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Deux grandes dames du cinéma suisse à Locarno

Des adolescents ont participé à la réhabilitation d'Ossona, le «Petit coin de paradis» de Jacqueline Veuve.

Les réalisatrices suisses Jacqueline Veuve et Dominique de Rivaz ont chacune présenté leur dernier opus au Festival de Locarno. La première raconte la résurrection d'un hameau valaisan, la seconde parle du sens de la vie, de survie et de solidarité.

Intitulé Un petit coin de paradis, le dernier documentaire de la cinéaste vaudoise Jacqueline Veuve retrace la réhabilitation d’Ossona.

Ce hameau du val d’Hérens, abandonné lors de la construction du barrage de la Grande Dixence au début des années 1960, sera inauguré ce week-end.

Situé à plus de 900 mètres d’altitude, il fait face aux pyramides d’Euseigne, en Valais, et se trouve sur un plateau verdoyant, qui revit grâce à un projet pilote visant à favoriser le tourisme pédestre et le développement durable.

Une auberge, quatre gîtes pour les promeneurs, des bâtiments pour le bétail ont été construits et le bisse fonctionne à nouveau. La seconde étape de la réhabilitation prévoit notamment la construction de quatre autres gîtes d’ici un an. «Cet endroit est un vrai petit paradis!», s’enthousiasme Jacqueline Veuve.

Avec des ados à problèmes

Le documentaire, qui sortira cet automne en Suisse romande, expose les enjeux et difficultés de ce projet, tant pour la commune valaisanne de St-Martin que pour Daniel Beuret, l’exploitant agricole installé sur place.

Il donne aussi la parole à des anciens habitants d’Ossona et à cinq adolescents ayant participé à la remise en état du hameau. «Ces ados avaient des problèmes scolaires, indique la réalisatrice, ils sont venus travailler sur le chantier une fois par semaine. Les conditions de tournage ont parfois été difficiles car je craignais un peu leur réaction. Certains avaient 13-14 ans. En trois ans on les a vu évoluer…»

Les anciens eux ont dit leur vie d’antan dans ce hameau qui comptait alors une vingtaine de bâtisses en bois. «Il n’y avait ni eau courante, ni route et il fallait deux heures pour aller à l’école», explique la Vaudoise. «Ils ne sont pas nostalgiques mais contents de voir leur village revivre après avoir été abandonné et pillé.»

Au début des prises de vue en 2005, Jacqueline Veuve a ressenti beaucoup de froideur dans les rapports entre jeunes et anciens. «Je suis sûre que certaines de ces personnes âgées considéraient ces ados un peu comme des chenapans ! Par la suite, ils se sont beaucoup plus intéressé les uns aux autres.»

«Luftbusiness»

Tout autre décor pour le dernier long-métrage de Dominique de Rivaz, Luftbusiness, que l’on pourrait traduire par business virtuel. Dans cette parabole urbaine, trois jeunes en quête d’argent facile s’amusent à vendre l’un son enfance, l’autre sa vieillesse et le troisième son âme.

«Il ne s’agit en aucun cas de prostitution», précise la réalisatrice. «L’idée leur est venue juste après avoir appris que certains vendent des nuages ou des fantômes sur Internet. Ces sympathiques marginaux décident donc de proposer au plus offrant ce dont ils estiment ne plus avoir besoin.»

Le film parle avec poésie et humour du sens de la vie, de survie et de solidarité, résume Dominique de Rivaz. «Les trois jeunes gens sont des symboles, trois anges, des messagers nous informant sur l’état du monde. Je me suis convertie à la religion orthodoxe d’où la présence de ces anges.»

Deuxième long métrage

Mais le scénario s’inspire de faits réels. «J’ai lu en 2002 que quelqu’un avait mis son âme aux enchères. Cette démarche m’a laissée perplexe. Je me suis demandé comment on peut ainsi déraper vers l’irréel et qu’est-ce qu’une âme au 21e siècle. Je me suis demandé comment un individu survit après avoir vendu son âme», raconte la cinéaste.

«D’emblée, j’ai conçu un scénario comme une parabole moderne. L’action se situe dans un futur proche, dans une ville allemande imaginaire et multiculturelle. Le film a été tourné en allemand au Luxembourg», ajoute-t-elle.

Avec Luftbusiness, Dominique de Rivaz signe son deuxième long métrage après Mein Name ist Bach. La réalisatrice a été déçue que son nouveau film ne soit pas retenu dans la compétition principale du Festival de Locarno.

«C’est vrai, dans un premier temps j’ai été déçue. Mais ensuite j’ai trouvé bien qu’il figure dans la section Ici&Ailleurs car le film parle exactement de ça: l’ici et l’ailleurs. Il aurait d’ailleurs très bien pu s’intituler comme ça.»

Philippe Triverio, ATS

Le 61ème Festival du film de Locarno se termine samedi soir.

Les prix, notamment le Léopard d’or, seront remis dès 21h.

Au total, 18 longs-métrages étaient en compétition dans la catégorie principale.

L’an dernier, le Lépoard d’or est allé à «Ai no yokan» du Japonais Masahiro Kobayashi.

Cette année, une quarantaine de films suisses ont été projetés à Locarno.

D’origine suisse et italienne, Dominique de Rivaz est née en 1953 à Zurich.

Après des études de lettres à Fribourg, elle se fait connaître du public romand en 1979 grâce à l’émission de télévision «La Course autour du monde».

«Mein Name ist Bach» (2003) lui a valu le Prix suisse du cinéma 2004 de la meilleure fiction.

Outre des films, Dominique de Rivaz a aussi signé une pièce de théâtre en 2002.

Parallèlement à «Luftbusiness», elle a écrit son premier roman, «Douchinka» («Petite âme»), qui va sortir à la fin du mois.

Jacqueline Veuve est née en 1930 à Payerne, dans le canton de Vaud.

Elle a fait des études de bibliothécaire, de cinéma et d’anthropologie.

Entre 1956 et 1958, elle a notamment travaillé comme assistante de Jean Rouch au Musée de l’Homme à Paris.

Son premier court métrage, «Le panier à viande» (1966), co-réalisé avec Yves Yersin, a lancé sa carrière de cinéaste.

Son premier long-métrage, «La mort du grand-père ou Le sommeil du juste», a été sélectionné au Festival de Locarno en 1978.

Jacqueline Veuve a déjà réalisé une soixantaine de films, dont de nombreux documentaires.

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