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Dans l’attente des retombées du Lötschberg

Milan se rapproche: les trains à venir seront plus rapides. Keystone

Les experts touristiques et économiques sont unanimes: l'ouverture du tunnel de base du Lötschberg profitera surtout au Haut-Valais, la partie alémanique du canton.

Sur place, l’optimisme est de rigueur. Un optimisme toutefois teinté de prudence. Le temps dira si le nouveau tunnel peut faire office de moteur économique.

Viège montre la couleur depuis un certain temps déjà. «Bienvenue en Valais» est devenu le slogan de cette ville de 6600 habitants pour la nouvelle ère qui s’annonce. Dès l’introduction des nouveaux horaires en décembre, le tunnel mettra Berne à 55 minutes de la ville haut-valaisanne. Actuellement il faut compter 1 heure 41 avec la meilleure correspondance.

Maire de Viège, René Imoberdorf est certain que l’attrait économique de sa ville augmentera. Il attend aussi un effet bénéfique pour le tourisme journalier. Les pronostics estiment à 400’000 par année le nombre supplémentaire d’excursionnistes.

Etape ou arrêt intermédiaire?

A Viège, qui devient un nœud ferroviaire complet pour des raisons de techniques ferroviaires, les CFF et les Matterhorn Gotthard Bahn (MGB) ont beaucoup investi pour la nouvelle gare. Nouveau bâtiment, nouveaux quais, nouvelles voies ont coûté quelque 150 millions de francs.

Ces efforts financiers ont un but: les touristes à destination de Saas-Fee ou de Zermatt doivent aussi laisser quelques francs à Viège. A moyen terme, un ou deux nouveaux hôtels devraient ouvrir leurs portes, c’est du moins l’espoir de René Imoberdorf.

Une pure illusion, rétorque l’hôtelier de Brigue et ancien président du Parti socialiste suisse Peter Bodenmann. A ses yeux les seuls à en profiter seront les stations de ski. Viège ne se portera pas mieux que le buffet de la gare de Brigue.

Industrielle et peu attractive

L’introduction de l’horaire cadencé et la hausse des fréquences à Brigue ont en effet provoqué une chute de 40% du chiffre d’affaires du buffet de la gare. L’établissement a dû fermer ses portes. Les voyageurs ne demeurent pas volontiers dans une gare, estime Peter Bodenmann.

Viège est en outre une localité industrielle peu attractive, selon lui. Avec ses 7700 places de travail, la ville est le plus gros fournisseur d’emplois du Haut-Valais. Mais elle n’est jamais devenue une destination touristique ni un lieu d’habitation apprécié.

Pour Peter Bodenmann, la question reste ouverte de savoir si le tourisme d’excursion trouvera le chemin du Haut-Valais. La région manque d’offre pour un tel type de tourisme, estime-t-il.

Un tunnel a deux extrémités

Avec l’argument que le Plateau se situera à une distance pendulaire du Valais, les communes espèrent aussi accueillir de nouveaux habitants. Viège vise une augmentation de 800 habitants au cours des quinze prochaines années.

Quelques cas de retour au pays sont déjà répertoriés, signalent en chœur René Imoberdorf et sa collègue maire de Brigue Viola Amherd. Mais «le tunnel est ouvert à ses deux extrémités», tempère cette dernière.

La branche de l’immobilier reste aussi prudente. Certains ont qualifié de «boom» l’activité actuelle dans la construction. Une exagération, selon Urs Hausmann de l’entreprise Wüest & Partner. En moyenne nationale, le Haut-Valais accuse un gros retard et les prix des logements progressent moins fortement depuis 2006.

Patron de l’économie cantonale, Jean-Michel Cina estime aussi que l’effet des infrastructures de transports sur le développement économique est souvent surestimé. L’équipement du second tunnel et une sortie vers le Valais romand lui semble nécessaire. Des temps de parcours encore raccourcis en direction de Sion constitueraient un atout supplémentaire pour le canton.

L’espoir aussi à Berne

A l’autre extrémité du tunnel justement, dans le canton de Berne, on fonde également quelques espoirs sur l’ouverture du nouveau tunnel. Ces retombées sont attendues en particulier dans le domaine du tourisme.

Selon deux études commandées par le canton de Berne, l’accessibilité aux villes de Thoune et de Berne sera facilitée pour les voyageurs. Mais dans le même temps, le canton du Valais deviendra lui aussi plus facilement atteignable depuis la Suisse alémanique et risquera de concurrencer plus fortement l’Oberland pour des excursions journalières.

La réduction de la durée du déplacement et la facilité d’accès sont des atouts touristiques pour une région. Mais le choix de la destination reste prioritairement déterminé par l’offre des prestations, le prix, la qualité et l’image du site.

En d’autres termes, l’entrée en service du tunnel du Lötschberg n’offrira des opportunités qu’à ceux qui sauront les saisir, selon les deux études. Le marketing pour les sites touristiques devrait être examiné en exploitant à bon escient cet effet publicitaire.

Peu d’effets économiques directs

Mais hormis les effets sur le tourisme, les deux études jugent globalement peu significatifs les effets économiques directs que l’on peut attendre de la mise en service du tunnel. Le raccourcissement de la durée des trajets entre Berne et le Valais n’a que peu d’influence sur les atouts qu’une région fait valoir.

Reste que les deux études établissent très clairement que le canton de Berne aurait subi de graves inconvénients si la décision avait été prise de ne pas construire cet ouvrage. L’Oberland, une région touristique par excellence, aurait souffert du transfert de la majorité du trafic nord-sud sur l’axe du Gothard.

Enfin, le tunnel restera sans influence sensible sur le comportement des consommateurs en matière de choix du lieu d’achat. Le phénomène des flux de pendulaires restera aussi très limité. Il est possible qu’une partie des habitants du canton de Berne profiteront de cette nouvelle ligne pour déplacer leur domicile dans le canton du Valais. Une évolution qui se soldera par une légère réduction des rentrées fiscales pour le canton de Berne.

swissinfo et les agences

Le tunnel de base du Lötschberg relie Frutigen (Berne) à Rarogne (Valais). Avec ses 34,6 kilomètres, il est le plus long tunnel ferroviaire de Suisse, en attendant le Gothard, et le 3e au monde.

Dès le changement d’horaire de décembre, 42 trains de voyageurs emprunteront le Lötschberg chaque jour à une vitesse de 250 km/h. Le gain de temps sera supérieur à une heure pour 28 destinations.

Le rail n’a plus à craindre la comparaison avec la voiture. Actuellement, le trajet est plus rapide en voiture pour 69 des 78 destinations accessibles par rails au départ du Valais. Avec le Lötschberg, le train sera plus rapide dans 55 cas.

Depuis Viège, le trajet jusqu’à Bâle durera 1h47 au lieu de 3h05 actuellement. Zurich sera à 1h59 au lieu de 3h06. Il faudra à peine plus d’une heure, 64 minutes exactement, pour se rendre de Brigue à Berne. Actuellement il faut compter 1h38.

Le transport de marchandises passe de 48 à 110 trains quotidiens, dont 72 passeront par le tunnel de base. Les autres continueront à circuler sur la voie sommitale actuelle.

En 1998, le budget prévu pour la construction du Lötschberg était de 3,2 milliards de francs
Les dernières estimations de la Confédération mentionnaient 4,3 milliards.
Les deux tiers des coûts supplémentaires sont dus aux modifications apportées au projet en raison des risques géologiques.

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