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Les fabricants d’Emmental cherchent un second souffle

L'Italie est le principal importateur d'Emmental Ex-press

L’Emmental est un fromage à trous emblématique de la Suisse. Mais sa production est menacée par une chute des prix. Pour y faire face, le gouvernement envisage d'imposer des quotas, afin d'aider les fabricants et leurs laitiers à se maintenir à flot.

Cet été, la branche a voté en faveur d’une réintroduction des contingents, la surproduction ayant provoqué une chute des prix qui menace les fabricants suisses d’Emmental.

L’organisation faîtière Emmentaler Switzerland estime que le système des quotas ne fonctionnera que s’il est imposé dans toute l’industrie, ce qui ne peut se faire qu’avec l’aval du gouvernement. Le ministère de l’Economie est d’ailleurs en passe d’achever un processus de consultation sur le sujet. Une décision du Conseil fédéral (gouvernement) est attendue en octobre.

Produit dès le XIIIe siècle dans la vallée de l’Emme (Emmental, en allemand, dans le canton de Berne) ce fromage à trous continue d’être fabriqué dans de petites laiteries familiales ou de grandes usines en Suisse alémanique. Or le nombre de producteurs laitiers impliqués dans la production d’Emmental suisse ne cesse de diminuer. En 1990, il y avait 800 producteurs du fromage à trous en Suisse. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 149 à fabriquer l’Emmental labélisé AOC (Appellation d’origine contrôlée, obtenue en 2006).

Ses revendeurs commandent souvent plus de fromages qu’ils n’en vendent, de sorte que le marché est inondé.

«Un kilo d’Emmental coûte maintenant 5 francs 60, ce qui est trop peu pour assurer la survie des petites laiteries, précise à swissinfo.ch Franziska Borer, directrice d’Emmentaler Switzerland. Comme les producteurs de fromage reçoivent si peu, ils payent aux producteurs de lait un prix insuffisant pour couvrir leurs coûts. Il y a donc un risque qu’ils livrent leur lait ailleurs, ou arrêtent complétement la production de lait.»

Si la production est contingentée, les prix vont augmenter, ce qui reflètera la valeur réelle du fromage et du lait, selon Franziska Borer.

Concurrence

Un autre problème pour la branche tient à la concurrence de l’Emmental produit en masse aux Etats-Unis et dans plusieurs pays européens.

Face à cette production industrielle, l’Emmental AOC garantit que le lait utilisé provient de vaches nourries à l’herbe et au foin uniquement. Les meules de fromage ont un poids moyen de 95 kilos avec sur le côté l’étiquette Emmentaler Switzerland.

Les fromagers peuvent aussi imprimer leur numéro de fabrication individuel sur les meules. Ces timbres sont gage de qualité et contribuent à la protection de la marque. Car l’obtention du label AOC exige de respecter des standards élevés de qualité. 

Andreas Bernhard est le président de l’association du fromage d’Ursenbach (canton de Berne), regroupant 18 agriculteurs qui alimentent la laiterie de l’association. Il explique: «Tout dépend de la façon dont les vaches sont gardées, ce qu’elles mangent, l’environnement dans lequel elles vivent. Nous avons des normes d’hygiène très strictes pour la traite des vaches.»

Des échantillons de lait doivent régulièrement être envoyés à un laboratoire pour tester la présence de bactéries et d’antibiotiques. En cas de test positif, le lait ne peut être utilisé pour la fabrication du fromage.

La laiterie d’Ursenbach est gérée par Fritz Lehmann et son frère Hans. Ils produisent quatre fromages par jour, qui subissent des contrôles rigoureux après trois mois d’affinage. L’an dernier, les Lehmann ont remporté le deuxième prix dans un concours national organisé par Emmentaler Switzerland. Mais ils sont toujours confrontés à un avenir incertain.

Le défi pour Emmentaler Switzerland est de s’assurer que les consommateurs sont conscients des différences entre leurs produits et ceux fabriqués hors de Suisse. L’organisation faitière consacre 80% des cotisations de ses membres au marketing.

Mais Fritz Lehmann estime qu’il faudrait faire davantage: «Je pense que nous pourrions vendre plus d’Emmental AOC, si plus de moyens plus de gens, plus de passion étaient mis dans la promotion. Le marché est inondé. Il faut être présent et dire que notre Emmental est le meilleur.»

Arrêt de la surproduction

Si des quotas de production sont imposés, Fromarte – l’organisation qui représente les fabricants de fromage – souhaite mettre en place une société commerciale unique pour gérer toutes les commandes.

Les gestionnaires seraient tenus de commander à l’avance les quantités qu’ils ont l’intention de vendre, et les producteurs livreraient directement à la société au lieu de passer par les revendeurs. Cela devrait contribuer à l’arrêt de la surproduction et à une hausse des prix pour le fromage.

Mais Joseph Hardegger, un gestionnaire qui achète de l’Emmental AOC à Ursenbach, n’est pas d’accord avec cette proposition: «Les structures de base du secteur ne seront pas modifiées. Il n’y a donc aucune garantie à long terme que les producteurs vont survivre avec la nouvelle société unique et l’imposition de deux ans de quotas.»

Il craint que la nouvelle entreprise ne représente principalement les intérêts des agriculteurs et des producteurs. «À court terme, les quotas peuvent aider à résoudre les problèmes de l’industrie et lutter contre la surproduction. Mais à long terme, les forces du marché devraient rapprocher l’offre et la demande.»

Reste que l’Emmental AOC est toujours le fromage le plus exporté de Suisse, plus que le Gruyère, l’autre fromage emblématique du pays, sans trou et sans peur pour son avenir.

Chaque meule de fromage de 95 kg environ nécessite 1200 litres de lait.

Le lait est brassé dans une cuve géante et chauffé à plus de 50 degrés pour qu’il coagule.

Il est ensuite versé dans des moules ronds.

Le fromage est immergé dans un bain de sel pendant quelques jours avant d’aller dans les salles de stockage pour la fermentation et la maturation qui dure un minimum de quatre mois.

Exportations en 1999: 33’689 tonnes

Exportations en 2011: 25’256 tonnes

Nombre de fromageries en 1999: 519

Nombre de laiteries en 2012: 149

Nombre de laiteries fermés en 2011: 20

Nombre de producteurs de lait pour l’Emmental: 4000

Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand

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