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Des frégates et des morts

Les frégates de Taiwan font de nouveau parler d'elles. Keystone Archive

Sans la découverte à Zurich de 1,2 milliard de pot-de-vin, jamais la France ne se serait intéressée à une affaire de vente d'armes à Taiwan.

«Ces morts qui hantent les frégates», titre le quotidien parisien Libération, rappelant que depuis 1991, plusieurs fonctionnaires français, qui ont participé à la vente de six navires de guerre à Taiwan, un contrat de 4 milliards de francs suisses, ont perdu la vie dans des conditions étranges.

Le premier mort, toutefois, est taiwanais. Le capitaine Yin Chin-Feun gérait la direction des achats de la marine taiwanaise. En septembre 1993, il est envoyé en mission à Lorient, en France, où sont construites les frégates Lafayette. En décembre de la même année, il est retrouvé assassiné sur une plage taiwanaise. Son corps porte de violents coups à la nuque.

Jacques Morisson était négociateur du volet technique de la vente des frégates à Taiwan. En mai 2001, il s’écrase en bas de son immeuble à Neuilly, dans la banlieue de Paris. Alors qu’il vit au deuxième étage, il monte au cinquième par l’escalier de service, il ouvre une fenêtre et se jette dans le vide.

Morts troublantes

Pour la justice française, pas de problème, ce capitaine de vaisseau est un grand dépressif, il s’est suicidé. Elle oublie que Thierry Imblot, membre des services secrets français, également en poste à Taiwan en même temps que Jacques Morisson, est mort en tombant de la fenêtre de son tout nouvel appartement en octobre 2000.

Thierry Imblot, en revanche, est classé par les enquêteurs français comme un grand maladroit. Quant à Jean-Claude Albessard, l’un des représentants de la société Thomson à Taiwan à la même époque, il doit être considéré comme un grand malchanceux, il est mort d’un cancer foudroyant au Japon en l’an 2000.

Pendant des années, la justice française a tout fait pour ne pas connaître le fin mot de ce qui ressemble à une affaire d’Etat. En effet, la vente de frégates à Taiwan a donné lieu à de très grosses commissions. Paris, qui ne reconnaît que la Chine communiste, s’est toujours engagée à ne pas vendre d’armes à la Chine Nationaliste.

500 millions de dollars de commissions

Toutefois, le juge genevois Paul Perraudin a donné un coup de pied dans la fourmilière en bloquant l’année dernière à Zurich 1,2 milliard de francs appartenant à un intermédiaire taiwanais, André Wang, 73 ans. Réfugié aux Etats-Unis, il est recherché, pour meurtre, dans son pays.

Quant à Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères, et ancien proche de François Mitterrand, il reconnaît alors avoir entendu parler du «versement d’une commission de 500 millions de dollars autorisée par le gouvernement français» et «d’un possible retour en France» des fonds.

Quoiqu’il en soit, deux juges d’instruction, Dominique de Talancé et Renaud van Ruymbeke ont décidé de relancer l’enquête. Ils ont perquisitionné cette semaine chez Thalès, le nouveau nom de Thomson, et entendu René Imbot, père de Thierry Imbot, et ancien patron des services secrets français.

swissinfo/Ian Hamel

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