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Les mesures de la BCE ne convainquent pas forcément

Mario Draghi, président de la BCE, à l’issue de la réunion de jeudi à Francfort. Reuters

Le nouveau plan de rachat de dette annoncé jeudi par la Banque centrale européenne (BCE), s’il a rassuré les marchés, n’a pas totalement convaincu les commentateurs de la presse suisse.

«L’annonce était attendue. Et son effet aussi, écrivent 24 heures et La Tribune de Genève. En s’engageant à acheter de manière illimitée des titres de dette d’un à trois ans de pays à problèmes, la BCE, emmenée par son président, Mario Draghi, a cependant donné hier un sérieux coup de fouet à des marchés qui s’alanguissaient en cette fin d’été».

«L’embellie va-t-elle durer? Il est trop tôt pour le dire, estiment les deux quotidiens. Dans son intervention, Mario Draghi a, à nouveau, insisté sur l’impérieuse nécessité pour les Etats européens de maîtriser leurs finances publiques grâce à une fiscalité adéquate. Les responsables politiques, a-t-il ajouté, doivent aussi ‘montrer une grande détermination à mener des réformes structurelles afin de développer la compétitivité de leurs pays’».

Et ces réformes prennent du temps. «Elles dépendent notamment de l’agenda politique de chaque pays, chaque échéance électorale ayant fréquemment pour effet de ramollir subitement des dirigeants politiques dans leur volonté d’accomplir lesdites réformes», rappellent 24 heures et La Tribune de Genève.

Le bout du tunnel?

«Est-ce la fin de la crise de l’euro?, se demande le Blick. Avec le nouveau programme de la BCE, l’Espagne et l’Italie se retrouvent de fait dans la même ligue que la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Mais à la différence de ces deux pays, l’aide ici accordée sera soumise à de strictes conditions. La baisse de l’intérêt de la dette devra se mériter à coups de réductions de dépenses et de salaires. Ce que la BCE donnera en rachetant de la dette, la Commission européenne le reprendra avec ses exigences».

«Mais cela ne tient que parce que les apôtres des économies de Berlin et de Bruxelles dictent les conditions, regrette le tabloïd alémanique. Il serait envisageable et judicieux que l’aide de la BCE ne soit pas subordonnée à des plans d’économies, mais à des plans de relance. Mais pour l’heure, on ne distingue aucun signe de ce genre de bon sens».

«La BCE a finalement sorti l’artillerie lourde, comme la Fed américaine. Cela suffira-t-il?, se demande lui aussi Le Temps. A donner un bol d’air et à faire redescendre les taux d’intérêt, sans aucun doute».

«Le fait que les rachats de dette puissent être ‘illimités’ est central pour convaincre les marchés de la détermination de la BCE, poursuit le quotidien romand. Même si ce coup de pouce était devenu inévitable, le problème central de l’endettement excessif des Etats n’est pas encore résolu. Maintenant qu’ils disposent d’un stabilisateur de taux, les gouvernements n’ont plus d’excuse».

Peste ou choléra

«Il n’y avait le choix qu’entre la peste et le choléra, et Mario Draghi a choisi le choléra. Mais il a dit clairement que faute de nouvelles mesure, la peste menaçait», image le Bund. Et la peste, ce serait l’effondrement de la zone euro, que le patron de la BCE veut absolument éviter.

«Pour l’instant, la décision de la BCE semble juste, mais la question de savoir comment on la jugera à terme reste ouverte, poursuit le quotidien bernois. Aujourd’hui, il s’agit de la survie à court terme de la zone euro. Et plus loin, il n’y a pas d’autre certitude que celle énoncée par l’économiste britannique John Maynard Keynes: ‘à long terme, nous serons tous morts’».

Pour le Tages-Anzeiger, la BCE avance certes sur un fil tendu «au-dessus de l’abîme», mais «le fait est qu’aucune autre proposition n’était réalisable dans un délai prévisible et les politiciens ne trouvaient pas de solution».

Et comme le rappelle le quotidien zurichois, «le temps presse. Dicter au sud de l’Europe des conditions qui vont imposer de gros sacrifices à de vastes pans de la population et en même temps détruire ces efforts en imposant des taux d’intérêts prohibitifs, cela ne pouvait pas durer».

Bon pour la Suisse

La Basler Zeitung, quant à elle, rappelle que ces décisions de la BCE tombent une année pile après que la Banque nationale suisse a décidé de fixer un taux plancher à 1 franc 20 pour un euro, «et ainsi, de transférer, du moins temporairement, le contrôle du cours des changes et du développement de la masse monétaire à la BCE».

Dans ce sens, les mesures annoncées hier à Francfort «concernent directement notre pays, note le quotidien bâlois. Et il faut constater avec satisfaction que les acteurs des marchés financiers semblent croire au projet de Mario Draghi. C’est bon pour le franc, et bon pour la Suisse. Même si Draghi ne sait probablement même pas que tout le pays lui tient les pouces».

La Banque centrale européenne (BCE) a décidé de frapper fort face à ceux qui doutent de la viabilité de la zone euro et de la monnaie unique. Jeudi, elle a annoncé un programme illimité de rachat de dette des pays les plus fragiles comme l’Espagne ou l’Italie. Ce nouveau programme, soumis à condition, prendra la suite de celui lancé en mai 2010 lors de la première crise grecque, qui s’était montré incapable d’éviter l’aggravation de la crise de la dette, car limité en temps et en montant.

Le nouveau programme sera enclenché à la condition stricte que les Etats qui souhaitent en bénéficier aient auparavant fait appel à l’aide des fonds de secours européens, le FESF, provisoire, et le MES, son futur successeur. En clair, il faudra qu’un pays comme l’Espagne, très réticent jusqu’à présent, réclame officiellement cette aide avant qu’elle ne puisse être mise en œuvre.

Les places boursières, qui craignaient que la BCE tergiverse après avoir promis cet été une action d’envergure, ont salué ces annonces. Toutes ont clôturé en forte hausse.

Quant à la banque centrale allemande, elle a confirmé son opposition au rachat de dette publique, qu’elle assimile à une manière détournée de financer les déficits publics, ce qui est interdit à la BCE. Le nouveau programme a été voté à l’unanimité du conseil des gouverneurs de la BCE moins une voix. Il doit donc s’agir de celle de Jens Weidmann, président de la Bundesbank.

(source: ats)

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