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Des règles de transparence à l’impact limité

Le public peut accéder plus facilement aux archives de l'administration. imagepoint

Dorénavant, l'accès du citoyen aux documents officiels de l'administration fédérale est rendu plus aisé. Objectif: renforcer la confiance.

Mais l’impact des nouvelles règles devrait être limité à court terme. Et le préposé à la protection des données craint une surcharge de travail pour son bureau.

Aux yeux du ministre de la justice, la nouvelle loi réglant l’accès du public à l’information officielle n’est ni très libérale ni particulièrement restrictive en comparaison européenne.

«Cette loi vise à créer une administration plus transparente, à accroître l’accès à l’information pour le public et à développer la coopération entre les offices fédéraux», explique Simone Füzesséry, du ministère de la justice.

Le nouveau texte règle une véritable petite révolution en matière de pratiques politiques. Dorénavant, les documents officiels ne sont plus conservés dans le secret de l’administration. En principe, ils peuvent être rendus publics si un citoyen le demande.

Des frontières existent toutefois. Il est possible de limiter ou même de refuser l’accès à certains documents s’il y a risque pour la sécurité nationale. Ou si leur publication met en péril la capacité du gouvernement ou d’une commission parlementaire à décider.

Cette législation s’applique aussi à des services publics comme La Poste ou les Chemins de fer fédéraux (CFF). Mais pas à la Banque nationale (BNS) ou à la Commission fédérale des banques, par exemple.

Une version édulcorée

Juriste et auteur, Beat Leuthardt se montre sceptique sur l’efficacité réelle d’un outil juridique qui entre en vigueur après deux décennies de discussions.

«Il s’agit d’une version édulcorée du projet légal initial. Et les autorités ont trainé les pieds pour l’introduire.» Le même spécialiste estime aussi que la nouvelle norme n’est en rien une garantie de transparence accrue.

«Dans le meilleur des cas, un représentant officiel désireux de communiquer une information sera couvert légalement. Et le citoyen qui insiste aura une meilleure chance de pouvoir accéder au document.»

Beat Leuthardt va plus loin. Il estime que le principe de la protection des données a un peu été traité à la légère. «Le préposé fédéral à la protection des données a davantage de travail sans qu’on lui accorde plus de pouvoirs ou de personnel.»

Dans les cas controversés

Cette critique fait écho à celle dudit préposé Hanspeter Thür, qui agira en médiateur dans les cas controversés où l’administration souhaite limiter l’accès à de l’information.

Hanspeter Thür s’est déjà plaint que son bureau ne pourra pas assumer ce supplément de travail étant donné que le gouvernement refuse actuellement d’engager de nouveaux collaborateurs.

En dehors du bureau de Hanspeter Thür, personne dans les milieux du droit comme des médias ne pense que la nouvelle loi aura un impact important sur le travail au quotidien.

«Sur le principe, nous estimons bienvenus ces changements. Cette loi est une façon de renforcer les contrôles sur l’administration», indique Michael Hüppi, responsable au sein de la Fédération suisse des avocats.

Mais les experts légaux avaient déjà accès à tous les documents nécessaires dans le cadre des affaires de justice, explique ce dernier.

Changement d’attitude à terme

Michael Hüppi estime toutefois que pour le citoyen, c’est tout bénéfice. Il peut désormais accéder plus facilement aux informations fiscales ou en matière d’infraction de la route.

«Je pense que cette loi va améliorer les relations entre citoyens et institutions publiques.»

Se référant à une norme similaire introduite au niveau cantonal, un représentant du Conseil de la presse assure ne pas s’attendre à une révolution immédiate.

Mais Martin Künz estime «qu’à moyen terme, elle pourrait modifier l’attitude de l’administration envers les médias.»

Aux journalistes de se battre

Rédacteur en chef du magazine «Klartext» consacré aux médias, Hans Stutz se veut pragmatique. «Il revient maintenant aux journalistes et au éditeurs de se battre pour étendre l’accès aux documents en s’adressant à la justice», note-t-il.

Reste que ce spécialiste ne croit pas vraiment à un boum du journalisme d’investigation. «Les journalistes qui enquêtent de façon large et étendue ne sont plus vraiment recherchés en Suisse, assure-t-il. Beaucoup d’éditeurs ont réduit leurs budgets. Les scoops onéreux, ils ne peuvent plus se les payer.»

swissinfo, Urs Geiser
(Traduction: Pierre-François Besson)

– Le parlement a approuvé en décembre 2004 la nouvelle loi entrée en vigueur en début du mois.

– L’Union européenne dispose de mesures de transparence s’appliquant au Conseil, à la Commission et au Parlement depuis 2001.

– Beaucoup de pays – France, Grande-Bretagne, Allemagne, Etats-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et autres – ont également introduit des lois semblables.

– La Suède fait office de pionnière, avec des lois sur la transparence dans l’administration depuis plus de 200 ans.

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