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Pressions sur la Banque centrale suisse

Philipp Hildebrand en juin 2012 Keystone

L’onde de choc provoquée par la démission en janvier de Philipp Hildebrand de la présidence de la Banque nationale suisse (BNS), s’est apaisée. La politique monétaire de l'institut continue toutefois d'être dans le collimateur de la politique et des groupes de pression.

Lorsque la BNS a fixé il y a un an le taux plancher d’un franc vingt pour un euro, la mesure stratégique a suscité  un concert de critiques et de scepticisme. Les politiciens de droite, emmenés par l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste) ont estimé que ce pari était trop risqué après les pertes subies lors d’interventions  précédentes de la BNS.

De leur côté, la gauche et les syndicats ont accusé la BNS d’être trop prudente avec un tel taux, tandis que  certains économistes,  opérateurs financiers ou journalistes avertissaient que l’ancrage de la monnaie pourrait mal tourner, si l’euro chutait davantage, qu’il pourrait entraîner une inflation galopante et une bulle immobilière.

Les critiques ont ensuite redoublé quand Philipp Hildebrand et son épouse se sont retrouvés accusés de tirer profits des interventions de la BNS dans leurs transactions privées de devises. Une affaire lancée par le parlementaire UDC Christoph Blocher qui a poussé Philipp Hildebrand à démissionner.

Vu les retombées politiques, tous les partis ont souligné leur soutien à l’indépendance de la banque centrale suisse. Mais la pression politique sur la BNS n’est pas tombée pour autant.

Politique monétaire contestée

Aucune banque centrale ne fonctionne dans un vide politique, alors que ses décisions ont tant d’impact sur la population, selon Charles Wyplosz, professeur d’économie internationale à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève.

«La BNS devra faire face à des problèmes de gestion, vu son énorme portefeuille de réserves de devises étrangères, souligne le spécialiste, interrogé par swissinfo.ch. Il y aura inévitablement des pressions politiques face aux risques engendrés par la politique du taux fixe pour le franc suisse.»

En mars, le parlement a rejeté les propositions de l’UDC pour restreindre les opérations de change de la banque centrale et lui imposer un niveau minimum d’actifs pour couvrir le passif.

Porte-parole de l’UDC pour les  affaires financières,  Hans Kaufmann est préoccupé que la BNS interviennent aussi massivement dans une seule monnaie et mette ainsi tous ses œufs dans le même panier.

«Cette stratégie est en effet une intervention dans la politique monétaire de l’Union européenne, déclare-t-il  à swissinfo.ch. Comment la BNS vendra ces montants, sans influencer l’infrastructure de la zone euro?»

Hans Kaufmann a calculé que la banque centrale suisse détient désormais près de 10% de la dette publique allemande, qui risque de perdre de sa valeur si les agences de notation dégradent la note de la plus grande économie de l’Europe.

«Plutôt qu’une politique restrictive d’intervention dans des obligations d’État, nous préconisons la création d’un fonds distinct dont le mandat est de prendre des positions stratégiques dans certains secteurs, comme les télécommunications ou dans les matières premières. Ce n’est pas une intervention en matière de politique monétaire, mais une intervention dans la politique d’investissement.»

Tordre le bras de la BNS

De leur côté, les socialistes ont été accusés d’avoir tenté de tordre le bras de la BNS en plaidant pour un taux de 1 franc 40 pour un euro. Un taux également réclamé par les entreprises exportatrices, les syndicats et l’industrie du tourisme.

La parlementaire socialiste Susanne Leutenegger-Oberholzer a appelé cet été la BNS à fixer des taux d’intérêt négatifs et des contrôles de capitaux pour amortir l’afflux des investisseurs étrangers plaçant leurs avoirs en Suisse. Elle a également exigé que les banques suisses cessent d’accorder des prêts hypothécaires à des étrangers, si la pression sur le franc s’intensifie.

La BNS ne fait pas seulement face à la pression des partis politiques. Plusieurs puissants groupes de pression représentant les différents groupes industriels, le tourisme, les petites et moyennes entreprises (PME), les fonds de pension, les cantons et le secteur financier ont les moyens de faire entendre leur voix.

Swissmem, le syndicat des entreprises des machines, des équipements électriques et des métaux, a rejoint à plusieurs reprises des appels des syndicats et des socialistes à relever le taux plancher du franc pour aider les exportateurs.

En juin, Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’Union suisse des arts et métiers (USAM), qui représente de nombreuses PME – a critiqué la stratégie de la BNS, bien que l’association ait rapidement pris ses distances avec les commentaires de son responsable.

La BNS s’est également fait quelques ennemis dans le secteur financier après avoir soutenu de nouveaux règlements sévères pour les banques d’investissement au cours des dernières années. La banque centrale a récemment acquis de nouveaux pouvoirs pour limiter le crédit hypothécaire – l’un des rares domaines en plein essor pour les banques.

Bref, la banque centrale suisse n’est pas prête de retrouver sa tranquillité passée. Et ce même si economiesuisse – la principale association des entreprises suisses – soutient l’ensemble de la politique menée par la banque centrale helvétique.

La Banque nationale suisse (BNS)  a été instituée par une loi entrée en vigueur le 16 janvier 1906.

L’institut d’émission a commencé son activité le 20 juin 1907.

La Banque nationale est une société anonyme.

Elle est administrée avec le concours et sous le contrôle de la Confédération.

Les actions, nominatives, sont cotées en bourse.

Du capital social de 25 millions de francs, 55% environ sont détenus par les cantons, les banques cantonales et d’autres collectivités et établissements de droit public.

Le solde est pour l’essentiel en mains de particuliers. La Confédération ne possède aucune action.

Source : BNS

(Traduction: Frédéric Burnand)

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