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A Rapperswil, grandeur et limite de la démocratie directe

Durant l assemblée communale en juin à Rapperswil.
Durant l'assemblée communale en juin à Rapperswil. swissinfo.ch

Avec ses 27’000 habitants, la ville de Rapperswil est la plus grande commune suisse où les citoyens décident des questions politiques lors des réunions de l’assemblée communale. Mais en juin de cette année, seul 350 personnes y ont participé. Est-ce le signe que la démocratie directe locale perd sa popularité? Reportage dans ce bourg du canton de Saint-Gall.

«J’aimerais savoir pourquoi il n’y a pas de cendriers au nouvel arrêt de bus», dit un homme au micro dans la salle polyvalente de la mairie, avant de reprendre sa place.

Les membres de l’exécutif de la ville sont, eux, sur la scène. Le maire se dirige vers le bureau des orateurs. Le temps des questions à la fin de chaque réunion de l’assemblée est le passe-temps préféré de Martin Stöckling, «Rappi» comme il se fait appeler par ses administrés.

Lors de cette soirée de juin, 350 personnes écoutent, parfois murmurent ou se moquent quand ils sont mécontents d’un vote. On pourrait supposer que les personnes réunies dans cette salle avec de lourds rideaux de velours et des planchers en bois brillant font partie d’une petite commune.

Loin de là! Rapperswil-JonaLien externe abrite environ 1’400 entreprises, et l’année dernière, la ville a dépensé plus de 200 millions de francs suisses pour l’entretien des écoles et des routes, les soins aux personnes âgées et le traitement des eaux usées. Quelque 18’000 personnes ont le droit de voter. Seules 350 d’entre elles se sont présentées à la réunion de la mairie, soit une participation de près de 1,9%.

Tendance nationale à la baisse

Rapperswil-Jona n’est pas le seul endroit avec un taux de participation aussi faible. Dans toute la Suisse, la fréquentation des réunions communales est faible, autour de 20% dans les plus petits villages et seulement quelques pourcents dans les plus grandes communes.

Une enquête régulièrement menée par le politologue Andreas LadnerLien externe montre que la fréquentation a régulièrement diminué au cours des 30 dernières années. Les raisons sont nombreuses: les habitants ne sont plus aussi enracinés qu’ils l’étaient et s’intéressent moins à la politique locale. Il y a plus de loisirs proposés et les gens sont devenus plus riches. Nombreux sont ceux qui ne voient plus l’intérêt de s’impliquer dans la politique locale.

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Rapperswil-Jona fait figure de dinosaure en matière de démocratie locale. D’autres grandes ou moyennes communes ont décidé d’instaurer un parlement local en lâchant cette formule de démocratie directe.

Vote clair pour les réunions publiques

L’introduction d’un tel parlement a également été discutée à Rapperswil-Jona. Mais voici deux ans, les habitants ont rejeté avec véhémence cette perspective. À l’époque, un comité composé de représentants de tous les bords politiques avait lancé une initiative visant à présenter un parlement local. Ils soutenaient que la ville était devenue trop grande pour une assemblée communale, que les points à l’ordre du jour devenaient trop complexes et que le nombre de participants étaient trop faible pour pouvoir prendre des décisions.

Ironie du sort. Pas moins de 2000 citoyens ont assisté à la réunion qui a rejeté cette initiative. Comme la salle polyvalente ne pouvait contenir une telle foule, les citoyens se sont déplacés au stade de hockey sur glace pour discuter de l’initiative. Après un vif débat, la majorité a constaté qu’un tel parlement était trop coûteux, trop rigide et très détaché de la population. L’idée a ainsi été tuée dans l’œuf. Maintenant, une moyenne d’environ 400 personnes vient régulièrement aux réunions publiques, soit un peu plus que la période antérieure à 2015.

Problèmes de procédure

Qu’est-ce que cela signifie en réalité lorsque seulement 1,9% des votants décident du destin d’une ville entière? Ces décisions sont-elles réellement légitimes? «À la fin, c’est la décision des électeurs. Ils ont opté pour l’assemblée communale, explique Andreas Ladner, professeur à l’École supérieure d’administration publique de l’Université de Lausanne. En ce qui concerne les questions factuelles, je ne pense pas que les chiffres de participation constituent un problème.»

Le problème se pose toutefois quand il s’agit de questions telles que la fusion de deux communes, des changements dans la constitution ou des modifications dans les règlements locaux. «D’un point de vue démocratique, des questions centrales telles que l’organisation d’une société devraient être tranchées par un cercle plus large et dans les urnes», estime Andreas Ladner.

Dans ces cas, le politologue estime que les votations populaires devraient automatiquement remplacer l’assemblée communale. Le seul problème est que cet automatisme n’est pas prévu dans les règlements de Rapperswil sur lesquels l’assemblée à la haute main. Seuls les référendums et les projets dépassant un certain montant sont soumis en votation populaire.

Andreas Ladner souligne encore l’importance de disposer de comités de surveillance solides et compétents. Ils sont généralement composés de membres élus qui supervisent le travail du pouvoir exécutif et de l’administration. Tout comme dans de nombreuses autres communes suisses, un comité de contrôle de sept membres entreprend cette tâche à Rapperswil-Jona. Le comité vérifie si tout est mis en pratique comme le conseil municipal l’a présenté au public.

Plates-formes informelles

Après le rejet de l’idée de parlement, Rapperswil-Jona a cherché une «troisième option», comme l’explique le maire. La commune a pensé au forum de la ville, un organisme informel auquel appartiennent les associations et les partis. Le forum de la ville n’a pas de légitimité démocratique, ce qui signifie que ses suggestions et idées ne sont pas contraignantes pour le Conseil municipal.

«Nous savons que nous avons besoin de plates-formes pour que les gens se fassent leurs opinions», explique Martin Stöckling. La participation des gens est et reste importante. «Nous essayons de trouver de nouvelles formes de consultations et de participations que nous aimerions utiliser pour l’urbanisme.»

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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