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«L’Autriche est le parent le plus proche de la Suisse»

Velor-Rennfahrer überqueren auf einer Brücke die Grenze Österreich-Schweiz.
Peu de Suisses semblent s'intéresser aux élections législatives qui ont lieu ce dimanche en Autriche. Keystone / Eddy Risch

Rarement des élections législatives avaient fait autant de vagues en Autriche. Mais en Suisse, personne ne semble tellement s’en soucier. Un manque d’intérêt que ne comprend pas Ursula Plassnik, ambassadrice d’Autriche en Suisse. Entretien.

Les élections autrichiennes agendées ce dimanche 15 octobre ne passionnent guère les médias helvétiques. Et dans les quelques rares comptes-rendus publiés à ce sujet, on aborde principalement la lutte sans merci que se livrent les deux partis traditionnels – le SPÖ et l’ÖVP – ainsi que le présumé passé néo-nazi du leader du FPÖ, le parti d’extrême-droite autrichien.

swissinfo.ch: Ceux qui souhaitent se faire une opinion à propos des élections autrichiennes en lisant la presse suisse pourraient avoir l’impression que notre voisin est passé d’un Etat démocratique modèle à une république bananière. La politique autrichienne se porte-t-elle vraiment si mal?

Ursula Plassnik: On ne peut pas parler de république bananière. Mais il est vrai que nous vivons une campagne intense. Ces élections produiront certainement des changements en politique intérieure. Les Autrichiens sont très intéressés par les élections législatives de ce dimanche.

swissinfo.ch: Pourquoi la Suisse devrait-elle se préoccuper des élections autrichiennes?

U.P.: La Suisse n’a pas de parent plus proche que l’Autriche au sein de l’Union européenne (UE). Nous sommes liés par une longue histoire. Beaucoup de Suisses travaillent en Autriche et vice-versa. Ils contribuent au succès de nos pays respectifs. Nos relations économiques sont très étroites. Nous entretenons une relation de confiance très forte. C’est pourquoi nous sommes concernés par ce qui se passe chez notre voisin. 

Ursula Plassnik
Ursula Plassnik occupe pour la deuxième fois déjà le poste d’ambassadrice d’Autriche en Suisse: de 1984 à 1986 et depuis 2016. Jusqu’à l’année dernière, cette diplomate expérimentée était ambassadrice en France. Entrée dans la diplomatie autrichienne en 1980, elle a dirigé durant des années le cabinet de l’ancien chancelier fédéral Wolfgang Schüssel (ÖVP). De 2004 à 2008, elle a été ministre des Affaires étrangères. De 2008 à 2011, elle a siégé à la Chambre basse du Parlement autrichien sous les couleurs du parti chrétien conservateur. epa / Justin Lane

swissinfo.ch: Les nationalistes de droite gagnent du terrain en Autriche. Le Parti de la liberté autrichien (FPÖ) se situe à peu près au même niveau d’intentions de vote que les sociaux-démocrates du SPÖ, juste derrière les chrétiens conservateurs du Parti populaire autrichien (ÖVP). Dans quelle mesure la comparaison avec l’UDC est-elle pertinente?

U.P.: La comparaison avec l’UDC ne mène pas très loin. Au sein du FPÖ, personne ne songe à remettre en cause l’adhésion de l’Autriche à l’UE. Il n’y a actuellement aucune force politique dans notre pays qui exige une sortie de l’Euro ou de l’UE.

swissinfo.ch: On ne peut donc pas gagner des voix en Autriche en défendant une politique hostile à l’Union européenne?

U.P.: Les Autrichiens se montrent critiques envers toutes sortes de choses qui ont trait à l’UE, et c’est une bonne chose. Mais cela ne signifie de loin pas qu’ils veulent quitter l’UE. Surtout après le Brexit.

swissinfo.ch: Pourquoi l’«Öxit» n’est-il pas un thème de campagne?

U.P.: On le doit en partie aux enseignements tirés de la participation du FPÖ à la coalition gouvernementale entre 2000 et 2007. Au cours de cette période, le FPÖ a compris que la majorité des Autrichiens ne soutenait pas un positionnement extrêmement critique envers l’Europe.

swissinfo.ch: En Autriche, on peut en revanche espérer convaincre une bonne partie de l’opinion publique en prônant une politique migratoire très restrictive. Le ministre des Affaires étrangères Sebastian Kurz (ÖVP) se trouve-t-il ainsi dans une bonne posture pour espérer devenir le prochain chancelier fédéral?

U.P.: Il faudrait se montrer plus précis. En 2015, l’Autriche a vécu un événement qui n’a pas été perçu dans toute sa dimension en Suisse. Dans un court laps de temps, nous avons été confrontés à une vague migratoire et de réfugiés importante, avec près de 100’000 nouvelles demandes d’asile. Pour un pays de la taille de l’Autriche, c’est un chiffre très important. Il est évident que cela a soulevé des questions. C’est la raison pour laquelle ce thème a joué le plus grand rôle dans la campagne électorale. Si vous regardez les positions des trois plus grands partis à ce sujet, vous verrez à quel point ils sont proches les uns des autres.

swissinfo.ch: En dehors de sa ligne très dure en matière de politique migratoire, quels sont les autres engagements prioritaires de Sebastian Kurz?

U.P.: Sebastian Kurz apporte une bouffée d’air frais [il a 31 ans seulement] et c’est un politicien très professionnel. Il est ministre des Affaires étrangères depuis quatre ans et a montré qu’il peut suivre une ligne et la mettre en œuvre, par exemple lors de la fermeture de la route des Balkans. Il a également compris comment orienter le thème de l’intégration, largement occupé jusque-là par le FPÖ, vers une voie constructive et comment élaborer et mettre en œuvre des mesures et des solutions tournées vers l’avenir.

swissinfo.ch: Cette semaine, les quotidiens suisses ‘Tages-Anzeiger’ et ‘Der Bund’ ont fait état du passé néo-nazi présumé du chef du FPÖ Heinz-Christian Strache. Cette information est-elle correcte?

U.P.: L’Autriche a les lois les plus strictes à l’égard des nazis et des néo-nazis. Des spéculations surgissent à intervalles réguliers quant à la nature du FPÖ. Je m’en réfère à un rapport international datant de l’an 2000. A l’époque, les Etats membres de l’UE avaient pris des sanctions à l’égard de l’Autriche car notre pays avait formé un gouvernement composé des chrétiens conservateurs et de représentants du Parti de la liberté. Dans ce contexte, le Parti de la liberté a fait l’objet d’un examen très critique. Le rapport avait conclu que le FPÖ était un parti populiste de droite, mais pas un parti néonazi. Par ailleurs, le FPÖ a participé jusqu’à présent à deux reprises à des gouvernements fédéraux, de 1983 à 1986 avec le SPÖ, et de 2000 à 2006 avec l’ÖVP.

swissinfo.ch: Selon les prévisions, le SPÖ risque de perdre de nombreuses voix. Cela mettrait fin à la coalition avec l’ÖVP, vieille de plusieurs décennies. Pouvez-vous imaginer une alliance entre l’ÖVP et le FPÖ?

U.P.: La ‘grande coalition’ a une longue tradition en Autriche, elle est la règle depuis 1945. En fonction du résultat des élections, une coalition entre le Parti populaire autrichien et le FPÖ est possible. Les sociaux-démocrates se sont préparés à ce cas de figure. Ils ont établi leurs principes et leurs valeurs afin d’être disponibles pour les négociations de coalition.

swissinfo.ch: Le chancelier Christian Kern (SPÖ) doit craindre pour sa réélection. Lorsqu’il est entré en fonction il y a quelques mois, il était encore considéré comme une source d’espoir pour un nouveau départ. Qu’auraient attendu ses partisans de lui au cours de cette campagne?

U.P.: Christian Kern vient de l’économie et il a promis des changements, y compris dans la manière de faire de la politique. Il a proposé un ‘New Deal’ et a donc fait naître l’espoir d’une force de réforme qui pourrait faire du bien à l’Autriche. Le verdict des urnes dira si ses électeurs ont été convaincus ou non par son action.

swissinfo.ch: Votre pays se porte très bien sur le plan économique. Ne faut-il pas mettre cela au crédit de la politique menée par le chancelier actuel?

U.P.: L’Autriche s’est mieux remise de la crise de 2009 que d’autres pays et se trouve sur une bonne voie. C’est dans une certaine mesure l’œuvre de la politique. Mais beaucoup d’Autrichiennes et d’Autrichiens n’attribuent pas cela à la politique du gouvernement fédéral ou du chancelier, mais plutôt au développement économique mondial et à la compétence des entreprises autrichiennes.

Traduit de l’allemand par Samuel Jaberg

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