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Droits de l’homme: la Suisse ne cache pas sa déception

La Commission des droits de l'homme s'est tenue au siège de l'ONU à Genève. Keystone

La Suisse appuyait l´idée d´une enquête sur les événements dans les territoires palestiniens. Aujourd´hui elle regrette que les membres de la Commission des droits de l´homme de l´ONU se soient trouvés obligés de choisir entre des positions extrêmes.

«C’est vraiment dommage, souligne Jean-Daniel Vigny, ministre conseiller auprès de la Mission suisse à Genève et observateur assidu des travaux de la Commission. Dommage qu’une résolution maximaliste et politisée, de surcroît contraire au droit international sur certains points, l’ait emporté malgré l’opposition de minimalistes de tous bords.»

Les résultats du vote, jeudi soir à Genève, traduisent bien ce constat d’une bataille à couteaux tirés entre ceux qui voulaient tout et ceux qui ne voulaient rien. Avec, entre leurs feux, un nombre important de pays qui n’avaient guère d’autre choix que de se rallier à l’un des deux bords ou de se taire pour une raison ou pour une autre.

Sur les 53 États membres de la Commission, 19 ont voté la résolution: la Chine et l’Inde, notamment, ont soutenu le projet présenté par les pays arabes. 16 ont voté contre, à savoir l’ensemble des pays européens, ainsi que les États-Unis et le Japon. 17 enfin se sont abstenus, dont la Russie et plusieurs pays africains et latino-américains.

Une commission ad hoc sera donc mise sur pied. Composée de membres choisis sur une base d’indépendance et d’objectivité, elle se devra d’enquêter sur «les violations graves et massives des droits de l’homme du peuple palestinien par Israël». Le texte demande également à Mme Mary Robinson, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, de se rendre d’urgence dans les territoires occupés. Idem pour plusieurs rapporteurs spéciaux de l’ONU.

Du côté de la délégation palestinienne, on applaudissait jeudi soir à une décision qui, selon elle, préserve la réputation d’une institution onusienne «représentant la conscience du monde». Le représentant israélien jugeait quant à lui cette résolution partisane, diffamatoire, et faisant injure au processus de paix. Son ministère, à Jérusalem, lui a fait écho vendredi en déclarant que non seulement Israël rejetait la résolution mais qu’il ne coopérerait pas non plus à l’application de ses points concrets.

Les Occidentaux ont expliqué leur vote négatif: pour les Européens, certaines dispositions de la résolution sortent du domaine de la compétence de la Commission. Pour les États-Unis, ce texte, jugé unilatéral et agressif, n’ouvre aucune perspective de réconciliation. Au contraire, il pourrait miner les efforts diplomatiques internationaux en cours.

Mardi, lors de l’ouverture de cette session spéciale, on se doutait déjà que le projet de résolution des pays arabes ferait problème, du moment que certains actes de violence commis par les forces israéliennes étaient qualifiés de crimes contre l’humanité.

Le dialogue n’a donc pas eu lieu et la délégation suisse s’en montre déçue. L’ambassadeur François Nordmann, qui avait choisi de parler avant même que l’on connaisse l’issue du sommet de Charm el Cheikh, avait lancé un message très clair aux parties engagées dans ce conflit. Il avait appelé les responsables des violations à respecter le droit.

Trois jours plus tard, et après la conclusion d’un débat où les aspects politiques du conflit l’ont largement emporté sur ses dimensions humanitaires, le ton est plutôt à la perplexité. «Vu l’absence de coopération annoncée par les Israéliens, commente Jean-Daniel Vigny, on peut se demander si cette commission d’enquête pourra vraiment faire son travail.»

Quand on sait que, pas plus tard que la semaine dernière, les autorités israéliennes ont refusé de rencontrer le rapporteur spécial de la Commission sur la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés, on peut imaginer qu’il en ira de même pour les autres enquêteurs. Mary Robinson se heurtera-t-elle au même obstacle? Réponse à Jérusalem.

Bernard Weissbrodt

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