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Davos: le Sud a besoin du Nord en matière climatique

World Economic Forum

Les pays en développement veulent combattre le changement climatique, indique le ministre sud-africain des affaires environnementales dans le cadre du WEF. Mais ils ont besoin de financement et de transferts de technologie. Venus de Suisse aussi.

Ancien Premier ministre de la Province du Cap, Marthinus van Schalkwyk est ministre des affaires environnementales et du tourisme d’Afrique du Sud depuis 2004.

C’est l’homme qui mène pour son pays les grandes négociations climatiques, dont Copenhague en décembre prochain sera un moment crucial. S’y décideront les mesures et les engagements de l’après-Kyoto, accord qui court jusqu’en 2012.

swissinfo: Avec la crise économique et financière, le changement climatique ne risque-t-il pas d’être délaissé?

Marthinus van Schalkwyk: Il existe toujours un risque que ces questions soient mises en veilleuse. Mais beaucoup de décideurs sur la planète se sont engagés à continuer à faire du changement climatique une priorité. Au vu du calendrier des négociations, des décisions sont nécessaires. Je suis assez certain que ce sujet restera une question clé.

En termes de financement public, nous n’obtiendrons peut-être pas ce que nous attendions il y a un an ou deux. Les pays sont en moins bonne condition. Mais ce thème est devenu trop central pour ne pas le rester.

swissinfo: En quoi l’Afrique du Sud est-elle affectée par le changement climatique?

M.vS.: Nous sommes touchés comme le reste du continent, qui sera la plus atteint par le changement climatique. Nous ne l’avons pas causé, mais nous en faisons les frais.

Ce que nous pourrions connaître, c’est par exemple une baisse de 20% de notre production de maïs et de blé ces prochaines années. Une mauvaise nouvelle pour les pays en développement. Nous devons nourrir des millions de personnes.

En Afrique du Sud, nous pourrions aussi voir apparaître des maladies comme la malaria dans des zones jusqu’ici épargnées. Nos conditions météorologiques vont changer. Dans la partie est du pays, le temps deviendra plus tempétueux avec des pluies imprévisibles. Mauvais pour l’agriculture. L’ouest du pays deviendra beaucoup plus sec. Mauvais aussi pour l’agriculture. Nous sommes confrontés à ce type de réalités pratiques.

swissinfo: Et quelles sont les mesures que vous prenez ou envisagez de prendre?

M.vS.: Elles sont de deux ordres. A long terme, nous devons atténuer les émissions [de gaz à effet de serre] partout dans le monde. Les pays développés doivent mener la danse, mais dans les pays en développement, nous devons aussi passer à de nouvelles technologies énergétiques soutenables et réduire nos émissions. Nous nous sommes engagés à le faire.

Dans le domaine de l’adaptation [au changement climatique], nous devons par exemple former nos agriculteurs, planter de nouvelles variétés de semences qui résistent mieux à la sécheresse, utiliser de nouvelles méthodes d’irrigation.

Face aux maladies comme la malaria, nous devons développer nos programmes de traitement, ce qui augmente nos dépenses. Nous devons construire des bâtiments verts et résistants aux tempêtes.

swissinfo: Qu’attendez-vous de la Conférence de Copenhague sur l’après-Kyoto en décembre prochain?

M.vS.: Nous travaillons en vue d’un accord global étendu. Nous le croyons encore possible. Nous estimons même possible d’y inclure d’ici décembre des engagements détaillés et chiffrés de réduction des émissions de la part des pays. C’est ce que nous espérons.

Si je regarde le nouvel état d’esprit aux Etats-Unis, celui des pays développés mais aussi des pays en développement, tout le monde comprend que même si des désaccords nous séparent – et certains désaccords majeurs sont encore à dépasser – nous voulons tous un accord global pour décembre de cette année.

swissinfo: Qu’attendez-vous en particulier des pays développés?

M.vS.: Nous voulons deux décisions de leur part. La première est qu’ils s’engagent sur leurs objectifs à moyen terme. Car cela donnera de la crédibilité à tout le reste. Nous attendons un engagement sur la réduction des émissions de CO2 entre 25 et 40% par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2020. L’Europe y est presque, elle s’est engagée sur le principe. Mais nous voulons que l’Australie, le Canada, la Russie et les Etats-Unis s’engagent aussi.

Très important aussi, nous [les pays en développement] nous sommes engagés sur le principe. Nous voulons maintenant en voir les conséquences pratiques. Pour appliquer ces décisions, nous avons besoin de transferts technologiques et de moyens financiers de la part des pays développés.

swissinfo: A cet égard, comment jugez-vous l’action de la Suisse?

M.vS.: Du point de vue sud-africain, la collaboration avec la Suisse est très bonne. Les négociateurs suisses jouent un rôle clé sur la scène internationale.

Notre expérience est que, dans la négociation d’accords internationaux, avec de grands blocs – le G77 et la Chine, les USA, l’Union européenne – des pays crédibles, capables de comprendre les enjeux et de proposer des solutions sont nécessaires. Sur la question du changement climatique, la Suisse agit certainement dans ce sens.

swissinfo: Mais en fait-elle suffisamment?

M.vS.: Je ne souhaite pas commenter la situation sur le plan intérieur suisse. Mais tous les pays peuvent faire davantage. Je pense que la Suisse peut faire beaucoup plus dans le domaine du financement et des transferts technologiques.

Dans le monde en développement, des centaines de millions de personnes vivent encore dans la pauvreté, sans emploi, sans électricité. En Afrique du Sud, 30% de la population n’a pas l’électricité dans sa maison. Même pourcentage en Inde. Si nous obtenons l’expertise, les transferts technologiques de la part de l’Occident, nous pourront régler ce problème.

Je vous donne un exemple pratique: si nous fournissons tous les nouveaux immeubles d’habitation à bas coût d’Afrique du Sud avec des chauffages solaires, et que nous formons les 30’000 à 45’000 techniciens nécessaires, l’impact sera majeur sur les émissions du pays. Mais nous ne pouvons le faire sans l’appui et le partenariat de pays développés.

swissinfo: Des projets communs sont-ils envisagés entre l’Afrique du Sud et la Suisse?

M.vS.: Oui, nous avons un accord bilatéral. Je viens de rencontrer l’ambassadeur suisse il y a quatre ou cinq jours en Afrique du Sud. Il est venu spécifiquement pour parler de ces questions et offrir l’assistance et la coopération de la Suisse. Ce que nous apprécions beaucoup.

Historiquement, nous avons de très bonnes et très saines relations avec la Suisse et nous cherchons à les étendre à ce domaine aussi. Beaucoup d’institutions en Suisse ont produit des avancées majeures dans la recherche et le développement ces dernières années. Nous aimerions pouvoir en bénéficier et y avoir accès.

Interview swissinfo, Pierre-François Besson à Davos

Réduction. Selon le Giec (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), limiter la hausse des températures moyennes de 2 C au-dessus des niveaux préindustriels exigerait une réduction de 50% à 85% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.

UE. En décembre dernier, l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de 20% et à utiliser 20% d’énergies renouvelables d’ici 2020.

USA. Aux Etats-Unis, le président Obama a annoncé cette semaine la nomination d’un Monsieur changement climatique et un revirement total par rapport à la politique menée par son prédécesseur.

Kyoto. Le Protocole, dont la première période d’engagement arrive à échéance en 2012, définit de manière contraignante les quantités d’émissions de gaz à effet de serre que les pays industrialisés doivent réduire dans un premier temps.

Copenhague. La conférence de décembre prochain doit déboucher sur un nouveau régime climatique qui définira au niveau international les règles et les moyens censés permettre d’éviter dès 2013 le réchauffement du climat et les conséquences des changements climatiques.

Négociations. Les principaux thèmes de négociations en vue de Copenhague sont l’adoption d’une conception commune de la protection du climat, le développement d’objectifs mondiaux en matière d’émissions, la mise en place de mesures d’adaptation aux changements climatiques et la garantie et l’extension du transfert de technologies et de moyens financiers.

Débuts. Le World Economic Forum a été fondé par Klaus Schwab sous le nom de Management Symposium à Davos en 1971.

NYC. Depuis, le WEF tient sa réunion annuelle dans la station grisonne, hormis l’édition 2002, déplacée à New York après les attentats du World Trade Center quatre mois plus tôt.

Slogan. Cette édition 2009 réunit plus de 2500 participants de 96 pays. Elle est placée sous de signe de «Redessiner le monde de l’après-crise».

Figures. Parmi les personnalités attendues, Vladimir Poutine, Angela Merkel, les premiers ministres chinois Wen Jiabao, japonais Taro Aso et britannique Gordon Brown, les ministres français Bernard Kouchner et Christine Lagarde, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, le patron de la commission européenne José-Manuel Barroso, etc, etc.

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