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UBS à la veille d’une assemblée houleuse

Marcel Ospel, patron de la banque, risque de sentir le vent du boulet. Keystone

En petite forme après la débâcle du subprime aux USA, le numéro un bancaire suisse convoque mercredi une assemblée générale extraordinaire qui prévoit d'être agitée.

Les actionnaires se prononceront sur une augmentation de capital à travers l’arrivée du fond souverain de Singapour. La question du départ du patron Marcel Ospel devrait aussi se poser. Décryptage.

«Plutôt que de grand déballage, il faut parler de nécessité de clarification et de mise en exergue des responsabilités, estime François Savary, directeur des investissements chez Reyl & Cie SA. (…) Il faut de la transparence, et la transparence suscite toujours des interrogations et des débats.» En clair, il y aura de la castagne!

La plus grande banque du pays a convié ses actionnaires à une assemblée générale extraordinaire, mercredi 27 à Bâle. Au menu: sa recapitalisation, après la débâcle sur le marché américain du subprime. Une débâcle dont tous les contours ne sont pas encore connus.

Pour ses dix ans, UBS s’est en effet offert un beau cadeau: la première perte de son histoire. Essentiellement par la faute de sa banque d’investissement, gérée depuis les Etats-Unis et surexposée sur les produits financiers à risques, elle s’est vue contrainte d’amortir des milliards de francs.

L’enjeu de cette AG est double pour UBS. D’abord, la banque souhaite engranger le capital nécessaire pour conduire une stratégie de développement à moyen terme.

«UBS doit avoir un certain montant de capital pour le respect de certains ratios, qui sont des normes prudentielles établies par les autorités de régulation», complète François Savary.

Techniquement, la banque veut renforcer son capital pour un montant de 19,4 milliards de francs. Deux acteurs extérieurs sont prêts à injecter 13 milliards de francs, via un emprunt obligataire (intérêt de 9% par an pendant deux ans!) convertible en actions.

Deux investisseurs

Outre un investisseur moyen-oriental inconnu, l’essentiel de la recapitalisation devrait être prise en charge par le GIC, le fonds souverain de Singapour.

Cette entrée en force d’un fond piloté par un Etat à la démocratie relative dans le capital de la banque ne met pas tout le monde d’accord. D’autant qu’avec une participation de 9%, le GIC pourrait posséder une minorité de blocage sur les décisions stratégiques d’UBS.

Surtout, certains actionnaires actuels d’UBS (comme la caisse de pension Profond et la fondation Ethos) se sentent lésés d’être exclus de cette recapitalisation – décision jusqu’ici irrévocable d’UBS. L’AG aura d’ailleurs à se prononcer sur la renonciation à ses droits de souscriptions préférentiels.

C’est le deuxième enjeu de la séance: «L’acceptation ou non par les actionnaires existants de voir une dilution de leur participation dans la société», indique François Savary.

Décision inéquitable

Le choix d’UBS de recourir à des investisseurs institutionnels qui auraient 9% du capital vise à éviter un «étiolement du capital». Passer par un investisseur de référence, c’est «s’éviter d’être confronté, le cas échéant, à une tentative hostile de prise de contrôle de la banque [par le biais d’une OPA]».

Si la décision d’UBS se justifie sur le plan économique, les actionnaires mécontents ont raison sur le fond, estime François Savary. «La banque veut ramener un peu de sérénité, mais cette décision est inéquitable. (…) L’idéal serait une solution de compromis, avec un actionnaire de référence et l’ouverture d’une partie du nouveau capital aux actionnaires existants.»

Ce compromis a toutes ses chances. Récemment, il est apparu qu’UBS est encore très exposée sur les produits financiers «toxiques» américains. Une seconde augmentation de capital est déjà évoquée, qui pourrait faire partie de ce compromis (une capitalisation par les institutionnels, une par les actionnaires existants).

Le retrait du patron

Les actionnaires d’UBS devront aussi se prononcer mercredi sur une demande d’audit externe des comptes. La fondation Ethos souhaite toute la lumière sur le fonctionnement de la gestion et le contrôle des risques de la banque.

Si François Savary estime que l’audit normal devrait suffire, il y voit surtout un moyen de pression utilisé par Ethos pour pousser la structure dirigeante actuelle à plus d’ouverture.

Cette structure dirigeante – ou plutôt l’actuel président du conseil d’administration Marcel Ospel – devrait sentir mercredi le vent du boulet. Alors que les patrons des banques américaines éclopées par le subprime ont rendu leur tablier, beaucoup de professionnels (et une majorité de Suisses, selon un sondage récent) exigent qu’il fasse de même.

«Le choix d’UBS a été de dire que cet homme doit être là pour réparer les dégâts et qu’il partira derrière, commente François Savary. Dans la recréation de l’image UBS, le départ de Marcel Ospel est une nécessité. A UBS de déterminer le moment de ce départ.»

swissinfo, Pierre-François Besson

Issue de la fusion en 1997 de la Société de Banque Suisse (SBS) et de l’Union de Banque Suisse, UBS est la plus grosse banque helvétique et la dixième mondiale. Elle emploie 80’000 collaborateurs.

En 2000, la première grande acquisition du nouveau groupe est PaineWebber, le quatrième plus gros courtier des Etats-Unis, qui vient combler un vide stratégique et régional dans les affaires de gestion de fortune d’UBS.

Par contre, les acquisitions des «hedge funds» Long Term Capital Management puis Dillon Read Capital Management tournent au désastre. Tous deux s’effondrent sous le poids de leurs dettes.

En juillet 2007, deux mois après la chute de Dillon Read, le CEO Peter Wuffli est débarqué et remplacé par Marcel Rohner avec effets immédiats. Trois mois plus tard, UBS supprime 1500 emplois dans son activité de banque d’investissement.

Au départ, la banque annonce une dépréciation d’actifs liée à la crise du subprime de 4 milliards de francs. Mais elle boucle l’année sur une perte de 4,4 milliards après un amortissement de 21,3 milliards.

Son exposition dans le subprime et d’autres crédits peu sûrs pourrait encore atteindre 80 milliards de dollars. D’où de nouvelles dépréciations escomptées, qui dépendront de l’évolution de la valorisation de ces actifs sur le marché.

Depuis le début de 2008, le titre UBS a perdu un tiers de sa valeur. Et la moitié de celle-ci sur six mois.

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