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Le mécanisme sur le commerce humanitaire entre la Suisse et l’Iran tarde à démarrer

Restaurant à Téhéran
Au Café Amjadieh à Téhéran, le 12 juillet dernier. Ce jour-là, le ministère iranien de la Santé annonçait 194 décès dus à la maladie à coronavirus (COVID-19) et plus de 2100 nouveaux cas diagnostiqués en 24 heures. Keystone / Abedin Taherkenareh

Il doit permettre aux entreprises suisses d'envoyer des médicaments et d'autres biens vitaux en Iran, malgré les sanctions américaines. Mais le canal ouvert par le Swiss Humanitarian Trade Arrangement (SHTA) n’a pas encore déployé ses effets.

Le mécanisme instauré par le SHTALien externe a été facilité par le rôle de médiateur de Berne entre Washington et Téhéran. Et il intervient au moment où la pandémie de coronavirus frappe particulièrement l’Iran. Un pays sous le coup de sanctions imposées principalement par les États-Unis depuis la révolution islamique de 1979 et renforcées sous l’administration Trump. De telles mesures ont eu un impact considérable sur l’économie et les habitants du pays.

Les sanctions de la Suisse contre l’Iran

Le 14 février 2007, le gouvernement suisse a décidé de prendre des mesures coercitives à l’encontre de la République islamique d’Iran. Il applique ainsi les résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations Unies.

À partir du 19 janvier 2011, Berne a décidé d’adopter les sanctions de l’Union européenne dans leur intégralité dans un premier temps et en partie seulement dans un deuxième temps. À la suite de l’entrée en vigueur de l’accord nucléaire (Joint Comprehensive Plan of Action; JCPOA) le 16 janvier 2016, les sanctions de la Suisse ont été assouplies conformément à la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies et aux décisions de l’UE.

Ces mesures sont intervenues en raison des activités nucléaires de l’Iran et des violations des droits humains.

Source: SECOLien externe

Mais alors que d’autres pays ont rompu leurs liens diplomatiques avec la République islamique d’Iran, la Suisse les a maintenus, guidée par sa volonté de «parler avec tous les pays», comme l’a déclaré l’année dernière à swissinfo.ch l’ancienne secrétaire d’État suisse aux affaires étrangères, Pascale Baeriswyl. En outre, la Suisse représente les intérêts diplomatiques des États-Unis et de l’Arabie saoudite en Iran, et de l’Iran en Arabie saoudite et au Canada.

Accord commercial humanitaire

Les liens de la Suisse avec l’Iran sont maintenus au plus haut niveau. Le président iranien Hassan Rouhani s’est rendu à Berne en 2018 et en mai 2020, Simonetta Sommaruga, qui assure la présidence tournante de la Confédération cette année, s’est entretenue avec M. Rouhani au téléphone. 

Contenu externe

«Dans la perspective du 100e anniversaire de la présence diplomatique de la Suisse en Iran, nous avons discuté des affaires bilatérales, de la pandémie et de notre arrangement pour les exportations de biens humanitaires», a-t-elle tweeté. 

Washington a annoncéLien externe le 27 février dernier que le SHTA était «pleinement opérationnelle», mais l’agence de presse iranienne Tasnim (pro-régime) a publié le 9 mai un article annonçant que «L’Iran ne reçoit rien du canal humanitaire suisse». L’article affirme que «l’état moribond du SHTA contraste avec l’emphase avec laquelle le régime Trump l’a annoncée» et que «des observateurs avertis disent que la façon dont le mécanisme est structuré impose un fardeau substantiel aux entreprises qui cherchent à vendre des fournitures humanitaires à l’Iran».

La faute au virus

Interrogé par swissinfo.ch, le ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE) a donné par e-mail la réponse suivante: «Malheureusement, il y a eu des retards dus à la Covid-19. Les entreprises intéressées, en particulier dans le secteur pharmaceutique, ont été confrontées à d’autres priorités du jour au lendemain. Toutefois, nous tenons également à souligner qu’un certain nombre de sociétés ont déjà été approuvées et que les premières transactions devraient être effectuées prochainement.»

Le DFAE avait précisé en juin que «les sociétés suisses d’exportation et de commerce intéressées sont en train de rassembler les informations et les documents nécessaires pour les soumettre au SECO (Secrétariat d’État à l’économie). Après un examen réussi auprès du SECO, les sociétés pourront commencer à traiter les transactions.»

Le SECO a refusé de donner des détails supplémentaires. Toutefois, les opérations d’essai du canal ont commencé en janvier. Le géant pharmaceutique suisse Novartis a ainsi fourni à l’Iran des médicaments contre le cancer et des médicaments nécessaires aux transplantations d’organes pour une valeur de 2,4 millions de francs suisses. 

«Pour le bénéfice des patients iraniens, Novartis a travaillé avec les autorités suisses et américaines et la Banque de Commerce et Placements [une filiale basée à Genève détenue à 100% par un holding turc] pour réaliser une première transaction de paiement pour l’envoi de trois médicaments vitaux: Sandostatine LAR (utilisé pour traiter certains types de cancer), Myfortic et Neoral (tous deux immunosuppresseurs)», a précisé Novartis à swissinfo.ch. 

Mais la firme pharmaceutique a refusé d’en dire plus, ajoutant seulement que «le lancement au printemps 2020 du canal de paiement suisse pour les envois commerciaux de médicaments pourrait améliorer l’accès des patients iraniens en augmentant la prévisibilité et la stabilité de l’approvisionnement futur en médicaments à l’Iran».

Faciliter le paiement

Le SHTA est un mécanisme de paiement permettant la livraison de biens humanitaires en Iran et est «accessible aux entreprises suisses dans les secteurs alimentaire, pharmaceutique et médical, selon le ministère suisse de l’économie. Dans le cadre du SHTA, le département du Trésor américain fournira aux banques concernées les garanties nécessaires pour que les transactions financières puissent être traitées conformément à la législation américaine.» 

L’Iran subissant des décennies de sanctions économiques et maintenant la pandémie, l’accord est censé garantir que «les biens humanitaires continuent d’atteindre le peuple iranien», a déclaré le secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin le 27 février.

Reste donc à passer de la parole aux actes.

100 ans de relations diplomatiques

La Suisse a ouvert sa première représentation diplomatique en Iran (alors la PerseLien externe) le 1er août 1920 et marque le centenaire avec une série d’événements organisés par l’ambassade de Suisse à Téhéran. Leur but, selon le ministère suisse des Affaires étrangères, est de «souligner l’indépendance de la Suisse et d’impliquer l’Iran dans les échanges mondiaux.»

Parmi les événements organisés jusqu’à présent, citons une semaine du film suisse dans un centre culturel de Téhéran en novembre dernier et une exposition de documents provenant d’archives iraniennes et suisses.

Initialement prévu d’août 2019 à fin juillet 2020, le programme est maintenant prolongé jusqu’en septembre en raison de la pandémie. Parmi les autres événements prévus figure une conférence sur les sciences de la terre, qui, selon le ministère des Affaires étrangères, «mettra en lumière le rôle des géologues suisses dans le développement de la géologie en Iran et dans la découverte des champs pétrolifères».

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Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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