pas se retrouver face à un psychologue plutôt que face à un avocat?

A. G. : Dans un certain sens, c’est vrai. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas de cruauté active, mais plutôt de négligence.

Il y a beaucoup de personnes qui se retrouvent dans des situations d’indigence ou de difficulté psychologique et qui ne sont plus en mesure d’assumer une tâche ou de s’occuper de leur animal, de leur travail ou même de leur famille. Dans de tels cas, il est souvent utile qu’un psychologue ou un assistant social puisse assister ces personnes en leur conseillant de renoncer à leur animal.

D’un autre côté, il est clair qu’il s’agit d’infractions et que ces personnes doivent donc être jugées. Il revient alors au juge de décider si elles doivent être punies ou plutôt recevoir un soutien psychologique et social.

swissinfo.ch: Peut-on tracer un profil humain ou social des personnes qui maltraitent les animaux?

A. G. : Quand j’étais jeune, je pensais qu’il était simple d’identifier ceux qui font du mal aux animaux, comme c’est le cas pour les criminels ou les sadiques. Aujourd’hui, depuis que je m’occupe presque quotidiennement de procédures pénales, je peux dire qu’il m’arrive très rarement de rencontrer des personnes guidées par des intentions malveillantes ou sadiques.

Dans la plupart des cas, quand ils se retrouvent face à un juge, les auteurs des mauvais traitements se rendent compte qu’ils auraient pu agir de manière différente. Pensons par exemple à ceux qui oublient leur chien dans une voiture, sans réaliser que la température peut facilement monter jusqu’à 60 degrés.

swissinfo.ch: Comment jugez-vous la législation suisse en matière de protection des animaux, comparativement à celle d’autres pays européens?

A. G. : Dans l’ensemble, nous pouvons dire que nous avons une législation assez moderne. Nous disposons de normes très avancées, surtout en ce qui concerne le traitement des animaux de laboratoire et des animaux de compagnie.

Concernant la protection des animaux de rente, il y a des pays encore plus sévères que le nôtre. Je pense par exemple à la Suède qui accorde davantage d’espace vital à chaque tête de bétail. Mais d’un autre côté, beaucoup d’autres pays rêvent d’avoir une législation comme la nôtre également dans ce domaine.

swissinfo.ch: La dignité des animaux est protégée par la Constitution depuis 1992 et, depuis 2003, les animaux ne sont plus considérés comme des choses en Suisse. Et à l’avenir, ils pourraient même être défendus par un avocat. Ces progrès sont-ils un signe de civilisation?

A. G. : Je suis convaincu que les débats sur la protection des animaux sont comparables à ceux sur la protection des enfants, des femmes maltraitées ou de toutes les minorités qui ne peuvent se défendre seules. S’engager pour la défense des animaux est une question d’humanité envers tous les êtres vivants les plus faibles. Chaque pas en avant pour protéger les enfants, les minorités ou les animaux et un pas vers une société plus humaine.

Armando Mombelli, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

Le 7 mars, le peuple doit se prononcer sur une initiative populaire de la Protection suisse des animaux intitulée «Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers».

Le but principal de l’initiative est d’obliger les cantons à un instaurer un «avocat» chargé de défendre les intérêts des animaux.

Actuellement, les associations de défense des animaux ne sont pas habilitées à agir en tant que partie lorsqu’une infraction a été commise.

Pour le moment, seul le canton de Zurich dispose d’un tel avocat.

Né en 1958 à Zurich, il a effectué son brevet d’avocat en 1986.

Trois ans plus tard, il a obtenu un doctorat en jurisprudence à l’Université de Zurich pour une thèse portant les droits fondamentaux et la protection des animaux.
Auteurs de plusieurs publications sur ces thèmes, Antoine Goetschel a été membre et président de plusieurs associations de défense des animaux. En 1994, il a créé la Fondation pour l’animal dans le droit (Tier im Recht).

Depuis le 1er novembre 2007, en marge de son activité d’avocat, il assume la charge de défenseur des animaux du canton de Zurich, charge que le canton avait introduite en 1992 sur l’initiative, notamment, d’Antoine Goetschel.

1973: un article sur la protection des animaux est inscrit dans la Constitution fédérale.

1978: la responsabilité éthique envers les animaux est introduite dans la législation.

1992: le principe de la protection de la dignité des animaux est ancré dans la Constitution.

2003: un nouvel article du Code civil établit que «les animaux ne sont pas des choses».

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