Des perspectives suisses en 10 langues

Les villes suisses à la recherche de la bonne recette contre le deal de rue

RTS-SWI

En Suisse, la récente irruption du crack sur le marché de la drogue et la difficulté des villes à combattre ce trafic a relancé un vieux débat sur la lutte contre le deal de rue, qui revient de façon cyclique dans l'actualité politique.

À la fin des années 1980, la drogue explose à la vue de tous. La tristement célèbre Platzspitz, à Zurich, est le symbole de ce que l’on nommera les «scènes ouvertes de la drogue».

Genève ne connaîtra pas de tel ghetto, mais la vente se fait dans divers lieux publics. La situation est telle que les autorités réagissent et prennent des mesures encore inédites à l’époque dans le monde: ce seront les débuts de la distribution contrôlée d’héroïne et l’ouverture de locaux d’injection.

>>  Le témoignage d’Evelyn G., dont le quotidien se conjugue depuis trente ans avec la prise d’héroîne médicale:

Plus

Plus

«Sans ce programme, je serais morte»

Ce contenu a été publié sur «Je suis et j’ai toujours été une écorchée vive: c’est terrible d’être hypersensible et d’être incapable de se défendre. Déjà enfant, j’étais à fleur de peau.» Evelyn G., 55 ans, a tâté de l’alcool dès l’adolescence. «Je n’aimais pas vraiment le goût mais l’effet me plaisait.» Puis elle a essayé l’amphétamine, la cocaïne et l’héroïne.…

lire plus «Sans ce programme, je serais morte»

Politique des quatre piliers

Ces solutions sont le résultat de la politique dite des quatre piliers, adoptée dans les années 1990 par la Confédération et toujours valable aujourd’hui: prévention, répression, thérapie, aide à la survie.

«Dans les années 90, alors qu’on avait des discussions idéologiques dans beaucoup de pays, la Suisse a pris des décisions très pragmatiques qui ont permis de sauver des milliers de gens», s’est félicité le vice-directeur d’Addiction suisse, Frank Zobel, interrogé par la Radio télévision suisse (RTS). «Avec la prescription médicale d’héroïne, par exemple, on a retiré au marché des drogues ses meilleurs clients».

Entre prévention et répression

Mais les dealers ne disparaissent jamais vraiment: ils changent de lieu, et leur nombre fluctue jusqu’au prochain ras-le-bol des habitants et des commerçants, à l’instar des coups de gueule lancés par certains restaurateurs installés en bordure de la place de la Riponne, à Lausanne. La police intervient alors par des opérations coup de poing, ou en augmentant sa présence quotidienne.

Dans un premier temps, Genève et Lausanne tirent un bilan positif de leurs actions. «La présence des agents sur le terrain et un très fort travail de pression ont déployé leurs effets», se félicitait ainsi en 2016 Pierre Maudet, alors conseiller d’État à la tête du Département genevois de la sécurité.

Deux ans plus tard, son homologue au sein de la Ville de Lausanne, Pierre-Antoine Hildebrand, mentionnait lui un dispositif dédoublé, préventif d’un côté avec une «présence perpétuelle», et répressif de l’autre, avec «autant d’arrestations qu’avant».

«Vous n’allez jamais faire disparaître ça»

«Vous réussissez à faire reculer un peu la problématique, mais d’autres problématiques plus urgentes prennent la place, nuance toutefois Frank Zobel. Vous avez un trafic lucratif, avec une demande. Vous n’allez jamais faire disparaître ça. Mais vous pouvez peut-être trouver des arrangements avec lesquels la situation est supportable et la population protégée».

Aujourd’hui, c’est l’apparition du crack à Genève qui inquiète. Habitants et commerçants tirent à nouveau la sonnette d’alarme et veulent que la police agisse.

Mais c’est plus facile à dire qu’à faire: «Venir dire qu’on peut éradiquer le deal de rue par des présences quotidiennes dans ces lieux sensibles, je pense que c’est un leurre. On ne peut évidemment pas le faire, sinon ce sera au détriment d’autres actions», a prévenu le conseiller d’État genevois Mauro Poggia, interrogé par la RTS.

Aujourd’hui comme hier s’impose un constat difficile: la lutte séculaire contre la drogue est un éternel recommencement.

>> L‘analyse de Sandro Cattacin, professeur de sociologie à l’Université de Genève et spécialiste des politiques de drogue:

Contenu externe

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision