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La Chine double Swiss et rétablit la ligne Zurich-Pékin

Les vols Zurich-Pékin se feront aux couleurs chinoises. etravelblackboardasia.com

Après huit ans d'interruption, la prestigieuse ligne Zurich – Pékin, lancée en 1975 par la défunte Swissair, sera rétablie mardi prochain. Sans tambours ni trompettes. Cette fois c’est la Chine qui l'exploitera. Mais Swiss n’a pas dit son dernier mot.

C’était il y a trois ans, très exactement le 9 mai 2008. La conseillère fédérale Doris Leuthard inaugurait en grande pompe la reprise de la liaison aérienne historique reliant la Suisse à Shanghai. Liaison interrompue en 2001 après la débâcle de Swissair. Et assurée désormais par un vol quotidien Zurich – Shanghai sans escale de la compagnie Swiss.

La réouverture d’une autre ligne mythique, celle qui relie Zurich à Pékin, et qui est fermée depuis 2003, aura elle lieu mardi prochain. Mais la cérémonie sera nettement plus discrète.

La Suisse officielle sera absente. Car la nouvelle ligne (trois vols sans escale par semaine dans les deux sens) sera assurée exclusivement par une société chinoise, la Hainan Airlines.

Un géant encore méconnu

Inconnue en Suisse, Hainan Airlines, 10’000 employés (Swiss en a 7’000) est pourtant en passe de devenir l’une des compagnies aériennes les plus en vue de la planète. Quatrième compagnie aérienne de Chine, elle est la plus grande société aéronautique privée chinoise. Et le géant capitaliste chinois qui en est propriétaire, le groupe HNA, possède plusieurs autres compagnies aériennes, de nombreux aéroports, des chaînes d’hôtels et des entreprises touristiques.

Créée en 1993, Hainan Airlines a en outre reçu cette année l’une des distinctions les plus recherchées de l’industrie aéronautique mondiale, le certificat “Skytrax 5 Star Airline”, qui n’a jusqu’ici été décerné qu’à 7 compagnies. Pourtant très honorablement taxée – 4 étoiles – Swiss n’est pas de la partie. 

Avec 500 vols hebdomadaires, Hainan Airlines dessert actuellement, en plus de toutes les provinces chinoises, une centaine de destinations dans le monde entier, notamment aux Etats-Unis, en Russie, en Australie et dans toute l’Asie, le frère ennemi Taïwan étant généreusement inclus (5 vols quotidiens vers Taipeh!). 

En Europe, Zurich sera la quatrième destination de la compagnie (après Berlin, Bruxelles et Budapest). En passant par une de ces villes, le voyageur pressé pourra d’ailleurs voler vers Pékin même les jours où il n’y a pas de vols directs depuis Zurich (ces jours étant mardi, jeudi et dimanche). Selon Hainan Airlines, qui selon nos constatations va pratiquer des prix d’appel imbattables, une augmentation rapide de la fréquence des vols directs depuis Zurich n’est pas exclue.

Swiss prépare la contre-offensive

La Suisse est-elle donc en train de se faire avaler par la Chine dans ce secteur? Pas vraiment.

La compagnie Swiss prépare en tout cas une contre-offensive et selon son porte-parole, Jean-Claude Donzel, Pékin est l’une des trois ou quatre destinations que Swiss envisage de lancer prochainement. La commande par Swiss de 5 nouveaux Airbus 330-300 serait de nature à faciliter et à accélérer les choses à cet égard.

On notera aussi que Edelweiss Air, filiale de Swiss, assurera à partir de cet été une liaison hebdomadaire directe entre Zurich et Pékin. Cette liaison est cependant surtout destinée à transporter des touristes chinois et elle ne sera exploitée que jusqu’en automne (du 7 juillet au 14 octobre).

Lettres de noblesse

Pour comprendre l’importance psychologique et historique de la ligne Zurich – Pékin, il faut rappeler que cette ligne a des lettres de noblesse. Inaugurée en 1975, elle a en effet été parmi les premières reliant le monde occidental à la Chine. La Suisse avait alors bénéficié d’un traitement de faveur lié au fait qu’elle a été l’un des premiers pays occidentaux à reconnaître diplomatiquement la Chine communiste (République populaire de Chine). C’était le 17 janvier 1950.

Pour la petite histoire, on signalera qu’à l’époque de l’inauguration de la ligne, la Chine avait invité l’équipe de football de la compagnie Swissair à participer à un match amical contre une équipe chinoise devant plusieurs milliers de spectateurs, privilège rare à l’époque. 

Dans le cadre des profondes restructurations du réseau aérien suisse qui ont suivi la faillite de Swissair, même cette ligne prestigieuse n’avait pas survécu et la compagnie Swiss, successeur de Swissair, l’avait supprimée en 2003.

On ajoutera, que la ligne Zurich – Shanghai, également ouverte en 1975 (en fait une extension de celle de Pékin), avait déjà été fermée en 1977. Swissair avait en effet constaté que la destination Shanghai n’intéressait alors que très peu de monde: la plupart des vols étaient pratiquement vides (avec 9 passagers à bord du dernier vol!).

La ligne avait été rétablie entre 1995 et 2001 mais la situation décrite en 1977 est surréaliste lorsqu’on songe qu’aujourd’hui, l’extraordinaire aimant que représente le monstre commercial Shanghai attire chaque année des millions de visiteurs. Et a fait de la nouvelle liaison directe Zurich – Shanghai une des lignes très rentables de la compagnie Swiss.

Autant Pékin a gâté la Suisse en matière de vols avec la Chine, autant elle s’est montrée intraitable lorsque Taïwan et la Suisse ont établi des liaisons aériennes directes.

C’était en 1995 et Pékin avait alors exigé que la Suisse interdise aux avions de Taïwan d’atterrir en Suisse tant que ceux-ci porteraient des emblèmes faisant référence à Taïwan.

Swissair avait en outre dû créer une société spéciale, Swissair Asia, pour tous ses vols à destination de Taipeh. C’était aussi une condition fixée par Pékin qui voulait ainsi maintenir la fiction que Swissair en tant que tel ne desservait pas Taïwan.

Florissantes, les liaisons aériennes Suisse – Taipeh sont interrompues depuis 2001.

Taïwan (23 millions d’habitants), de facto un Etat autonome, n’est pas reconnu diplomatiquement par la Suisse. Il a été créé en 1945 sur l’île de Formose par les forces armées opposées à Mao Tsé Toung et à la création de la République populaire de Chine.

Dictature militaire jusqu’en 1975, Taiwan est aujourd’hui l’un des pays les plus démocratiques d’Asie. Après le retour au pouvoir du parti de l’ex-dictateur Chiang Kai-chek, en 2008, les liaisons aériennes directes Pékin – Taipeh ont paradoxalement été rétablies!

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