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Emotion et révolte après l’attaque des pitbulls

A Oberglatt, des centaines de personnes ont rendu hommage vendredi soir à la petite victime. Keystone

Le gouvernement se dit «consterné» par la mort d'un garçon de six ans, tué jeudi près de Zurich par trois pitbulls. Il en appelle à un durcissement de la loi.

Vendredi soir, les habitants du village d’Oberglatt ont organisé une marche silencieuse en mémoire du petit Suleyman, attaqué par les chiens alors qu’il se rendait à pied au jardin d’enfants.

Plusieurs centaines de personnes, dont beaucoup d’enfants ont pris part vendredi soir à la manifestation silencieuse sur les lieux où Suleyman est tombé jeudi matin sous les crocs des trois pitbulls.

De nombreuses bougies ont été allumées en signe de solidarité avec la victime et sa famille. Les manifestants voulaient aussi réclamer des mesures sévères de prévention. De nombreux habitants de la localité se sont exprimés sur la chaîne régionale de télévision, pour y dire leur colère.

Durcir la loi

A Berne, le ministre de l’Economie Joseph Deiss, s’est dit choqué par ce drame, qui selon lui n’aurait jamais dû arriver. Il a chargé l’Office vétérinaire fédéral (OVF), qui dépend de son ministère, de faire des propositions pour rendre la loi plus sévère, mais également pour améliorer l’application des dispositions légales existantes.

Thomas Burgener, ministre cantonal valaisan, estime quant à lui «qu’une harmonisation législative au niveau suisse est désormais nécessaire.» Il a appelé le Conseil fédéral (gouvernement central) à interdire certaines races en Suisse, comme l’ont fait la France et l’Allemagne.

Le Valais est avec Genève et les deux Bâle un des quatre cantons à s’être dotés de règles strictes pour l’acquisition de chiens potentiellement dangereux. Le canton de Zurich a annoncé vendredi qu’il allait analyser les mesures prises par ces cantons et décider s’il les introduit dans sa nouvelle loi sur les chiens.

Parallèlement, une initiative sera bientôt déposée au parlement zurichois. En s’inspirant du modèle bâlois, des députés veulent introduire une autorisation de détenir des chiens dangereux, qui serait limitée à un seul animal par propriétaire.

Au niveau national, le député Heiner Studer a annoncé pour lundi prochain le dépôt d’une motion demandant des dispositions légales plus sévères et autorisant le Conseil fédéral à faire interdire certaines races de chiens.

Il demande également des cours pour les propriétaires de chiens et le port de la muselière. Une intervention parlementaire semblable avait été rejetée il y a cinq ans. Heiner Studer espère que le drame d’Oberglatt va faire changer d’avis ses collègues du parlement.

Homicide par négligence?

Vendredi encore, le parquet du canton de Zurich annonce l’ouverture d’une enquête pénale pour homicide par négligence contre le propriétaire des trois chiens tueurs, son amie et le propriétaire de l’appartement d’où ils se sont échappés.

L’enquête a déjà permis d’établir que les six pitbulls de cet homme sont tous nés chez sa mère, en Italie. Cette femme de 78 ans les a détenus «dans des conditions qui seraient condamnables selon le droit suisse» indique la juge d’instruction. Ces chiens présentaient des cicatrices et sont restés enfermés dix mois, sans la moindre sortie.

Jeudi matin, leur maître était en visite chez une connaissance à Oberglatt. Les chiens ayant sali l’appartement, il les a placés dans un «enclos provisoire» sur la terrasse tandis que lui et son amie nettoyaient les crottes. C’est à ce moment que trois d’entre eux se sont échappés pour s’en prendre au malheureux Suleyman.

Le propriétaire des chiens, qui ne semble pas avoir de domicile fixe à Zurich, était déjà connu de la police. En avril 2005, des agents avaient dû intervenir pour rattraper deux pitbulls qui lui avaient échappé. Mais ces animaux n’avaient menacé personne.

Les amis des chiens sceptiques


Après ce drame, la Société cynologique suisse (SCS) estime que le problème des chiens potentiellement dangereux ne peut pas être réglé par de nouvelles lois, contraintes ou interdictions. Pour elle, il faut davantage responsabiliser les propriétaires.

Un éleveur affilié à la SCS ne vendra pas un animal à n’importe qui, il contrôlera d’abord les compétences et l’environnement du futur propriétaire, et saura dire non si nécessaire. Mais Peter Rub, président de la SCS, admet que seul un quart des quelque 480’000 chiens vivant en Suisse proviennent d’élevages que contrôle sa société.

Les autres bêtes sont issues d’«élevages sauvages», en Suisse ou à l’étranger et vendues «comme de simples marchandises». C’est le cas notamment des pitbulls terriers américains, qui ne sont pas une race reconnue par la SCS, car elle échappe à la «cynologie contrôlée», explique Peter Rub.

Il juge d’ailleurs que «six pitbulls gardés ensemble constituent une meute incontrôlable» et une «constellation incompréhensible et irresponsable».

swissinfo et les agences

Selon un rapport de l’Office vétérinaire fédéral datant de 2002, 13’000 personnes environ sont mordues par des chiens chaque année en Suisse.
Dans 24% des cas, la victime est mordue par son propre chien, dans 34% des cas par un chien qu’elle connaît et dans 42% des cas par un chien inconnu.
Avant le drame d’Oberglatt, le seul cas mortel attribué à un chien en Suisse a eu lieu en novembre 2000 à Zurich. Effrayée par l’animal, une femme avait alors sauté dans le Limmat, où elle s’était noyée.
Par un hasard tragique, on apprenait vendredi la mort d’un petit garçon de sept ans, tué par un pitbull et un dogue brésilien alors qu’il se rendait à l’école à pied dans un village de Colombie.

– Comparée à celle d’autres pays européens, la législation suisse sur les chiens dangereux est particulièrement laxiste.

– En Allemagne, plusieurs races sont interdites à l’importation ou à l’élevage.

– En France, l’acquisition, la cession, l’importation et l’élevage de chiens dangereux sont interdits. Ceux qui en possédaient avant l’entrée en vigueur de la loi ont dû les stériliser. En outre, ils doivent porter une muselière et être tenus en laisse sur la voie publique et dans les immeubles.

– En Angleterre, la laisse et la muselière sont obligatoires pour les chiens susceptibles d’être dangereux. L’élevage et l’importation de chiens de type pitbull y sont interdits, tout comme aux Pays-Bas.

– Dans tous ces pays, ces chiens sont donc appelés à disparaître à terme.

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