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Face à la crise, Nestlé n’est pas chocolat

Reuters

La multinationale, qui inaugure lundi matin en Gruyère son nouveau Centre d'excellence du chocolat, s'en sort plutôt bien malgré la récession économique. Et pas seulement grâce aux sucreries.

Le chocolat, chez Nestlé, c’est une affaire qui marche. Avec la confiserie, il pèse 11,3% du chiffre d’affaires. Il est moins rentable que les boissons, mais autant que les produits laitiers frais.

«La marque Nestlé est intrinsèquement liée à cette activité, note d’ailleurs René Weber, analyste à la banque Vontobel. C’est pourquoi je ne crois pas aux rumeurs qui verraient le groupe vendre».

Cette hypothèse, qui laisse l’analyste de marbre, résulte du mouvement de consolidation intervenu ces dernières années dans la confiserie. Avec les fusions Cadbury-Adams et Mars-Wrigley, la multinationale suisse se retrouve nez à nez avec deux géants plus forts qu’elle sur le plan de la distribution des sucreries.

Pour sa part, Christophe Laborde constate que le chocolat «est une activité qui ne subit pas le marasme économique». Selon cet analyste à la banque Bordier, l’investissement consenti en Gruyère prend tout son sens en observant la tendance actuelle du secteur. Les chocolatiers cherchent à maîtriser l’ensemble de la chaîne de production, de la RetD au produit final, en passant par la matière première.

Cette stratégie revient à maîtriser la chaîne de coûts et les marges, influencées par les fournisseurs, les fabricants et les sous-traitants. «Cela permet aux chocolatiers de lisser quelque peu la fluctuation de la matière de base – le cacao – dont les prix restent d’ailleurs à des niveaux historiquement très élevés», précise Christophe Laborde.

Investissements massifs

Patrie du chocolat, la Suisse peut s’en réjouir. D’autant que la transnationale lui reste fidèle, avec des investissements massifs ces derniers temps. 300 millions de francs pour une nouvelle usine Nespresso à Avenches, par exemple.

Au début de l’été, le magazine L’Hebdo a fait la calcul: Nestlé a investi 2,5 milliards de francs et créé 2300 nouveaux emplois en Suisse (plus de 9000 au total) ces dix dernières années. Le cinquième de l’investissement en recherche est canalisé sur la Suisse, qui ne pèse guère que 2% du marché du groupe.

«Pour des produits à forte valeur ajoutée comme Nespresso et pour les activités de RetD, la Suisse est une bonne localisation, explique René Weber. Notamment pour sa qualité de vie et ses conditions de travail, qui permettent d’attirer de bons professionnels.»

Ce penchant suisse ne doit pas cacher une autre vérité: Nestlé est un groupe global, autant par l’origine de ses propriétaires que par ses marchés. Cette diversité géographique l’a rendu moins sensible à la crise actuelle, estime René Weber. La croissance en Asie a pu compenser la décrue en Espagne, par exemple. Malgré tout, ventes et bénéfice ont légèrement régressé sur les six premiers mois de l’année. Et la cible de croissance a été revue à la baisse.

La qualité des marques

La résistance du groupe à la crise a d’autres explications. La solidité traditionnelle de son secteur d’activité en temps de récession et la qualité de ses marques, bien positionnées sur les marchés en font partie. Tout comme les efforts de réduction des coûts et la stratégie de croissance longue (concentration sur les métiers de base, recherche de gains de productivité à l’intérieur du groupe). La baisse du prix du lait a également bien aidé Nestlé.

«Une entreprise n’est pas obligée de répercuter totalement cette baisse des coûts sur le client final, détaille Christophe Laborde. Elle peut conserver des prix relativement corrects, en maintenant un rentabilité intéressante, et réutiliser la manne restante pour stimuler ses ventes avec des activités de promotion accrues.» Ce qu’a entrepris Nestlé.

Reste qu’avec la crise, la baisse du niveau général des prix est de nature à peser sur la rentabilité du groupe ces prochains mois, craint l’analyste, qui voit toutefois chiffre d’affaires et marges croître sur l’année. Plus fondamentalement, la taille du groupe rend toujours plus difficile de trouver des relais de croissance.

René Weber estime que la dynamique des pays en développement et la croissance de la population mondiale suffiront amplement à Nestlé. «Difficile de trouver un point faible à ce groupe», lance-t-il.

Le suspense autour d’Alcon

Christophe Laborde est plus dubitatif. «On est à un tel niveau de gigantisme que le potentiel de croissance forte n’est pas forcément là. Ce n’est pas en rachetant une petite division d’un concurrent sur un segment particulier que Nestlé pourra doper sa croissance.»

Un élément particulier fait dire à Christophe Laborde que Nestlé se trouve à la croisée des chemins. Le groupe a déjà vendu à Novartis le tiers de sa participation dans le spécialiste de l’ophtalmologie Alcon.

Avec la cession des 52% restants en 2010-2011, Nestlé se privera d’une source importante de rentabilité (la marge d’Alcon avoisine le 34%, celle de Nestlé 14%). Ceci dit, quelque 25 milliards de francs pourraient tomber dans son escarcelle.

La question est donc: que va faire Nestlé de cette «rentrée de cash monumentale»? Réduire sa dette et relancer un nouveau programme massif de rachat d’actions pour rendre aux actionnaire le fruit de la vente? Acquérir une entité qui permettrait de relancer la croissance du groupe et de ses marges? Suspense.

Pierre-François Besson, swissinfo.ch

Naissance Fondée en 1866 à Vevey, la compagnie est aujourd’hui active dans 130 pays. Elle fait partie de 30 plus grosses entreprises du monde.

Produits Nestlé fabrique environ 10’000 produits différents et emploie quelque 280’000 personnes. Chaque jour, plus d’un milliard d’articles portant les différentes marques du groupe Nestlé sont vendus dans le monde.

Secteurs Le groupe est actif dans l’alimentation et les boissons, dont l’eau et les produits pour animaux de compagnie, la nutrition et les produits pharmaceutiques.

Sur les six premiers mois, Nestlé a vu ses ventes baisser de 1,5% et atteindre 52,3 milliards de francs.

Elles ont baissé en Europe et en Asie, Océanie, Afrique et augmenté dans les Amériques.

Le bénéfice du groupe a régressé de 1,9% à 5,1 milliards de francs.

Nestlé explique ces résultat par la force du franc suisse et par des acquisitions.

Le groupe a enregistré une croissance organique de 3,5% et s’attend à une accélération de celle-ci en deuxième partie d’année.

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