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L’UE n’est pas prête à «débrancher» la Suisse

La présidente de la Commission européenne, Ursula van der Leyen, devrait faire preuve d'ouverture et de pragmatisme lors de sa rencontre de vendredi avec le président de la Confédération, Guy Parmelin. Nicolas Landemard/le Pictorium

Deux jours avant le sommet tant attendu de Bruxelles, l'Union européenne semble prête à sauver l'accord-cadre institutionnel avec la Suisse. La Commission européenne est disposée à faire des concessions substantielles sur trois points litigieux. C'est ce que montrent des documents que SWI swissinfo.ch a pu consulter en exclusivité.

Stop ou encore? Voilà, concentré en trois mots, l’énorme enjeu de la rencontre, vendredi 23 avril en milieu de matinée à Bruxelles, entre le président de la Confédération Guy Parmelin, et son homologue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Une rencontre attendue depuis la conclusion des négociations, en 2018, sur un accord-cadre institutionnel visant à apporter de la clarté dans l’écheveau des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne. Pour rappel, les premières discussions sur un accord-cadre remontent à… 2005. Vendredi, la Commission européenne attend de Guy Parmelin qu’il dise si l’accord deviendra un jour réalité, ou s’il doit entrer au musée des projets européens non-aboutis de la Confédération.

Car depuis 2018, le Conseil Fédéral hésite. La grande consultation qu’il a lancée en Suisse a eu pour effet de faire émerger une forte opposition politique et dans les syndicats. Les milieux économiques sont partagés. Mercredi 21 avril, les sept sages se réunissaient une nouvelle fois, en quête d’une stratégie. A deux jours à peine de la rencontre au sommet.

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L’UE prête à des concessions

L’Europe, elle, a fait ses devoirs. SWI swissinfo.ch s’est procuré plusieurs documents qui permettent de connaître les positions qu’adoptera Ursula von der Leyen face à Guy Parmelin.

Au terme d’une demi-douzaine de rencontres à Bruxelles ou par visioconférence ces derniers mois avec la négociatrice suisse Livia Leu, la Commission estime avoir fait des propositions permettant de répondre aux inquiétudes du Conseil Fédéral sur les trois points litigieux à ses yeux.

Concernant les aides d’État, elle se dit prête à accepter la suppression pure et simple de ce point. Sur les mesures d’accompagnement, Bruxelles entrevoit des possibilités d’accord, et se dit prêt à satisfaire la demande suisse de pouvoir adopter des mesures de protection des salaires.

Sur la directive sur la citoyenneté, la Commission dit avoir donné des assurances à la Suisse. Mais le silence règne à Berne. «Il n’y a aucun engagement de la Suisse. La Commission ne peut pas négocier toute seule», indiquait récemment la Commission aux représentants de l’UE du groupe AELE.

Reprise du droit européen au cœur des enjeux

À Bruxelles, plusieurs sources estiment aussi que l’obstacle majeur à un feu vert définitif à l’accord-cadre réside ailleurs. «C’est la reprise dynamique de l’acquis communautaire et le lien avec la Cour européenne de justice qui posent problème». Mais ça, «ce n’est pas négociable», indique un diplomate d’un Etat-membre.

«C’est la reprise dynamique de l’acquis communautaire et le lien avec la Cour européenne de justice qui posent problème»

Un diplomate européen

Le 16 avril, Stephanie Riso, la directrice adjointe du cabinet d’Ursula von der Leyen et interlocutrice de Livia Leu, a informé en direct les ambassadeurs de l’Union européenne de l’état du dossier bilatéral. «Nous avons fait des propositions, il n’y a aucune concession de la Suisse», indique en substance Stephanie Riso.

L’objectif premier de la rencontre au sommet de vendredi sera donc de voir s’il existe encore une volonté politique en Suisse d’adopter cet accord-cadre moyennant quelques ajustements. Si oui, la réunion entre les présidents pourrait donner un nouvel élan aux négociations.

Revirement européen

Cette ouverture assortie de conditions marque un revirement dans le camp européen. Jusque récemment, la Commission se disait d’accord pour clarifier les points de l’accord-cadre réclamés par Berne, mais refusait toute nouvelle négociation. «L’UE a négocié durant des années de bonne foi avec des gens pas faciles, qui ont demandé des tas de clarifications, au point d’épuiser le processus», lâche un diplomate de haut-rang, qui pointe du doigt la fatigue de l’UE.

La tentation de tout laisser tomber est là. Seulement voilà: d’une part, «c’est dans la nature de l’UE de chercher l’ultime point de passage vers un accord», reprend une bonne source. D’autre part, les pays voisins de la Suisse et ceux qui reçoivent le financement du Fonds de cohésion, sont conscients qu’il y a beaucoup d’intérêts en jeu: «Nous avons tous à gagner à une bonne relation», justifie notre diplomate.

La France et l’Autriche enjoignent donc la Commission à poursuivre sur la voie de la négociation; pour autant, bien sûr, que la Suisse manifeste clairement l’envie d’aboutir. L’Allemagne ne veut pas péjorer les relations futures avec la Suisse. L’Italie demande de réfléchir à un plan B en cas d’échec.

Bref, il y a eu le temps des positions de principe. Voici venu celui de l’ouverture et du pragmatisme.

La balle dans le camp de Guy Parmelin

En fait, trois possibilités se dégagent pour la réunion de vendredi, explique-t-on dans le camp européen: Guy Parmelin convainc de la volonté d’aboutir, ce qui recrée la dynamique perdue pour continuer à négocier à la marge; le président de la Confédération émet une fin de non-recevoir; la situation reste floue.

Dans ces deux derniers cas, dit-on de bonne source, cela implique une érosion lente et inéluctable de la relation bilatérale.

Face au président de la Confédération, Ursula von der Leyen n’aura pas mandat de tirer la prise vendredi, indique-t-on à Bruxelles. Ce sera à Guy Parmelin de choisir de le faire. Bruxelles veut mettre Berne au pied d’un mur sur lequel on pourrait inscrire ce graffiti: Stop? Ou encore?

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