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L’aéroport de Genève, un chantier anticrise

La «success story, c'est le modèle genevois», juge le ministre des transports Moritz Leuenberger. Keystone

Après avoir modernisé et agrandi sa principale aérogare, l'aéroport de Genève va démarrer la construction d'un nouveau terminal long-courrier. Une stratégie gagnante, malgré la crise.

C’est en caressant les autorités genevoises dans le sens du poil que le ministre des transports a inauguré ce lundi l’aérogare modernisée de l’aéroport de Genève-Cointrin.

Moritz Leuenberger n’a en effet pas manqué de rappelé la malencontreuse décision de l’ancienne compagnie aérienne suisse de supprimer en 1996 tous ses vols long-courriers depuis Genève.

«Swissair a privilégié la recherche du profit à court terme. Elle a donc laissé tomber Genève. La suite, nous la connaissons. Cointrin a su rebondir, sans faire de bruit, sans laisser croire que Genève était Unique (allusion à l’appellation que s’est donnée l’aéroport de Zurich, avant d’y renoncer cette année, NDLR). La “success story” c’est le modèle genevois», a félicité le Zurichois.

Une mise en concurrence des deux aéroports que Robert Deillon se refuse d’endosser. «Les difficultés que rencontre l’aéroport de Zurich n’ont rien à voir avec l’aéroport lui-même. Elles tiennent essentiellement aux approches de ses avions au dessus de l’Allemagne. La croissance de l’aéroport zurichois est très bonne ces dernières années et n’a connu qu’une baisse de 2% cette année», assure le directeur de l’aéroport de Genève-Cointrin.

Et Robert Deillon de marteler: «C’est très important pour la Suisse d’avoir ces deux plateformes très performantes.»

Stratégies différentes

Reste que les deux aéroports ont choisi des stratégies différentes que commente Pierre Condom, expert indépendant de l’aéronautique.

«Le trafic aérien se développe dans deux directions. Les très grandes métropoles développent leur aéroport autour de leur réseau de correspondance. Les métropoles de taille moyenne comme Genève ouvrent des lignes directes en court-circuitant les hubs aéroportuaires», relève le spécialiste.

Avant d’expliquer: «Zurich – comme les autres aéroports qui ont choisi d’être une plateforme de correspondance (hub) – doit bénéficier de la présence d’une grande compagnie qui développe ce réseau de correspondances. Swissair ayant disparu, on voit mal aujourd’hui Lufthansa (qui a racheté la compagnie Swiss, ndlr) développer Zurich.»

Une fragilité que n’a pas l’aéroport de Genève. «L’option genevoise, elle, est sans grand risque, puisqu’elle consiste à dimensionner l’aéroport en fonction du trafic réel généré par l’économie de sa région, le trafic de correspondance restant très minoritaire», explique Pierre Condom.

De chantier en chantier

Raison pour laquelle l’aéroport international de Genève est en pleine transformation, tout en assurant son offre. La modernisation de l’aérogare principale de l’aéroport – inaugurée ce lundi après 3 ans de travaux – a permis d’augmenter la surface de l’aéroport de 40%.

Les passagers ont désormais plus d’espace et devront moins attendre à l’enregistrement, selon la direction de l’aéroport. La boutique hors taxe a doublé de volume et le nombre de commerces et de restaurants a aussi fortement augmenté.

«Avec cet agrandissement, nous avons rattrapé une partie de notre retard. Depuis 2006, la croissance a été beaucoup plus importante que prévue», commente Robert Deillon.

Combler le retard

Mais l’aéroport ne compte pas en rester là. «Nous allons entreprendre des travaux très importants l’année prochaine qui nous permettront probablement de combler totalement ce retard et de prendre même un peu d’avance», précise le patron de Cointrin.

Dès le début de l’année prochaine, l’aéroport genevois va entamer la construction d’un nouveau terminal de 850 mètre de long – le plus gros chantier de toute l’histoire de l’aéroport, selon François Longchamp, président du conseil d’administration de l’aéroport.

Et le conseiller d’Etat de souligner: «Si Genève et la région lémanique est aujourd’hui prospère, c’est précisément parce que d’autres avant nous ont décidé de construire un aéroport international. Nous continuons aujourd’hui de le développer pour maintenir cette prospérité.»

Le nouveau bâtiment servira à l’accueil des avions long-courriers, un secteur que Cointrin veut développer. Actuellement, seule l’Amérique du Nord est desservie au départ de Genève (4x par jour). L’aéroport genevois cherche donc à élargir cette offre avec des destinations asiatiques.

Une politique d’entreprise rendue possible par l’évolution de la technologie aérienne.

«L’offre long-courriers va de plus en plus se développer. Avec les avions qui vont arriver sur le marché, comme le Dreamliner chez Boeing ou l’Airbus A350, et déjà avec l’Airbus A330, il devient possible de rentabiliser des lignes avec moins de passagers», relève Pierre Condom.

Pas d’alternative à l’avion

Reste à savoir si ces lourds investissements seront payés de retour. Pierre Condom en est sûr, convaincu que le trafic aérien va poursuivre sa croissance.

«Le transport aérien est sans alternative sur les longues distances. Aucun autre moyen de transport est capable – en consommant 3,5 litres de kérosène au 100 km par passager – de transporter des gens sur les distances et à la vitesse qu’offre le transport aérien», assure l’expert.

Et Pierre Condom de conclure: «Un aéroport, c’est une autoroute de 3 km qui va n’importe où dans le monde, en fonction des flux du moment. Certaines liaisons peuvent disparaitre ou être redimensionnées, l’aéroport reste.»

Frédéric Burnand, Genève, swissinfo.ch

Economie Son chiffre d’affaires annuel est de 281 millions de francs suisses généré à plus de 50% par les activités non aéronautiques.

Mouvement Son unique piste en béton est de 3’900 mètres avec une capacité horaire de 38 mouvements d’avions et une piste gazon de 700 m.

Passagers Son terminal principal a une capacité de traitement de 12-15 millions de passagers par an à terme. Les prévisions de croissance du trafic passagers est de 14,5 millions d’ici 2020.

Trafic En 2008, son trafic annuel était de 11,4 millions de passagers, 190’000 mouvements et 45’000 tonnes de marchandises.

Destinations Son réseau aérien en vols directs dessert une centaine de destinations (dont des liaisons fréquentes vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord et l’Asie).

Compagnie Une cinquantaine de compagnies de ligne opére plus de 1’000 départs par semaine et une centaine de compagnies charters.

Habitants La zone de chalandise est à cheval sur trois pays (Suisse, France et Italie) et dotée d’une population de 6 millions d’habitants vivant à moins de 120 minutes de l’Aéroport.

Aéroport urbain Cointrin est à 5 km du centre-ville de Genève.

Source: aéroport de Genève

Le 29 novembre prochain, les Suisses sont appelés à voter sur une révision de la constitution prévoyant une redistribution des quelque 60 millions de francs que rapporte la taxe sur le kérosène.

Selon les partisans, l’attribution du produit de la taxe sur le kérosène au transport aérien assurera davantage de sécurité, réduira le bruit et renforcera les aéroports régionaux.

Parmi les opposants, les Verts refusent de continuer à subventionner un trafic aérien dommageable pour l’environnement. Dès lors qu’on prélève un impôt sur le kérosène, autant que son revenu serve à couvrir pleinement les coûts environnementaux du trafic aérien selon le principe du pollueur-payeur, juge le parti.

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