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«Carsten Schloter était un visionnaire»

Carsten Schloter avait repris la tête de Swisscom en janvier 2006. Ex-press

Choc, consternation, perplexité, tristesse, embarras: la presse nationale se fait l’écho de l’onde de choc causée par la disparition tragique du patron de Swisscom, mardi à son domicile fribourgeois. Tous saluent un grand patron et certains rappellent que le charisme peut cacher une certaine vulnérabilité.

«Il s’est pendu. Carsten Schloter s’est suicidé». Ces titres tout en finesse du Matin traduisent le choc provoqué par la nouvelle. L’autre journal de boulevard suisse, le Blick, pose en «une» cette question en caractère géant que tout le monde se pose implicitement: «Warum? (Pourquoi?)»

24 Heures /La Tribune de Genève répond à la question avec une autre interrogation: «Trop de stress?». Et d’évoquer un «patron survolté et proche» incarnant «le passage entre deux âges» qui, à côté de son entreprise, multipliait les activités sportives d’endurance, comme le vélo ou la randonnée de haute montagne», en rappelant la participation du patron de Swisscom à la Patrouille des Glaciers en 2012.

Failles?

Le Tages Anzeiger tente d’expliquer «les conséquences que cela peut avoir si la réputation professionnelle devient la mesure de toutes choses». Interrogé par le journal zurichois, le conseiller Reinhard Sprenger explique que «les chefs de grandes entreprises sont observés en permanence, par les employés, la clientèle et la concurrence ainsi que par une presse hystérique. Ainsi, ils se soumettent à une autodiscipline permanente, au point qu’ils n’arrivent plus à se détendre dans les moments où ils ne sont pas sous les projecteurs. Et c’est alors qu’on devient vulnérable.»

Ces failles sont perceptibles, dans le rétroviseur des récentes interviews du directeur général de Swisscom. Exemple dans la Schweiz am Sonntag du 19 mai: «On arrive à un jour à un point où le sentiment vous prend que vous ne faites que courir d’une obligation à une autre. Cela vous serre à la gorge.»

Autre exemple à la Télévision alémanique en juin 2012: «J’ai trois jeunes enfants et je vis séparé. Je les vois tous les quinze jours et je me sens toujours coupable. Je pense, ici, que j’ai fait quelque chose qui n’est pas juste.»

Louanges unanimes

Revenant aux qualité d’entrepreneur de l’Allemand, Le Temps, la St-Galler Tagblatt ou La Liberté évoquent un «visionnaire». «Au sein de son entreprise, où l’intérim sera assuré par son suppléant Urs Schaeppi, la mort du charismatique directeur général a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Rien ne laissait présager une fin aussi abrupte. Au début de ce mois, Carsten Schloter avait encore accordé des interviews, laissant à chaque fois l’impression d’un homme énergique et généreux de sa personne», écrit La Liberté.

«Des yeux bleus magnétiques, une légère pointe d’accent allemand dans un français d’une clarté et d’une élégance rares, Carsten Schloter aura incarné durant huit ans Swisscom et tous les défis liés au développement des télécommunications en Suisse», commente encore 24 Heures /La Tribune de Genève.

Le Temps rappelle pour sa part que Carsten Schloter était déjà un des hommes forts de la société dès 2001, lorsqu’il prend la tête de la division mobile de Swisscom. «A première vue, l’opérateur évolue peu sous son règne. Mais, derrière les chiffres, Swisscom mue à grande vitesse. Le directeur le pressent rapidement: pour compenser des activités en perdition, il lui faut investir de nouveaux marchés. L’opérateur voit certains tarifs s’effondrer: depuis 2007, le prix de la minute en téléphonie mobile chute de 48%, celui des données mobiles de 98%.»

Le quotidien romand rappelle aussi que «neuf mois après ses débuts comme directeur, Carsten Schloter lance son offre de télévision, contre laquelle les câblo-opérateurs ne cessent, depuis, de perdre des parts de marché. Ensuite, (il) a réussi à faire migrer ses clients vers des offres combinées. Les packs mêlant Internet, télévision, téléphonie mobile et fixe sont des succès.»

Carsten Schloter est né le 7 décembre 1963 à Erlenbach, non loin de Francfort-sur-le-Main. Il a étudié à Paris, où il a passé une grande partie de sa jeunesse.

Il entame sa carrière professionnelle chez le constructeur automobile Mercedes-Benz en 1992.

Il se tourne ensuite vers le secteur des télécommunications en rejoignant l’opérateur allemand Debitel, une ex-filiale de Swisscom. Il y remplit diverses fonctions dirigeantes en Allemagne et en France avant de rejoindre Swisscom en 2000.

Cet économiste d’entreprise et informaticien de formation succède début 2006 à Jens Alder, parti de son plein gré après le désaveu du Conseil fédéral pour sa politique d’expansion internationale, à la tête du plus grand opérateur de Suisse.

Sous sa direction, Swisscom rachète en 2007 l’entreprise italienne Fastweb pour pas moins de 4,6 milliards d’euros, soit 7,6 milliards de francs à l’époque.

Grand sportif, amateur de randonnées en montagne et de vélo, Carsten Schloter a participé plusieurs fois à la patrouille des glaciers. Séparé, il était le père de trois enfants.

«Nouvel univers»

Louange aussi dans la Neue Zürcher Zeitung: «Grâce à Schloter la Suisse s’est trouvée dans cette situation grotesque qui faisait que les deux petits concurrents Orange et Sunrise, censés attaquer le numéro un de la branche avec de nouvelles idées, devaient en fait suivre le rythme de Swisscom.» Mais Schloter a toujours exploré de nouveaux horizons: «Sans lui, le nouveau modèle de prix introduit l’année dernière, où le facteur de limitation repose non plus sur le volume de données, mais sur la rapidité, aurait été impensable. En franchissant ce pas, Swisscom entrait dans un nouvel univers.»

Pour la Basler Zeitung, Carsten Schloter a surtout «reconnu les signes des temps» avant beaucoup d’autres, «plus vite que beaucoup d’entreprises en Europe, en réagissant à l’augmentation très rapide des volumes de données et au besoin grandissant de la communication mobile.»

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