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Isopropanol suisse: l’acheteur syrien était un proche du régime

L'ex-président de la société syrienne qui a acheté de l'isopropanol suisse, possible précurseur de gaz sarin, était un proche du gouvernement. Le Secrétariat d'Etat à l'économie, qui a autorisé la livraison, affirmait ne pas connaître de liens entre l'entreprise et le régime. 

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L’affaire de la livraison d’isopropanol suisse vers la Syrie se complique. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) avait assuré mardi qu’il «n’avait aucune indication» sur des liens entre la société qui avait acquis le produit et le régime syrien. 

>> Lire aussi: La Suisse a autorisé l’exportation vers la Syrie d’un précurseur du gaz sarin 

Des archives du site internet Lien externede Mediterranean Pharmaceutical Industries, désactivé depuis fin 2013, indiquent pourtant que le président de cette entreprise était Abdul Rahman Attar, un homme d’affaires influent. Décédé début 2018, il avait été, entre autres, consul honoraire au Portugal et président du Croissant-Rouge syrien. 

«C’était un poids lourd de l’économie syrienne, un homme proche du pouvoir», confirme le politologue Hasni Abidi à la Radio Télévision Suisse (RTS). «Présider une organisation aussi importante que le Croissant-Rouge syrien sans le soutien et l’aval du gouvernement est impossible», précise le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. 

Un câble des services diplomatiques américains publié par WikileaksLien externe évoque le fait qu’Abdul Rahman Attar aurait pu servir d’homme de paille de Rami Markhlouf, cousin de Bachar al-Assad, dans une affaire d’acquisition d’avion, et ce dans le but de contourner des sanctions américaines. 

«Des liens ne peuvent pas être exclus» 

Interrogé sur ces éléments qui semblent indiquer une proximité avec le pouvoir de Damas, le SECO s’est justifié mercredi en soulignant que ni Abdul Rahman Attar, ni sa société pharmaceutique, n’étaient visés par des sanctions internationales. 

«Des liens de cette personne avec le gouvernement ne peuvent pas être exclus», a cependant concédé le SECO, qui ne voit toutefois «pas d’indication que Mediterranean Pharmaceutical Industries se trouvait sous contrôle direct du régime». «Si cela avait été le cas, la société aurait été visée par des sanctions», a encore ajouté le SECO. 

Reste que «l’importation de produits en Syrie passe obligatoirement par le gouvernement à travers tous ses services: ministère de l’Economie, la douane et surtout les services de renseignement», souligne Hasni Abidi. «Rien ne peut passer la frontière sans le contrôle du pouvoir syrien», résume-t-il. 

Utile à la fabrication du sarin 

Pour rappel, l’isopropanol est une substance courante dans l’industrie pharmaceutique. Sur son site, Mediterranean Pharmaceutical Industries indiquait produire des remèdes médicaux sous licences de multinationales. 

Cependant, de l’isopropanol a également servi à fabriquer du gaz sarin utilisé durant le conflit syrien. Ainsi, le poison lâché en avril 2017 sur la ville de Khan Cheikhoun, où près de 100 personnes sont mortes, a été synthétisé notamment à partir d’isopropanol, selon une analyse d’échantillons menée par des experts du gouvernement français. L’Union européenne a placé ce produit sur ses listes d’interdiction visant la Syrie dès 2013.

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