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Comment la Suisse développe ses relations commerciales avec l’Iran

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Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif (à droite) reçoit son homologue suisse Ignazio Cassis en septembre 2020. Keystone / Abedin Taherkenarehh

Malgré les sanctions, la Suisse parvient à maintenir de bonnes relations commerciales avec l'Iran. Dernier exemple en date: un accord sur les transports.

L’accord en question vient d’être ratifié par le parlement de Téhéran. Il prévoit la libéralisation totale du transport des marchandises et la suppression des obstacles administratifs.

Contenu externe

«La coopération dans le domaine des transports est incluse dans la feuille de route que la Suisse et l’Iran ont adoptée en 2016», nous explique par écrit un porte-parole du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). Cette feuille de routeLien externe, dont les objectifs ont été confirmés en 2018, constitue la base de l’approfondissement des relations entre les deux pays.

Cet accord sur les transports est l’exemple le plus récent du fait que la Suisse entretient de bonnes relations économiques avec l’Iran – malgré une politique nucléaire et une situation des droits de l’homme douteuses.

2007: Le Conseil de sécurité de l’ONU décide d’un embargo sur les armes, car il soupçonne l’Iran de fabriquer secrètement des armes nucléaires

2015/16: Un accord nucléaire international promet à l’Iran de mettre fin au boycott des armes – en contrepartie, le pays doit promettre de limiter son programme nucléaire

2018: Les États-Unis de Donald Trump se retirent de l’accord nucléaire, jugé insuffisant et introduisent des sanctions

2020: L’embargo onusien sur les armes vient à expiration

«Depuis la conclusion de l’accord nucléaire, la Suisse essaie de réactiver la coopération économique et le commerce avec l’Iran», explique Christian Blickenstorfer, qui a été conseiller d’ambassade en Iran dans les années 1980, avant de devenir ambassadeur suisse en Arabie Saoudite, aux États-Unis et en Allemagne. «Après la conclusion de l’accord nucléaire et la levée progressive des sanctions, plusieurs pays européens ont souhaité pouvoir développer leurs échanges avec l’Iran».

La Suisse n’applique que partiellement les sanctions

Depuis 2007, la Suisse s’est tenue aux sanctions de l’ONULien externe contre l’Iran. Mais dans un second temps, elle n’a appliqué que partiellement les sanctions décidées plus tard par l’Union européenne. Et après l’entrée en vigueur de l’accord sur le nucléaire en 2016, elle a même assoupli ses sanctions.

«Il est clair que la Suisse doit ou devait se conformer aux sanctions imposées par l’ONU, mais pas à celles des États-Unis ou de l’UE», déclare Christian Blickenstorfer. Le problème, avec les sanctions américaines, c’est que Washington a menacé de poursuivre aux États-Unis les entreprises qui ne les respecteraient pas. «Un risque que les firmes, et naturellement les banques, actives en Amérique, ne veulent pas prendre».

Canal de financement suisse pour les biens humanitaires

La Suisse a trouvé une solution, au moins dans un domaine particulier: en février 2020 est entré en vigueur le Mécanisme de paiement pour la livraison de biens humanitaires en Iran (SHTALien externe), qui assure aux entreprises des secteurs alimentaire, pharmaceutique et médical établies en Suisse un canal de paiement sûr via une banque suisse pour leurs exportations vers l’Iran.

«La mise en place de canal de paiement pour la livraison de biens humanitaires et de médicaments n’a été possible qu’avec l’accord des Américains, et s’est faite sur la base de considérations purement humanitaires afin d’atténuer un peu une grave crise d’approvisionnement en Iran», précise Christian Blickenstorfer.

Une tradition de bonnes relations

Ce n’est pas un hasard si la Suisse a réussi à négocier ce mécanisme de paiement en collaboration avec les autorités compétentes aux États-Unis et en Iran. Depuis 100 ans, Berne entretient de bonnes relations diplomatiques avec Téhéran. Et depuis les années 80, c’est la Suisse qui représente les intérêts américains en Iran.

«Ce mandat [dit de «puissance protectrice»] auprès de la révolution islamique a permis à la Suisse de continuer à entretenir des relations normales», rappelle Christian Blickenstorfer, qui admet toutefois que celles-ci n’ont pas toujours été faciles. «En Iran, on a affaire à un système de gouvernement très différent du nôtre».

Fin de l’embargo onusien sur les armes

En octobre 2020, l’embargo des Nations Unies sur les armes à destination de l’Iran, en vigueur depuis 2007, a expiré. La Russie et la Chine ont déjà exprimé leur intérêt à vendre des armes à l’Iran.

Pour la Suisse par contre, il n’en est pas question juge Christian Blickenstorfer. «La fin de cet embargo ne devrait rien changer pour la Suisse, car l’Iran est engagé dans différents conflits régionaux, ce qui rend pratiquement impossible toute vente de matériel de guerre par la Suisse».

L’Union européenne ne fera pour l’instant pas non plus de commerce d’armes avec l’Iran, car son propre embargo reste en vigueur jusqu’en 2023.

Nouveau président américain

Mais ce que la Chine, la Russie et d’autres pays vont faire de cette nouvelle liberté de commerce avec l’Iran dépendra aussi du nouveau président américain. Pour la plupart d’entre eux, la relation avec les États-Unis est plus importante que les ventes d’armes à l’Iran. Joe Biden a annoncé pendant la campagne électorale qu’il voulait réactiver l’accord nucléaire.

Selon Christian Blickenstorfer, rien ne changera dans l’exercice du mandat de puissance protectrice de la Suisse avec le nouveau locataire de la Maison Blanche. On ne sait pas si la réactivation de l’accord négocié sous Barack Obama pourrait se faire sans nouvelles négociations – ce que l’Iran a exclu jusqu’ici. «Si Joe Biden, comme Bill Clinton, devait essayer d’entrer en pourparlers avec l’Iran, le canal suisse pourrait lui être utile. Donc, autant qu’il fonctionne le mieux possible».

(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez)

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