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Dialogue renoué entre Benoît XVI et Hans Küng

L'audience accordée par le pape Benoìt XVI à Hans Küng est un premier pas vers la réconciliation. Keystone

Le pape Benoît XVI a récemment reçu l'un de ses plus célèbres adversaires, le théologien suisse Hans Küng, pour des entretiens qualifiés d'«amicaux».

Les deux parties ont exprimé leur satisfaction après cette rencontre de quelques heures qui s’est déroulée ce week-end dans la résidence d’été du souverain pontife à Castelgandolfo.

Le pape Benoît XVI – qui fut avant son élection le gardien sourcilleux du dogme catholique durant 24 ans – a reçu samedi le plus célèbre contestataire européen catholique en la personne du Suisse Hans Küng.

Cette rencontre de quelques heures marque le désir du nouveau souverain pontife de combler le fossé qui s’est creusé, au cours des décennies passées, entre l’Eglise de Rome et plusieurs de ses penseurs.

Ainsi, quatre semaines après avoir fait un geste envers la frange intégriste en acceptant de recevoir le chef de file de la fraternité Saint-Pie X Mgr Bernard Fellay, Benoît XVI a fait un nouveau pas, cette fois vers l’aile progressiste de l’Eglise catholique.

Un climat «amical»

Ces retrouvailles ont eu lieu, dit-on officiellement au Vatican, dans «un climat amical».

Brouillés depuis plus de vingt ans, le pape allemand Joseph Ratzinger (78 ans) et le théologien suisse (76 ans) ont convenu de ne pas entrer dans la ‘dispute’ qui oppose Hans Küng au «magistère de l’Eglise».

Toujours de source vaticane, les deux hommes d’Eglise ont fait preuve d’une bonne volonté réciproque.

Le pape a rendu hommage aux efforts faits par Hans Küng pour «contribuer à une reconnaissance renouvelée des valeurs morales essentielles de l’humanité à travers le dialogue des religions et la rencontre avec la raison séculière».

Tout en soulignant que c’était aussi un objectif de son pontificat, Benoît XVI a en outre exprimé son «accord» avec le dialogue entre foi et sciences naturelles tenté par le théologien suisse.

De son côté, Hans Küng a «salué» les efforts faits par le pape en faveur du dialogue entre les religions et pour le rapprochement «des différents groupes sociaux du monde moderne».

Un signe d’espoir

«Je suis sûr que cette rencontre sera perçue dans le monde catholique, et bien au-delà, comme un signe d’espoir», a déclaré lundi le théologien suisse à l’agence Associated Press depuis sa résidence de Tübingen.

Et d’ajouter: «cela prouve que Benoît XVI a des intentions bien plus positives que ce que l’on pouvait penser».

Pour mémoire, juste après l’arrivée du cardinal Joseph Ratzinger au Vatican, Hans Küng avait affirmé dans une déclaration écrite qu’il s’agissait d’ «une immense déception» pour tous ceux qui avaient espéré un pontife réformiste.

Mais le théologien suisse gardait tout de même un espoir. Il avait en effet ajouté en substance que la fonction de chef de l’Eglise constituait un tel défi qu’elle pouvait transformer chaque personne choisie.

Des chemins divergents

Il faut se rappeler que les deux hommes se sont liés d’amitié dans les années 60 avant que leurs chemins se séparent. Le premier a opté pour une carrière vaticane. Tandis que l’autre a adopté des positions très critiques à l’égard de l’institution romaine.

Joseph Ratzinger et Hans Küng – tous deux brillants théologiens catholiques – se sont côtoyés à l’université de Tübingen en Allemagne, où Hans Küng enseigne d’ailleurs toujours.

Comptant parmi les théologiens de prédilection du pape Paul VI, ils ont tous deux participé au concile Vatican II avant de travailler côte à côte de 1966 à 1969.

Mais, en 1979, Hans Küng sera sanctionné par la Congrégation pour la doctrine de foi, chargée de veiller au respect du dogme.

Interdit d’enseignement

Pionnier du dialogue théologique avec les religions non-chrétiennes et avec les sciences, partisan d’une plus grande place des femmes dans l’Eglise, et surtout très critique envers le dogme de l’infaillibilité pontificale, Rome accusera Hans Küng de s’être «écarté de la vérité de la foi catholique».

Le brillant théologien suisse sera interdit d’enseignement à l’université pontificale grégorienne, la prestigieuse institution qui forme les cadres intellectuels de l’Eglise catholique.

A noter qu’il s’est montré particulièrement critique envers le pontificat de Jean Paul II, auquel il reprochait d’avoir «tué toute vie dans l’Eglise».

Ajourd’hui, à 76 ans, Hans Küng reste l’un des critiques les plus renommés de la papauté.

Avant la rencontre de samedi, le nouveau pape et le théologien contestaraire ne s’étaient rencontrés qu’une seule et unique fois. C’était en Allemagne, au début des années 80.

swissinfo avec les agences

En 1979 Hans Küng s’était fait retirer la chaire de théologie qu’il occupait à l’Université catholique de Tübingen, au sud-ouest de l’Allemagne, pour avoir critiqué l’infaillibilité pontificale.
Hans Küng et Benoît XVI (alors encore cardinal Joseph Ratzinger) ont tous deux participé au concile Vatican II (1962-1965).
Hans Küng avait fait venir Joseph Ratzinger à Tübigen en 1966 et l’avait soutenu contre certains opposants.

– Hans Küng, âgé de 77 ans, a affirmé que le pape Benoît XVI avait répondu rapidement à sa demande de rencontre. Jean-Paul II a refusé ce rendez-vous durant 25 ans.

– Il y a un mois, Benoît XVI avait fait un premier geste significatif en acceptant de dialoguer avec le chef de file de la fraternité Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay.

– Lancée à Fribourg, cette fraternité s’est installée à Ecône, en Valais, au début des années 70. Elle considère le Vatican comme trop libéral.

– Hans Küng se bat quant à lui pour une plus grande ouverture d’esprit du même Vatican.

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