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«Voler devient de plus en plus sûr»

Le personnel de cabine est formé aussi pour assurer la sécurité des passagers. Keystone

Des règles de sécurité plus strictes et une meilleure formation des agents de bord ont permis de réduire le nombre d'accidents de la circulation aérienne, selon deux experts de l'aviation civile. Pour preuve: l'accident récent à l'aéroport de San Francisco.

L’accident du Boeing 777 de l’Asiana Airlines pourrait avoir été causé par une erreur de pilotage au moment de l’atterrissage. Ou d’une panne d’instrument de l’appareil. Pendant que les enquêteurs font leur travail, une chose est d’ores et déjà certaine: l’incident a relancé le débat sur la sécurité aérienne.

Entretien avec Marc Baumgartner, coordinateur du programme de recherche pour la gestion du trafic aérien SESAR auprès de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, et l’expert en aviation Hansjörg Bürgi.

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Ciel unique pour voler plus sûr et moins cher

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swissinfo.ch: L’Association internationale pour le transport aérien (IATA) indique que 2012 a été l’année la plus sûre de l’histoire de l’aviation, avec une moyenne d’un accident pour 5 millions de vols sur des jets de fabrication occidentale. Est-ce un hasard?

Marc Baumgartner: Il est difficile de tirer des conclusions sur un an. Il suffirait d’un accident de plus pour bouleverser les statistique. En outre, il y a eu une diminution du trafic, du moins en Europe. La sécurité dépend de différents facteurs. Elle ne peut donc pas être évaluée exclusivement sur la base du nombre d’accidents. En ce qui concerne le contrôle aérien, nous prenons en considération tous les éléments qui pourraient induire un éventuel accident.

Hansjörg Bürgi: En général, voler devient de plus en plus sûr. Les statistiques montrent que les accidents graves ont diminué ces dernières années. Le dernier accident mortel en Europe concernant un avion de ligne remonte à 2009 [9 morts dans l’impact au sol d’un appareil des Turkish Airlines à l’aéroport d’Amsterdam]. Aux États-Unis, celui de San Francisco est le premier crash d’un gros avion avec une issue fatale depuis 2001.

Des améliorations ont aussi été relevées en Amérique du Sud et dans quelques pays asiatiques. Le continent africain continue en revanche à être problématique. Il y a des lacunes à tous les niveaux: règles de sécurité, matériel et équipement, installations dans les aéroports, procédures d’atterrissage…

Marc Baumgartner est coordonnateur du programme de recherche pour la gestion du trafic aérien SESAR auprès de l’Agence européenne pour la sécurité aérienne. Il a été plusieurs années président de la Fédération internationale des associations des contrôleurs aériens.

Hansjörg Bürgi est rédacteur en chef du magazine aéronautique Skynews.ch. Il est considéré comme un des meilleurs experts suisses en aviation.

swissinfo.ch: Quel sont les facteurs qui ont contribué à améliorer la sécurité?

Hansjörg Bürgi: Certainement la technique et les instruments des avions. De nombreuses dispositions ont aussi été adoptées en matière de sûreté et la formation des assistants de vol et des pilotes s’est améliorée. Le personnel ne se contente pas de pousser le chariot des boissons et d’offrir un bon service en cabine. Son devoir consiste principalement à assurer la sécurité du passager.

Le crash de San Francisco est un exemple clair car il montre que les systèmes et les procédures d’évacuation de l’avion sont conçus correctement. Et le résultat est évident: presque tous les voyageurs ont survécu.

Marc Baumgartner: De nombreux pays ont commencé à travailler en suivant les recommandations de l’Organisation internationale de l’aviation civile. Ces standards concernent différents éléments de la sûreté, des aéroports aux services de contrôle du trafic aérien. Les compagnies aériennes en font de même. Elles essaient continuellement de tirer les enseignements des incidents ou des tragédies passées, par exemple en déterminant si la distance minimale entre deux appareils n’a pas été respectée.

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Les yeux du ciel

Ce contenu a été publié sur L’évolution technologique a mis à disposition des contrôleurs aériens des radars de plus en plus performants. Comme il y a 30 ans, ils continuent toutefois à se fier aussi à leur plus précieux instrument de travail: leurs yeux. (Images: Reuters, Keystone, RDB et Ex-press)

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swissinfo.ch: Dans un communiqué récent, la Commission européenne écrit que «les technologies actuelles de gestion du trafic aérien datent des années cinquante et sont donc obsolètes». Une considération plutôt inquiétante…

Marc Baumgartner: Je ne partage pas cette affirmation. C’est vrai que l’instrument pour la planification des vols a été développé à l’époque des premiers ordinateurs. Les États-Unis ont par exemple un système basé sur le langage de programmation des années soixante, même s’il a évidemment été modernisé par la suite.

Le problème se pose peut-être dans le sens que chaque pays utilise différents instruments de planification des vols. Ainsi, le contrôleur français doit avoir une sorte d’«interface» en mesure de traduire son code pour son collègue à Maastricht, lequel doit faire de même à son tour. La Commission européenne n’a pas tort d’affirmer que ces procédures sont un peu vétustes. Mais dire que la technologie date des années cinquante me semble exagéré.

swissinfo.ch: Les pilotes sont-ils préparés à affronter les situations de crise, compte tenu de l’automatisation croissante des systèmes?

Hansjörg Bürgi: La question s’est en effet posée à plusieurs reprises dans le passé, en particulier après l’accident d’Air France en 2009 au-dessus du sud de l’Atlantique [dans lequel 216 voyageurs et 12 membres de l’équipage sont morts]. A cette occasion, les pilotes ont réagi de manière inappropriée: ils ont voulu monter au lieu de descendre.

Depuis, cependant, la formation a été revue. On s’est remis à insister sur les compétences de base. La compagnie Swiss prévoit par exemple aussi une formation avec des vols acrobatiques qui aident les pilotes à affronter des situations anomales.

Le 1er juillet 2002, un avion des Bashkirian Airlines entre en collision avec un cargo aérien DHL au-dessus d’Überlingen, en Allemagne, dans l’espace aérien contrôlée par la société suisse Skyguide. L’accident provoque la mort de 71 personnes.

La tragédie refait l’actualité deux ans plus tard: le 24 février 2004, l’architecte russe Vitali Kaloïev, mari et père de trois victimes, tue le contrôleur de vol qui avait été en service la nuit de la collision.

Selon les enquêteurs allemands, l’accident était dû à la négligences de Skyguide et à une erreur des pilotes de l’avion russe.

«De nombreux enseignements ont été tirés de cette tragédie, affirme Francis Schubert, directeur opérationnel de Skyguide. Nous avons revu dans le détail les procédures qui avaient été critiquées après l’accident et les modalités d’engagement du personnel.»

«Nous avons insisté sur la culture de la sécurité. Nous avons beaucoup investi pour faire comprendre aux collaborateurs, et pas seulement à ceux qui travaillent devant un écran, que tous doivent contribuer à la sécurité», indique Francis Schubert.

Aujourd’hui, les contrôleurs aériens travaillent toujours en duo et chaque situation anormale est analysée attentivement. «Nous tentons de comprendre par exemple pour quelle raison la distance minimale entre deux avions est de 8,8 km, au lieu des 9 prévus par le code de sécurité», explique Pascal Hochstrasser, responsable de la tour de contrôle de Genève.

Le transport aérien comporte un risque inhérent et on ne peut jamais exclure un accident, ajoute Francis Schubert. «Je peux dire cependant que la probabilité qu’un crash comme celui d’Ueberlingen se reproduise a été considérablement réduite.»

(Adaptation de l’italien: Isabelle Eichenberger)

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