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En Suisse, les politiciens turcs ne seront pas muselés

En 2017, de nombreux Turcs de l'étranger ont pris part au référendum constitutionnel pour accroître les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan. Keystone

Les élections anticipées du 24 juin en Turquie vont-elles raviver en Suisse la polémique qu’avait déclenchée en 2017 le référendum constitutionnel? Contrairement à d’autres pays européens, où vivent beaucoup de ressortissants turcs, la Confédération n’interdira pas aux politiciens de faire campagne sur son sol.  

Ce contenu a été publié le 25 avril 2018 minutes

A peine le président truc Recep Tayyip Erdogan avait-il annoncé la tenue d’élections anticipées en Turquie le 24 juin, que l'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas ont réagi. Les trois pays européens ont déjà clairement indiqué qu'ils n’autoriseraient pas d’apparitions publiques de politiciens turcs durant la campagne. 

C’est l'Allemagne qui abrite de loin la plus grande diaspora turque: 1,4 million de résidents ont le droit de vote dans ce pays. Ils sont 250’000 aux Pays-Bas, 109’000 en Autriche et 95'000 en Suisse. 

La Suisse, elle, ne compte pas imposer une interdiction d’apparitions publiques aux politiciens turcs. «Nous attachons une grande importance à la liberté d'expression et d'information - du moins tant que le système juridique suisse est respecté et que la sécurité est prise en compte», explique George Farago, porte-parole du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). Il précise qu’«en principe, il appartient aux cantons ou aux communes d'approuver ou d'interdire des événements politiques sur la base d'une évaluation, en particulier de la situation sécuritaire». 

La Confédération pourrait interdire aux hommes politiques étrangers d’apparaître publiquement si la sécurité intérieure de la Suisse était menacée. La personne concernée écoperait probablement d’une interdiction d'entrée en Suisse. 

La tâche d’évaluer la dangerosité de la menace revient au Service de renseignement de la Confédération (SRC). Pour ce dernier, d’éventuels affrontements violents entre des partisans du Parti des travailleurs kurdes (PKK) et des membres de cercles islamistes ou nationalistes turcs, ou encore des sympathisants de l'«État islamique» constituent la menace la plus sérieuse pour la sécurité intérieure. Si le dirigeant du PKK, Abdullah Öcalan, qui est en captivité en Turquie depuis 1999, devait mourir, il faut selon le SRC «s'attendre à des actes de violence contre les représentations ou les institutions turques». 

Le SRC ne donne, en revanche, pas d’information sur l’éventuelles apparitions politiques liées aux élections en Turquie déjà planifiées. 

Forte résistance en Europe 

Il y a environ un an, un vote sur une réforme constitutionnelle qui visait à renforcer le pouvoir du président turc Recep Tayyip Erdogan avait fait polémique dans plusieurs pays européens. L'amendement constitutionnel avait finalement été approuvé par une petite majorité de l'électorat turc. Pour convaincre, les partisans d'Erdogan étaient allés à la pêche aux voix au sein de la diaspora européenne. Ce sont en particulier des représentants de l'AKP, parti proche du pouvoir, qui se sont rendus dans divers pays de l'Union européenne pour faire campagne. 

Aux Pays-Bas, les autorités avaient intercepté une ministre turque, avant de l’escorter jusqu’en Allemagne. L'incident avait donné lieu à un différend diplomatique entre les deux pays, qui n’est actuellement toujours pas réglé. 

Lors de ce premier épisode déjà, le gouvernement suisse ne voulait pas imposer une interdiction d’apparaître en public aux politiciens turcs. Le ministre suisse des Affaires étrangères de l'époque Didier Burkhalter avait même reçu son homologue turc Mevlüt Cavusoglu, faisant la une des journaux et alimentant les débats politiques. A l'époque, le DFAE était arrivé à la conclusion qu'il n'y avait pas de «menace sécuritaire extraordinaire pouvant justifier des restrictions de la liberté d’expression» et que la sécurité intérieure n'était pas menacée.

Un coup de main pour Erdogan? 

En Turquie, les apparitions publiques de politiciens turcs annulées par des pays européens sont régulièrement exploitées pour des raisons de politique intérieure. Dans le cas des Pays-Bas, Recep Tayyip Erdogan avait même parlé de méthodes nazies.

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