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Tous unis pour un réseau de fibre optique

Fine comme un spaghetti, une fibre optique n’en transporte pas moins d’énormes quantités de données. Keystone

300'000 ménages suisses connectés par fibre optique, c’est encore peu en comparaison internationale. Mais le chiffre pourrait tripler d’ici 2015. Au terme de neuf réunions tenues en quatre ans, les acteurs du secteur se sont mis d’accord pour aller de l’avant de manière coordonnée.

«Le développement d’un réseau à large bande est vital pour l’économie suisse. Ce devrait être une priorité de notre politique de communication pour les prochaines années», a dit Marc Furrer, président de la Commission fédérale de la communication (ComCom) le 16 janvier, en livrant aux médias les résultats de la dernière réunion de la table ronde «Fibre optique jusque à la maison» (ou FTTH, pour «fibre-to-the-home»)

C’est que la technologie moderne est de plus en plus gourmande en bande passante: les besoins du réseau fixe doublent tous les 18 mois et ceux du réseau mobile augmentent encore plus vite. Ceci notamment pour permettre l’acheminement de la télévision haute définition et de l’internet mobile.

Depuis 2008, les investisseurs concernés ont donc tenu neuf réunions pour discuter les questions techniques et économiques. Le but était d’éviter la construction de plusieurs réseaux en ordre dispersé. Et la ComCom a tout lieu de se réjouir des résultats: la table ronde a permis d’élaborer des normes uniformes et d’éviter les doublons. Grâce à la technologie multifibres, les consommateurs pourront néanmoins choisir librement leur fournisseur de services de télécommunications.

Un câble, quatre fibres

«Cette table ronde a constitué une étape importante, en nous aidant à définir des normes communes pour les réseaux, explique Oliver Schnyder, directeur de l’association professionnelles Fribreoptique Suisse. La solution multifibres qui a été adoptée donnera accès au réseau à tous les fournisseurs de services et permettra au client de bénéficier de la concurrence».

Chaque câble sera en fait un faisceau de quatre fibres, l’une réservée pour Swisscom (l’opérateur historique) et les trois autres à disposition des autres fournisseurs de services.

Un autre acquis de la table ronde est que les nouvelles infrastructures répondront au standard FTTH. Comme son sigle l’indique, cela veut dire que la fibre optique arrivera directement à la maison ou au bâtiment. C’est la garantie pour l’utilisateur de pouvoir profiter pleinement de la large bande. Il existe en effet une solution meilleur marché, qui consiste à ne tirer des fibres optiques qu’entre les boîtes de répartition et à envoyer ensuite le signal jusqu’à l’utilisateur final par les anciens fils de cuivre du téléphone.

L’accès au réseau a été un des points chauds des discussions, les «petits» fournisseurs craignant de se voir exclus. La commission de la concurrence a donc examiné les contrats liant Swisscom aux opérateurs locaux. Au besoin, les contrats ont été adaptés.

Ainsi, grâce à ces partenariats, il n’y aura pas à l’avenir de réseaux construits à double. En de nombreux endroits, la fibre optique sera en compétition avec les offres câblées des compagnies locales.

Qui paye?

D’un point de vue économique, tout cela se tient, estime Pascal Martin, animateur d’un blog sur les télécoms: «Il faut bien que quelqu’un paye pour l’infrastructure. Swisscom assumera la facture là où la concurrence existe, mais là où elle est absente, il faudra que les communes y aillent de leur poche».

Les participants à la table ronde comptent sur les forces du marché pour accélérer le développement du réseau. Car dans la situation économique actuelle, un réseau national de fibre optique financé par l’Etat n’est pas à l’ordre du jour.

Ce que confirme Marc Furrer: «Nous n’avons pas d’autre choix. C’est à Swisscom et aux autres de construire les infrastructures. Ce que nous avons fait, c’est de fournir la possibilité de construire un réseau. Ce que nous espérons, c’est que s’il se construit, de nombreux fournisseurs vont l’utiliser».

Tout le monde ne croit pas pour autant que ce soit une si bonne chose de laisser faire les forces du marché. La Fondation suisse pour la protection des consommateurs en appelle plutôt à une révision de la législation sur les télécommunications, pour éviter que Swisscom n’en tire trop d’avantages.

La Fondation craint que le géant des télécoms, qui bénéficie des infrastructures existantes, comme les câblages souterrains payés par le contribuable, ne fixe des prix d’accès très élevés à ses concurrents, qui seraient ensuite répercutés sur l’utilisateur final. Or en Suisse, les prix des télécoms sont déjà particulièrement élevés – surtout pour les services mobiles.

Et les cabanes de montagne?

Mais à ce stade, personne ne semble vouloir empoigner ce dossier, histoire de pas entraver le développement du réseau. «Pour l’instant, nous préférons ne pas voir intervenir les régulateurs, ce qui risquerait de décourager les investisseurs, admet Oliver Schnyder. Il vaudrait mieux réguler plus tard, si cela s’avère nécessaire, une fois que le marché se sera développé».

Une autre question qui reste ouverte est celle de savoir qui pourra avoir accès à la fibre optique. D’un point de vue strictement économique, personne n’envisage de connecter chaque cabane de montagne du pays au réseau à large bande, même si cela pourrait être utile dans certains cas.

Pour Marc Furrer, si le développement du réseau dans les villes est déjà du domaine de l’investissement à long terme, dans les zones rurales et de montagne, on doit voir encore plus loin.

«Dans ces régions, deux questions se posent: y a-t-il une technologie moins chère (câble ou mobile qui pourrait donner plus de largeur de bande) et qui va payer? C’est une question politique, liée à l’obligation de service universel», explique le directeur de la ComCom.

En 2008, sa Commission a en effet reconduit Swisscom pour dix ans dans ses obligations de concessionnaire du service universel. L’ancien monopole d’Etat est donc tenu d’offrir (à des prix abordables) les services de base à toutes les catégories de population et dans toutes les régions du pays. Et ceci inclut désormais, en plus des raccordements analogique et numérique, une connexion internet à large bande.

En Suisse, le transport des signaux de télécoms à large bande se fait encore le plus souvent par fil de cuivre, soit par un réseau téléphonique qui n’a pas du tout été conçu pour ça.

Le VDSL (very high bit-rate digital subscriber line, ou «ligne numérique d’abonné à très haut débit»), fait passer les signaux dans deux fils de cuivre, sans interférence avec la voix téléphonique. La transmission est rapide, mais elle est entravée par la distance entre la boîte de répartition et l’utilisateur final. Le volume de données est également limité, ce qui pose problème lorsqu’il s’agit par exemple de transmettre des images de télévision haute définition.

Le câble coaxial équipe la plupart des foyers qui reçoivent la télévision de l’un des grands opérateurs du pays. Il permet également de faire passer les signaux internet et téléphoniques. Protégé des interférences par son blindage, ce type de câble n’en offre pas moins des performances également limitées.

La fibre optique jusqu’à la maison (FTTH) représente un vrai bond en avant en termes de bande passante et de vitesse. Là où une simple paire de fils de cuivre peut faire passer six conversations téléphoniques, la fibre optique en supporte 2 millions et demi. Selon les experts du «FTTH Council» (basé aux Etats-Unis), c’est la seule technologie qui offre assez de bande passante pour satisfaire de manière fiable et rentable les demandes prévues de la clientèle pour la décennie à venir.

Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez

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