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La montagne a bougé de 10 centimètres par an avant de s’effondrer

Houses are half covered by mud that has also swamped aroad
Le village de Bondo était situé à proximité d'une bombe à retardement. Reuters

Le Piz Cengalo, qui a déversé 4 millions de mètres cubes de roches sur un petit village du canton des Grisons mercredi, était connu pour son instabilité. Un pan de cette montagne avait bougé de 30 centimètres au cours des trois dernières années, mais il était impossible de déterminer quand l’effondrement se produirait.

Plusieurs randonneurs sont toujours portés disparus dans le Val Bregaglia après l’important glissement de terrain qui s’est produit mercredi.

La zone du Piz Cengalo est surveillée depuis plusieurs années par l’Office grison de la forêt et des dangers naturels à la suite d’un éboulement survenu en 2011. Grâce à des radars et à la technologie infrarouge, les chercheurs ont observé qu’un pan de plusieurs millions de mètres cubes (voir image) s’était déplacé de 30 cm entre 2013 et 2016. 

A radar image of a mountain showing blue, yellow and red zones
Une image radar du Piz Cingalo montre clairement (en rouge) la zone à risque. Arge Alp Projekt

Une augmentation des mouvements de roche avait été mesurée par des géologues à la fin-juillet. Dans un rapport mené par la société ArgeAlp, les chercheurs décrivent un «mouvement profond» à la fois de «basculement et de glissement» de la roche. Les autorités locales avaient déjà installé un système d’alarme pour alerter sur la moindre chute de débris.

La difficulté consistait à prédire les glissements de terrain avec un certain degré de précision, explique Marcia Phillips, de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (WSL) de Davos. «Le permafrost ne joue qu’un rôle minime dans un événement de cette taille», relève-t-elle. «La structure géologique de la montagne et l’accumulation d’eau dans les fractures ont eu un impact plus important.»

Le Piz Cengalo est composé de plusieurs couches de roche superposées, «un peu à la manière d’un oignon», illustre Marcia Phillips. L’eau s’accumule sous la couche supérieure, la poussant graduellement durant des milliers d’années. «La cause de ces événements a lieu en profondeur et cela peut prendre beaucoup de temps avant que la montagne ne réagisse», souligne la chercheuse.

Sur une autre montagne, les chercheurs ont ainsi récupéré, dans des fractures du même type, de la glace qui datait de 6000 ans. Etant donné la nature profonde des forces agissant sur la montagne, de telles chutes de roches peuvent survenir à n’importe quel moment de l’année. Les événements de plus petite ampleur, régis par la fonte du permafrost (ou pergélisol), sont quant à eux davantage susceptibles de survenir après une vague de chaleur.

L’institut WSL surveille régulièrement l’état du permafrost dans les Alpes suisses en perforant des montagnes pour vérifier l’état de la roche. Des contrôles sont menés dans la région du Piz Ketzsch (Grisons), du Cervin (Valais) de la Jungfrau (Berne) ou encore du Klätsch (Glaris), mais pas sur le Piz Cengalo.

Depuis plusieurs années, les scientifiques mettent en garde contre un risque accru de glissement de terrain en Suisse en raison de la hausse des températures qui engendre un dégel du permafrost et la fonte des glaciers. Dans le cas du Piz Cengalo, le glissement de terrain a été causé par l’érosion naturelle. Celle-ci a formé des fissures, permettant ainsi à l’eau de s’infiltrer dans la montagne. Cet effet est amplifié lorsque les différences de températures entre l’hiver et l’été sont grandes: une masse de glace plus importante se crée durant la saison froide avant de fondre en été. 

Selon la Plateforme nationale dangers naturelsLien externe, un peu plus de 6 à 8% de la superficie de la Suisse est instable. «En raison de la forte intensité de certains mouvements de masse, la faisabilité technique des structures de protection et autres mesures de protection est souvent limitée, ou alors cela peut s’avérer trop coûteux», peut-on lire sur le site internet. «Comme pour d’autres processus naturels, les zones dangereuses devraient être évitées dans la mesure du possible. Lorsque cela n’est pas possible, des mesures très poussées peuvent être nécessaires.»

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Traduit de l’anglais par Samuel Jaberg

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