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Tamedia-Edipresse, un développement intéressant!

Le Matin Bleu est la première victime de la fusion. Keystone

Ancien rédacteur en chef de plusieurs titres phares de la presse alémanique, créateur de nombre d'entre eux, aujourd'hui consultant en communication, Jürg Wildberger considère la fusion annoncée comme une chance. Même si les restructurations sont inéluctables. Interview.

Jürg Wildberger connaît bien la maison «Tamedia» puisqu’il y a travaillé lors du lancement du magazine Facts, aujourd’hui disparu, et de la télévision privée TV3. Il a également dirigé la rédaction de la Weltwoche jusqu’à sa reprise par l’actuel propriétaire.

swissinfo: La nouvelle de la fusion entre Tamedia et Edipresse vous a-t-elle surpris?

Jürg Wildberger: Non. Cela fait plusieurs années qu’il y a des spéculations à ce sujet. Les deux groupes se conviennent parfaitement puisque, excepté les journaux gratuits en Suisse romande, ils n’ont aucune platebande commune et ne peuvent pas empiéter sur le territoire de l’autre.

En outre, le rapprochement apporte aussi une solution au problème de la succession de Pierre Lamunière. Le problème de la double présence, génératrice de déficits, de journaux gratuits est aussi réglé puisqu’il n’y en aura plus qu’un.

swissinfo: La qualité des titres de journaux concernés ne risque-t-elle pas d’être en quelque sorte tirée vers le bas par un plus petit dénominateur commun?

J.W.: Au contraire, je pense que ces journaux ont désormais une bonne chance de survie. En se dotant d’une base économique forte, ils permettront un travail de qualité des journalistes, malgré les suppressions d’emplois.

Mais il y aurait eu de toute façon des suppressions d’emplois, même sans fusion. En ce qui concerne la Suisse alémanique, le Tages-Anzeiger restera le journal de qualité qu’il est aujourd’hui, avec la NZZ.

swissinfo: La diversité de la presse ne va-t-elle pas s’en trouver diminuée?

J.W.: Non. Le processus de diminution du nombre de titres est de toute façon en cours. Cette fusion est une étape supplémentaire dans la restructuration du paysage médiatique. Il est certain qu’il y en aura d’autres.

La pression est désormais grande sur les groupes de presse de taille moyenne et les petits éditeurs, d’autant plus que les grands groupes sont en plein travail de régionalisation. Tamedia est le plus actif dans ce domaine et il est aussi le seul qui peut se permettre une telle opération. La fusion n’est pas une menace pour les grands groupes comme Ringier ou NZZ.

swissinfo: Certains parlent de «révolution» car il s’agit d’une première entre la Suisse romande et la Suisse alémanique.

J.W.: Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une révolution. C’est une étape, une évolution intéressante. C’est un défi de voir comment les deux cultures s’accordent l’une à l’autre, c’est vrai. Mais Tamedia était déjà présent en Suisse romande depuis le lancement de 20 Minutes, qui était du reste déjà une attaque contre Edipresse.

swissinfo: Avec le marché des annonces et les autres supports médiatiques, Tamedia acquiert une position encore plus forte, voire prédominante.

J.W.: La fusion est une bonne chose pour les pages Internet car elle fournira les moyens de créer des contenus susceptibles d’avoir du succès. Car tout ne va pas mal dans les médias. Les journaux du dimanche se portent bien, les portails internet aussi.

En Allemagne, par exemple, Die Zeit a réussi à augmenter ses tirages. Mais il lui sera plus difficile, voire impossible, de survivre sans partenaire.»

Interview swissinfo: Ariane Gigon, Zurich

La Suisse compte 44 journaux par million d’habitants, contre 23 en Allemagne, 21 en Grande-Bretagne, et 2 en France et en Italie.
Le tirage total des journaux payants a doublé entre 1930 et 1985 pour ensuite se stabiliser et reculer à partir de 2005.
Les gratuits sont apparus au début des années 2000. Ils sont lus par 30% de la population de plus de 14 ans.

Lundi, Edipresse, premier groupe de presse romand, a annoncé la fin de sa collaboration avec Publicitas (PubliGroupe) pour traiter lui-même le marché publicitaire pour l’ensemble de ses titres en Suisse dès 2010.

Mardi, Edipresse et le groupe alémanique Tamedia ont annoncé la fusion de leurs activités suisses, sous réserve de l’approbation de la Commission de la concurrence.

Dans un permier temps, le groupe zurichois devient actionnaire à 49,9% des activités suisses d’Edipresse. Dans un deuxième temps, Tamedia achètera 0,2% supplémentaire début 2011 (devenant majoritaire), puis les 49,9% restants début 2013. Le montant de la transaction s’élève à 226 millions de francs.

La fusion donne naissance au quatrième groupe média national, avec un chiffre d’affaires estimé à 1,25 milliard de francs. La nouvelle entité éditera 12 quotidiens payants, pour des tirages cumulés de 700’000 exemplaires. Elles espèrent une amélioration du résultat de 30 millions de francs grâce à des synergies.

En Suisse romande, les deux journaux gratuits 20 Minutes et le Matin Bleu vont fusionner dans les six mois, moyennant la suppression «vraisemblable» de 20 emplois sur 70. Un plan social sera proposé. Le gratuit fusionné, qui vise un tirage de 210’000 exemplaires et plus de 500’000 lecteurs, sera imprimé par Edipresse.

Ce journaliste économique de 59 ans a travaillé à Finanz und Wirtschaft et à la Berner Zeitung.
En 1990, il faisait partie des créateurs de l’émission d’actualités télévisée 10 vor 10.
En 1995, il a lancé le magazine d’actualité Facts pour Tamedia, où il est resté jusqu’en 1998. Puis il a lancé et dirigé la télévision privée TV3, à nouveau pour Tamedia.
De 2005 à 2006, il a été rédacteur en chef de la Weltwoche. Depuis, il travaille comme consultant.

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