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Deux paysans, deux avis

Elvira Bader ne veut pas des OGM dans sa ferme de Mömliswil swissinfo.ch

Votations du 27 novembre... Malgré le même profil politique et professionnel, Elvira Bader et Josef Leu s'opposent sur les OGM.

L’agricultrice soleuroise est favorable à un moratoire de cinq ans sur les organes génétiquement modifiés (OGM). Mais, son collègue lucernois voudrait pouvoir y recourir sans attendre

«Aujourd’hui, nous sommes en mesure d’introduire des organes génétiquement modifiés dans l’agriculture. Mais, nous ignorons comment nous en débarrasser si ceux-ci devaient s’avérer néfastes à terme», souligne Elvira Bader.

La paysanne de Mümliswil, une commune nichée entre les collines jurassiennes et le canton de Soleure, se bat en faveur du moratoire de cinq ans sur les OGM.

La conseillère nationale (députée) démocrate chrétienne est mariée, mère de six enfants et grand-mère de trois petits-enfants. Sa famille vit et travaille dans sa ferme depuis trois générations.

Sourire aux lèvres, Elvira Bader dresse l’inventaire de son domaine: «Quarante hectares de terrain, une trentaine de vaches, vingt bœufs, six chevaux, un chien et de nombreuses souris».

Labeur anéanti

L’entreprise agricole de la famille Bader est située au sommet d’une colline, à quelques kilomètres du village. L’endroit est isolé, entouré de pâturages et de forêts. Il semble à l’abri, ou presque, des contaminations par des organismes génétiquement modifiés.

«Le Jura est balayé par des vents forts. Portés par ces violentes bourrasques, les pollens peuvent parcourir de nombreux kilomètres et contaminer des champs cultivés même jusqu’ici. Des croisements avec des espèces de la flore sauvage ne sont pas à exclure non plus, et ces mêmes plantes pourraient être broutées par nos vaches», prévient Elvira Bader, d’un ton préoccupé.

Et de poursuivre: «La technologie génétique en soi ne m’effraie pas. Mais, si celle-ci devait se répandre jusque chez nous, nous ne serions alors plus en mesure de vendre notre lait sous le label de qualité biologique ou de production agricole intégrée. Ce serait l’anéantissement d’années de labeur».

Loi de la nature

La cultivatrice cite une longue liste de travaux, qu’elle et son époux doivent accomplir quotidiennement afin de garantir une production agricole respectueuse des animaux et de l’environnement.

«Les produits issus de l’agriculture biologique ne peuvent ainsi contenir plus de 0,5% de substances génétiquement modifiées. Pour ne pas dépasser ce seuil, nous devons méticuleusement séparer nos diverses productions, nettoyer nos machines et nos conteneurs et assainir régulièrement nos terres. Des étapes incontournables qui sont autant de frais à notre charge».

Le combat que livre Elvira Bader ne vise pas seulement la protection des consommateurs mais, également celle de sa propre famille.

«Les jeunes paysans d’aujourd’hui, sont très conscients de l’importance de la terre et du respect des lois de la nature. Et moi, j’entends léguer à mes fils un patrimoine naturel intacte, le même que j’ai trouvé lorsque je suis venue sur cette terre».

Perspectives illimitées

A une cinquantaine de kilomètres de là, sur le haut plateau lucernois, Josef Leu attend avec impatience le jour où il pourra enfin cultiver des semences transgéniques sur ses champs, à Hohenrain.

La ferme du Lucernois est entourée de trente hectares de terrain, qui offrent une vue imprenable à 180° sur les Alpes. Une cinquantaine de vaches forme le cheptel de Josef Leu qui possède aussi un verger.

«Si seulement je pouvais me lancer demain déjà dans ce type d’agriculture», lance le paysan et conseiller national chrétien-démocrate.

«La technologie génétique nous offre d’innombrables perspectives, au service de l’environnement. Elle nous permettrait de poursuivre la sélection et la culture des plantes, tout en recourant à des méthodes plus précises, plus efficaces et plus rapides», ajoute encore Josef Leu avec enthousiasme.

«Avec le génie génétique, l’agriculture pourrait franchir un pas de géant et abandonner progressivement l’usage des pesticides et des fertilisants», précise cet ingénieur agricole de formation.

Espèces immunes

Le cultivateur lucernois, qui travaille dans sa ferme avec l’un de ses quatre fils, suit avec grand intérêt les diverses expériences scientifiques menées dans le domaine des OGM.

Il en parle avec passion, alors que ses mains tracent des sillons de terre imaginaires, desquels émergent des plants de maïs immuns, résistant à leur pire ennemi, la pyrale, du nom de ce parasite dont la larve attaque l’épi du végétal.

Josef Leu pense aussi aux nouvelles pommes de terre, capables de résister aux assauts du mildiou, un champignon responsable de terribles famines aux cours des siècles passés.

«Pour un agriculteur qui veut cultiver avec des méthodes biologiques, quelle meilleure possibilité que celle qui nous permettrait de renoncer à utiliser des substances chimiques?», s’interroge le paysan.

Aucune crainte

Pour le Lucernois, les craintes dans ce domaine sont inutiles. La sélection des plantes les plus résistantes relève déjà de manière intrinsèque au cycle biologique.

«Nous formons la cinquième génération de notre famille à conduire cette ferme. Mes parents m’ont enseigné à traiter la nature avec respect, mais ils m’ont également inculqué l’esprit d’ouverture face au changement».

«Mon lien émotionnel avec le paysage qui m’entoure est très profond. Je me suis appliqué afin de le transmettre dans de bonnes conditions aux générations à venir. Et, c’est précisément pour cette raison que je veux renoncer aux produits chimiques, en profitant des nouvelles connaissances, y compris de celles du génie génétique», conclut Josef Leu.

swissinfo, Armando Mombelli
(Traduction de l’italien: Nicole Della Pietra)

Le 27 novembre, les citoyens suisses sont invités à s’exprimer notamment sur l’initiative populaire “pour des aliments produits sans manipulations génétiques”.
L’initiative demande de renoncer à l’utilisation commerciale de plantes et d’animaux génétiquement modifiés dans l’agriculture suisse pendant cinq ans.

– Elvira Bader, de Mümliswil dans le canton de Soleure, est mariée et mère de six enfants, dont trois adoptifs.

– La démocrate chrétienne siège depuis 1999 au Conseil national (Chambre basse du parlement). Elle est également engagée au sein de plusieurs associations et organisations pour la défense des paysans et des familles.

– Josef Leu, de Hohenrain dans le canton de Lucerne, est marié et père de 4 enfants. Depuis 1991, lui aussi est député au Conseil national sous les couleurs du Parti démocrate-chrétien.

– Le Lucernois représente les intérêts de plusieurs entreprises actives dans les secteurs agricole et alimentaire.

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