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Les handicapés veulent aussi avoir leur mot à dire en politique

De nombreuses personnes atteintes de handicap mental s'intéressent à la politique mais peinent à exercer pleinement leurs droits. © Keystone / Gaetan Bally

Le handicap mental ne doit plus être un frein à l’exercice des droits politiques. C’est le credo d’insieme, la faîtière des associations des parents de personnes mentalement handicapées de Suisse, qui publie une brochure de vote simplifiée en vue des élections fédérales de cet automne.

En principe, les handicapés mentaux jouissent des mêmes droits que n’importe quel citoyen. Dont celui de voter et d’élire leurs représentants, pour autant qu’ils ne soient pas placés sous curatelle de portée générale (voir encadré à la fin de l’article). La Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapéesLien externe – que la Suisse a ratifié en 2014 – exige d’ailleurs des Etats signataires qu’ils garantissent la participation des personnes avec un handicap à la vie politique et publique.

Dans la pratique, toutefois, la situation n’est pas aussi idyllique. En Suisse, pays qui se targue volontiers d’être à la pointe de la participation citoyenne et de la protection des minorités, les personnes handicapées rencontrent encore de nombreux obstacles qui les empêchent d’exercer pleinement leurs droits politiques.

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La Suisse est contrainte d’agir pour l’égalité des handicapés

Ce contenu a été publié sur Il n’y a en Suisse qu’un seul groupe de citoyens qui possèdent le passeport rouge à croix blanche mais qui est privé de ses droits politiques: les personnes placées sous curatelles de portée générale par les autorités cantonales de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) parce qu’elles n’arrivent pas à gérer leur vie de manière autonome.…

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Même s’ils ne sont pour la plupart pas privés du droit de vote, les handicapés mentaux sont souvent découragés par la complexité du processus démocratique. «De nombreuses personnes atteintes de déficience mentale s’intéressent à la politique et souhaiteraient participer davantage aux élections et votations. Mais il est très difficile pour elles de comprendre les informations officielles qui figurent dans le matériel de vote envoyé par la poste», souligne Susanne Schanda, porte-parole d’insiemeLien externe.

Langage simplifié

C’est particulièrement le cas lors des élections législatives fédérales, qui ont lieu tous les quatre ans en Suisse. Saisir ce qu’est une liste de parti, comment elle peut être modifiée, ce que signifie le cumul ou le panachage représente souvent un véritable défi pour cette population.

Afin de faciliter leur prise de décision, insieme publie, en collaboration avec la plateforme easyvoteLien externe, une brochure expliquant le fonctionnement des élections du 20 octobre dans un langage facile à lire et à comprendre. Conçu avec le soutien du Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH), «Un guide pour voter» peut être commandé ou téléchargé gratuitementLien externe dans les trois langues nationales.

«Les personnes atteintes de handicap mental sont tout aussi capables que vous et moi de prendre une décision réfléchie et donc de voter»
Emmanuelle Seingre, vice-présidente d’insieme

«Les personnes avec un handicap mental sont évidemment notre public cible, mais cette brochure peut s’avérer utile pour d’autres personnes qui peinent parfois à appréhender la complexité du langage des autorités. Je pense par exemple aux jeunes qui votent pour la première fois», avance Susanne Schanda.

Vers plus d’autonomie

Cette démarche s’inscrit dans une mouvance plus générale visant à donner davantage d’indépendance et d’autonomie aux handicapés mentaux. Avec l’introduction en 2013 du nouveau droit de la protection de l’adulteLien externe, il y a en Suisse de moins en moins de personnes exclues de l’exercice des droits politiques.

«De plus en plus de personnes mentalement handicapées veulent s’exprimer en public et faire valoir leurs droits. On le voit notamment au sein des associations, où elles s’engagent fortement sur tous les sujets qui touchent à leur autonomie et à leur pouvoir de décision», affirme Emmanuelle Seingre, vice-présidente d’insieme.  

Au moment de remplir le bulletin de vote, n’y a-t-il toutefois pas un risque que ces personnes, supposées plus vulnérables, soient instrumentalisés par des tiers? «Ils sont tout aussi capables que vous et moi de prendre une décision réfléchie et donc de voter. Il faut juste leur donner du temps et les outils nécessaires», répond Emmanuelle Seingre.

Certes, l’aide de proches est parfois nécessaire pour se forger une opinion. Mais ce processus est somme toute très banal, souligne la vice-présidente d’insieme: «Il n’y a pas besoin d’avoir une déficience mentale pour subir des influences externes. Cela existe dans toutes les familles et dans tous les milieux. Chacun peut ensuite faire ses choix».

Curatelle et droit de vote

La Suisse compte 1,6 million de personnes en situation de handicap. Les autorités peuvent placer sous une curatelle de portée généraleLien externe celles qui sont victimes d’une atteinte sérieuse et de longue durée. Fin 2017, plus de 15’000 personnes étaient soumises à cette mesure, sans qu’il ne soit toutefois possible de déterminer combien d’entre elles étaient des handicapés mentaux.

La décision est prise de manière unilatérale par les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA). et entraîne la privation systématique du droit de vote et d’éligibilité. Il n’y a pas de possibilité de recours spécifique contre cette perte des droits politiques, ce qui selon plusieurs spécialistes de droit public contrevient à la Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées.

Les cantons de Vaud, de Genève et du Tessin offrent aux citoyens handicapés la possibilité de revendiquer leurs droits politiques devant un tribunal. Dans ce cas, le droit de vote n’est valable que pour les scrutins communaux et cantonaux, mais pas au niveau fédéral.

Vous pouvez contacter l’auteur de cet article sur Twitter: @samueljabergLien externe

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