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Des milliers d’étrangers menacés d’exclusion

Les détenteurs de permis F devraient disposer de plus de droits au bout de trois ans. swissinfo.ch

La Commission fédérale contre le racisme demande une amélioration du statut des 26'000 étrangers qui bénéficient d’une admission provisoire.

Selon elle, les restrictions liées au permis de séjour F entraînent des préjudices considérables.

En Suisse, 26 000 étrangers bénéficient d’un statut d’admission provisoire. Ils n’ont pas obtenu le statut de réfugiés, mais peuvent rester le temps que leur retour au pays soit sans danger. Ils peuvent donc être renvoyés à tout moment.

Les restrictions liées à ce permis de séjour entraînent des préjudices sociaux considérables, selon la Commission fédérale contre le racisme qui publie deux études sur la question.

La Commission s’appuyera sur ces études pour présenter des propositions aux nouveaux élus du Parlement dans le cadre de la révision du droit d’asile.

«Même si le nouveau Parlement va se battre avec des armes plus dures, nos propositions peuvent tout de même être entendues, a indiqué à swissinfo Doris Angst. De plus, elles correspondent à la réalité, ainsi qu’à la volonté du gouvernement».

Du provisoire qui dure



L’admission provisoire (permis de séjour F) est «un provisoire qui dure des années», poursuit la cheffe de la Commission fédérale contre le racisme (CFR).

«La réalité a prouvé que 60% d’entre eux vivent en Suisse depuis plus de 5 ans et 21% depuis plus de dix ans», dit-elle encore.

La première étude, une analyse socio-politique, effectuée par le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population montre les conditions de vie des personnes admises à titre provisoire.

Elle révèle à quel point les restrictions liées à ce statut restreignent le potentiel d’intégration et les perspectives d’avenir.

Les admis provisoirement vivent souvent dans un stress permanent dû à l’insécurité de leur situation. Qui peut aller jusqu’à des retraumatisations récurrentes pour les traumatisés de guerre.

Ce statut est par ailleurs souvent très mal connoté et assimilé à celui de requérant d’asile (permis N), et cela même au sein de l’administration, par manque de d’information sur ses particularités.

Ce qui peut poser problème dans l’aide que ces gens pourraient recevoir pour obtenir un appartement, du travail ou une formation.

Bon nombre de restrictions

Les restrictions imposées par le permis F touchent au travail d’abord. Ces admis provisoirement ont à peine plus d’accès au marché du travail que les requérants d’asile.

La priorité sera de toute manière donnée aux personnes ayant un permis de séjour et aux ressortissants de l’UE-AELE. Et les domaines dans lesquels ils peuvent travailler sont très limités: agriculture, hôtellerie, industrie ou services de nettoyage.

L’accès à la formation post-obligatoire pose aussi problème, d’autant que 45% des admis provisoirement sont des enfants ou des adolescents.

L’aide sociale qu’ils peuvent obtenir est minimale, entre 400 et 500 francs contre 1030 francs pour un ressortissant suisse. Et leur mobilité est fortement réduite. Ils sont assignés à un canton et ne peuvent voyager à l’étranger pour visiter leurs proches.

Quant aux mesures d’intégration, elles sont inexistantes pour ces personnes.

Améliorer leur statut



L’étude rappelle que l’attribution d’un nouveau statut, un permis humanitaire (qui donne droit à un permis B) pour ceux qui sont dans une situation d’urgence lourde, serait dans tous les cas un progrès.

«Mais nous ne voulons en aucun cas que tous les permis F soient transformés en permis B», commente Doris Angst.

Mais à partir de trois ans de séjour en Suisse, les restrictions imposées aux admis provisoirement portent atteinte à la dignité humaine, selon elle. C’est pourquoi la Commission recommande l’attribution du permis B.

Le renvoi dans le pays d’origine, si la situation politique le permet, demeure toujours possible.

Expertise juridique

Une deuxième expertise, juridique cette fois, vient d’ailleurs appuyer ces recommandations. Elle a été élaborée par l’Institut de droit public de l’Université de Berne.

Elle conclut que les personnes admises provisoirement ne font pas partie des groupes protégés par l’interdiction de la discrimination.

Ces restrictions imposées par le statut peuvent être admissibles en cas de séjour de courte durée. Mais si elles s’appliquent sur une longue période, elles peuvent porter atteinte à la dignité humaine, selon les experts cités par la CFR.

La Commission fédérale contre le racisme aimerait donc pouvoir améliorer leur statut et leur offrir de réelles possibilités d’intégration.

A ce sujet, la Commission a salué la nouvelle ordonnance qui permettra aux personnes titulaires du permis F de bénéficier de mesures d’intégration, comme postulé dans les deux études.

swissinfo, Anne Rubin

En Suisse, 26’000 personnes sont admises provisoirement, mais sans statut de réfugié.
Ex-Yougoslaves et Sri Lankais sont majoritaires.
60% vivent ici depuis plus de 5 ans, 21% depuis plus de 10 ans.

– Le permis F est renouvelable tous les 12 mois. Il impose des restrictions identiques à celles que subissent les requérants d’asile, à part quelques exceptions cantonales dans l’accès au marché du travail, mais seulement dans l’agriculture, l’hôtellerie, l’industrie ou les services de nettoyage.

– Ces restrictions touchent au travail (priorité donnée aux personnes ayant un permis de séjour et aux ressortissants de l’UE-AELE), à l’accès à la formation post-obligatoire, à l’aide sociale (400 à 500 francs contre 1030 francs), aux mesures d’intégration (aucune) et à la mobilité (assignation à un canton et interdiction de voyager à l’étranger).

– Le permis B par contre est attribué pour un séjour d’une durée allant de 1 à 5 ans (selon l’origine). Il est valable pour toute la Suisse et autorise le regroupement familial.

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