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Vainqueur à Rome et Turin, le Mouvement 5 étoiles s’inspire de la démocratie directe suisse

La nouvelle maire de Turin, Chiara Appendino, est l'une des figures de proue du Mouvement 5 étoiles et de la démocratie participative en Italie. Keystone

Le Mouvement 5 étoiles (M5S) a remporté 19 des 20 mairies dans lesquelles il présentait des candidats lors des élections communales italiennes de ce dimanche, dont celles de Rome et de Turin. Une victoire qui marque une avancée significative de la démocratie participative en Italie. L’objectif final du mouvement est de mettre sur pied «un système de démocratie directe comparable à celui de la Suisse», affirme le député Riccardo Fraccaro. 

«La participation, dans tous les sens et à tous les niveaux, et l’une des valeurs fondamentales du Mouvement 5 étoiles; ce qui explique pourquoi, depuis des mois, nous avons choisi la voie de la participation pour élaborer le programme du Turin de demain», écrivait Chiara Appendino, la nouvelle maire de Turin, dans son programmeLien externe électoral.

Avec Virginia Raggi, la première femme élue à la mairie de Rome, ces deux politiciennes incarnent le visage victorieux du Mouvement 5 étoiles dans deux des principales métropoles de la Péninsule.

Contenu externe

Parmi les points de repère mentionnés par Chiara Appendino pour la mise en œuvre de la démocratie directe figure la proposition de loi constitutionnelleLien externe sur le référendum de proposition et abrogatif, sans quorum et sans limite de matière, déjà présenté par Riccardo FraccaroLien externe au niveau national.

Rejetée par la majorité de la Commission constitutionnelle de la Chambre des députés, la réforme présentée par le député du Trentin est toujours à l’ordre du jour du M5S. Dans les communes où ils ont accédé à la mairie, les «grillini», comme on surnomme les membres du mouvement fondé en 2009 par l’humoriste Beppe Grillo, vont se mettre au travail pour réaliser ce projet au niveau municipal.

C’est un premier pas, certes, mais qui a ses limites: les instruments de démocratie directe pourront être introduits uniquement pour les questions qui sont de la compétence exclusive des municipalités. Et ce domaine est très peu étendu en Italie, explique Riccardo Fraccaro. Reste que dans les communes déjà aux mains du M5S avant ces élections, comme par exemple à Mira, en Vénétie, ces instruments de démocratie participative sont précisément en train d’être introduits.

Prédilection pour le modèle suisse

«A l’interne du mouvement, nous divisons les tâches et coopérons entre les différents niveaux. Je suis en charge du développement du système de démocratie participative à l’échelle nationale. C’est ainsi que j’ai été amené à présenter le modèle suisse comme une référence en ce qui concerne la démocratie participative mais également la loi électorale. Et l’ensemble du Mouvement a accepté ma proposition», indique Riccardo Fraccaro.

«Le système suisse est notre phare. C’est celui que nous préférons et auquel nous aspirons le plus»

Le député, qui est également porte-parole du M5S à la Chambre des députés, précise que d’autres modèles ont également été étudiés au sein du mouvement, en particulier ceux de certains Etats américains. «Mais le système suisse est notre phare. C’est celui que nous préférons et auquel nous aspirons le plus».

Non seulement parce qu’il donne aux citoyens la possibilité de faire voter leurs propres propositions et d’annuler les décisions du parlement, mais également en raison de son volet fédéraliste. Aux yeux des partisans du M5S, il est en effet fondamental que le processus décisionnel au sein des différents niveaux de l’Etat se construise du bas vers le haut et non l’inverse.

Une bataille difficile

Bien qu’actuellement les structures centralisées de l’Etat italien n’offrent qu’une marge limitée pour l’exercice de la démocratie directe, le M5S entend l’utiliser dans les communes qu’il a remportées. Ceci dans le but «de créer une conscience critique à partir de la base, puis de développer et porter cette nouvelle culture de la participation et de la démocratie directe aux niveaux supérieurs», affirme Riccardo Fraccaro.

«La démocratie participative est un changement culturel plus que normatif. En Italie, tout le monde ne comprend pas la nécessité d’une participation et d’un contrôle de la base, parce qu’on a éduqué les dirigeants à déléguer. Les citoyens doivent donc acquérir de l’expérience. Notre objectif final est de parvenir à un modèle semblable à celui de la Suisse. Nous voulons aller au gouvernement et donner aux citoyens les outils qui leur permettent de contrôler leurs propres représentants», relève le député du M5S, soulignant toutefois que le chemin pour y arriver sera long et semé d’embûches.

«Un défi terrible»

La victoire à Rome et à Turin du Mouvement cinq étoiles (M5S), fruit du rejet de la classe politique traditionnelle, est un revers pour Matteo Renzi. Le chef du gouvernement italien était arrivé au pouvoir sur cette même promesse de changement radical. A Rome, Virginia Raggi, candidate du M5S, l’emporte haut la main avec 67% des suffrages exprimés, face au candidat de centre-gauche Roberto Giachetti. Elle entre dans l’Histoire en devenant la première femme maire de la capitale.

Cette victoire était attendue, mais l’écart de 35 points entre les deux candidats a surpris. Le M5S a également créé la surprise en détrônant le maire sortant de Turin, Piero Fassino, 67 ans, vieux cacique du Parti démocrate, la formation de centre-gauche de Matteo Renzi. Une autre jeune femme, Chiara Appendino, 31 ans, a été élue à la tête de la ville piémontaise avec 55% des suffrages, alors qu’elle accusait 11 points de retard à l’issue du premier tour.

«Les contenus et les programmes ne comptent plus. Gagne qui est nouveau, pour le simple fait de ne pas appartenir au vieil establishment politique», analyse le politologue Giovanni Orsina dans La Repubblica. Pour le politologue Roberto D’Alimonte, «le M5S est le vrai parti de la nation, celui que voudrait construire Renzi. C’est le parti qui prend des consensus à droite, à gauche, au centre et aussi en-dehors, des gens indécis et furieux».

Le mouvement de Beppe Grillo «représente le second choix aussi bien des électeurs de droite que de gauche». A Rome et à Turin, il a su catalyser l’opposition de toutes les droites contre le parti au pouvoir pour l’emporter. Mouvement inclassable mais résolument antisystème, le M5S va toutefois affronter l’épreuve des faits dans deux villes importantes du pays. «A partir d’aujourd’hui, ce ne sera plus la faute des autres», relève La Repubblica. A Rome, «c’est un défi terrible, une ‘mission impossible’» pour Virginia Raggi, prévient Roberto D’Alimonte. La métropole complexe est étouffée par une dette de plus de 12 milliards d’euros.

Source: agences

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(Traduction de l’italien: Samuel Jaberg)

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