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De la musique, des mots, de la poésie

Il parle, il parle. Sans jamais lasser son auditoire. Keystone

C'est lui qui a fait sortir le slam des arrière-salles de café. Et Grand Corps Malade débite désormais ses quatrains devant des foules de 30'000 personnes. Sa poésie urbaine s'enrobe d'ailleurs de plus en plus de musique. Sans rien perdre de sa force ni de sa justesse.

Trois Paléo de suite. En 2006, le Club Tent débordait de curieux attirés par la réputation naissante d’une sorte de rappeur sans musique, qui venait de sortir un premier album. L’année suivante, le Chapiteau lui faisait un triomphe. En 2008, c’est donc logiquement la Grande Scène. D’autant que Grand Corps Malade a entretemps passé l’épreuve du deuxième album. Avec mention.

Cet «Enfant de la Ville», qui fournit l’essentiel du nouveau répertoire est plus travaillé, plus produit, plus musical. «Au départ, il y a toujours un texte, explique Fabien. Car je suis bien incapable d’écrire de la musique». Il donne simplement des indications d’ambiance à ses compères, qui se chargent d’«habiller» les mots et les phrases.

Sur scène, c’est d’ailleurs à ses musiciens que le slameur laisse le soin d’ouvrir les feux. Batterie, basse, guitare, claviers, tantôt assurent des parties instrumentales impeccablement funky, tantôt créent les trames qui sous-tendent les textes, toujours scandés avec cette diction parfaite, de cette belle voix grave et profonde.

Saveur et justesse

Cette voix qui raconte la ville, le bruit et l’odeur («c’est leur absence qui me dérange»), les couleurs de ces banlieues «où ça ne choque personne qu’un groupe s’appelle Nique Ta Mère», mais qui sont aussi les endroits «où on échange, où on s’mélange».

«Je viens de là où la France est un pays cosmopolite», slame le poète. Qui s’excuse au passage auprès des enfants à qui l’on va léguer «une Terre dans un sale état», avec la terrible certitude qu’ils seront seuls à pouvoir «nous sortir de là». Pas de grand message politique pour autant. Fabien, qui n’écrit qu’au feeling, s’y mettra peut-être «si le feeling est là».

Pour l’instant, son engagement, c’est d’abord de continuer à animer ses ateliers de slam, pour les jeunes qui trouvent un exutoire dans les mots, avec peut-être l’espoir de marcher un jour comme leur grand frère «Du côté chance».

Pour le reste, son truc, c’est plutôt les ambiances, les petits riens qu’il amène par traits légers, comme un peintre animé du souci de voir le détail et du talent de le rendre signifiant. C’est cette qualité qui donne sa saveur et sa justesse à un texte comme «Quatre saisons» (parmi tant d’autres). Ou qui rend tellement drôle sa description de «L’appartement du célibataire».

Déferlante verbale

Il y a aussi chez Grand Corps Malade un réel talent à jouer avec les mots, à les détourner, voire à en tirer ce pour quoi ils ne sont normalement pas faits. A cet égard, «Pères et Mères», est un petit chef-d’œuvre que ni Dada ni Raymond Queneau n’auraient renié. Le poète fou eût certainement aimé ces «pères exemplaires et merdiques, mères battues et percussions».

Poète ? Le slameur peut revendiquer le titre, même si la Faculté n’est pas près de le lui accorder. «Ne me demandez pas si je préfère Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud, je ne les connais pas assez. En fait, à part ce qu’on a vu à l’école, je n’ai jamais lu de poésie», confesse Fabien.

Ce qui ne l’empêche pas d’en écrire. Et de se réjouir qu’en France, certains textes de slam sont déjà au programme du baccalauréat. De là à attraper la grosse tête…

Fabien est conscient du risque. Il y consacre d’ailleurs un slam (on a envie de dire «une chanson») où il se moque gentiment des tentations de la célébrité naissante. Et là encore, il touche juste.

Le public ne s’y trompe pas. En presque une heure et demie, on ne s’est pas ennuyé une seconde et c’est debout que les 30’000 spectateurs de la Grande Scène remercient longuement l’auteur de cette formidable déferlante verbale.

swissinfo, Marc-André Miserez à Paléo

Fabien Marsaud naît en 1977 au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis (dans le 9-3). Ce pur banlieusard est très à l’aise avec les mots depuis l’enfance. Ado, il fait beaucoup de sport et surtout du basket… quand on fait 1 m 94, ça aide.

A 20 ans, alors qu’il est animateur de colonie de vacances, un mauvais plongeon lui déplace des vertèbres. Il lui faudra une année de rééducation pour remarcher. Avec une béquille. C’est de là qu’il tire son pseudo.

A partir de 2003, il hante toutes les scènes slam parisiennes. Parallèlement, il anime «Slam’Alikoum», les soirées mensuelles du Café Culturel de Saint-Denis et il commence à organiser des ateliers de slam pour les ados.

En 2006, son premier album «Midi 20» se vend à plus de 600’000 exemplaires et il reçoit l’année suivante deux Victoires de la musique. «Enfant de la Ville», sa seconde galette, sortie ce printemps, est saluée par la critique et devrait cartonner encore plus fort.

Comme cela est le cas depuis quelques années, le Paléo Festival (du 22 au 27 juillet) se joue à guichets fermés. Aucun billet n’est vendu sur place, mais les organisateurs en mettent plus de mille par jour en vente le matin même, sur le site du festival (paleo.ch) et dans les points de vente ticketcorner. Ils sont disponibles à partir de neuf heures et… il n’y en a pas pour tout le monde.

K, Etienne Daho, Vanessa Paradis, Sharko, The DØ, Alain Bashung, Zebramix, sans oublier le Dôme du Village du Monde, le Club Tent et la nouvelle scène du Détour, tous lieux de belles découvertes.
Mais il faut faire des choix.

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