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Comme si l’on pouvait réformer les retraites sans fâcher personne…

Retraite
A l'heure de voter sur les retraites, chacune et chacun aura fait ses comptes. Keystone


Après le refus du paquet «Prévoyance 2020», la presse suisse pointe les causes d’un échec prévisible, tant les multiples facettes de la réforme avaient de quoi faire des mécontents. Réforme qui n’en reste pas moins indispensable, mais comment?

​​​​​​​Pour «La Liberté», «Le paquet tout sauf cadeau, construit sur le principe de la symétrie des sacrifices, n’a pas résisté aux coups de canif des mécontents de tous bords». Et le quotidien fribourgeois, comme la plupart de ses confrères, de lister ces catégories de mécontents: «les femmes, qui refusent de travailler jusqu’à 65 ans tant que l’égalité salariale n’est pas effective; les jeunes, qui avaient l’impression de devoir payer davantage que leurs aînés sans avoir la garantie de toucher une rente; les retraités actuels, qui ne comprenaient pas pourquoi ils ne recevraient pas le bonus de 70 francs, et aussi la droite et les patrons alémaniques, pour qui assainir l’AVS ne pouvait pas coïncider avec de nouvelles prestations».

A cette liste déjà suffisamment fournie pour asseoir le refus, «Le Journal du Jura» ajoute «l’incompréhension de l’extrême gauche qui s’est montrée incapable de saisir les enjeux».

«Un bazar»

D’autres insistent sur le fait que le paquet était mal ficelé, comme on l’avait déjà reproché à la troisième réforme de la fiscalité des entreprises, refusée en février de cette année. Ainsi, la NZZ de Zurich, pour qui la réforme «cumulait les motifs de rejet: trop compliquée, surchargée», et qui présentait en outre «un grand nombre de défauts».

Plus imagé, «Le Nouvelliste» parle carrément d’un «bazar, dans lequel, en fouillant bien, tout le monde dénicherait la bonne affaire». Du coup, écrit le quotidien valaisan, «chacun a pensé à lui, à ce qu’il obtiendrait de plus pour lui ou de moins que son voisin. Et c’est en comparant que chacun s’est rendu compte de l’inégalité de cette réforme».

A qui la faute?

Comme toujours quand le peuple refuse un projet du gouvernement, amendé par le parlement, certains veulent personnaliser la défaite. Ainsi, le tabloïd alémanique «Blick» en rejette la faute sur Alain Berset, ministre de l’Intérieur (en charge de la prévoyance). Pour le journal, le socialiste «a tout mis sur la table et a appâté le Parlement avec ruse et tactique, sans tenir compte des partis de droite et des associations économiques».

Plus féroce, la «Basler Zeitung» juge qu’Alain Berset a bien mérité cette défaite car, au parlement comme dans la campagne, «jamais un conseiller fédéral ne s’était montré aussi offensif, pour ne pas dire envahissant». Et le quotidien proche des positions de la droite conservatrice de se réjouir que le peuple suisse ait pu «annoncer le prix à son gouvernement, comme un seul peuple sur la planète peut le faire».

Loin de cette célébration lyrique de la démocratie directe, d’autres remettent la faute sur le Parti socialiste et sur son allié dans ce dossier, le PDC. Ainsi, la «Luzerner Zeitung» appelle les démocrates-chrétiens à réviser leurs idées pour débloquer le dossier. «Le parti du centre s’est mis à la traîne de la gauche sans nécessité et a imposé un projet, qui n’était à l’évidence pas un compromis solide», écrit le quotidien de Suisse centrale.

A l’opposé, le «Tages-Anzeiger» de Zurich et le «Bund» de Berne pointent du doigt le Parti libéral-radical (droite), qui a mené la contre-campagne. Pour les deux titres, «ceux, à droite et dans les milieux économiques, qui espèrent que le peuple acceptera sous la pression d’une crise financière de l’AVS d’élever l’âge de la retraite à 67 ans, font un calcul cynique et dangereux. Car une hausse générale de l’âge de la retraite n’obtiendra pas de majorité dans un proche avenir».

Ce n’est pas l’avis de la «NZZ», qui voit maintenant la balle «clairement dans le camp bourgeois du Parlement» et appelle à ne plus retarder le débat sur le relèvement de l’âge de la retraite.

«Tout est à refaire»…

…titre «La Tribune de Genève», qui voit dans le besoin de réforme une «simple question de vie ou de mort du système des retraites». Mais le journal se demande «comment les frères ennemis d’hier vont ficeler un nouveau compromis en un temps raisonnable. Ce n’est pas pour rien qu’aucune réforme n’a passé en vingt ans, et qu’il en a fallu huit pour concocter le projet rejeté».

«La Suisse vieillit inéluctablement, renchérit le quotidien vaudois «24 heures». Le déséquilibre entre actifs et retraités va se creuser, comme le trou de l’AVS et la pression sur le 2e pilier. Réformer n’est donc pas une option, mais une obligation. Et chaque année qui passe promet des lendemains qui déchantent».

Pour «Le Nouvelliste», «les élus devront porter devant le peuple une mesure d’assainissement après l’autre. Chacune sera forcément douloureuse, mais franche, efficace et acceptable car refusée seulement et à chaque fois par la minorité qu’elle affectera».

«Le gouvernement et le parlement vont devoir se retrousser les manches, écrit le «Corriere del Ticino». Mais cela soulève un gros problème, car le non d’hier ne signifie pas un oui au plan B proposé par la droite. Le compromis refusé était trop fragile pour le poids qu’il devait porter, il faut en prendre acte. Pour autant, on ne voit pas la voie de sortie, même à un horizon lointain».

Quant à savoir qui va être le premier à retrousser ses manches, «Le Temps» souhaite «courage» à Alain Berset, car «c’est à lui que revient maintenant la responsabilité de remettre l’ouvrage sur le métier, et pas à ses adversaires de droite, qui jonglent avec les plans B, C, D ou E comme une otarie avec des balles, sans les applaudissements».

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