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En dix ans, le populiste Bignasca a fait de la Lega un parti gouvernemental

Giuliano Bignasca a un peu perdu de son enthousiasme d’antan. Keystone

Mercredi, la «Lega dei Ticinesi» souffle ses 10 bougies. Cet anniversaire permet de mesurer le chemin parcouru par un mouvement populiste qui a fini par acquérir une respectabilité politique en entrant au gouvernement cantonal. Phénomène typiquement tessinois, la Lega n'a pas fait d'émules ailleurs en Suisse.

A la fin des années 80, l’entrepreneur en bâtiment Giuliano Bignasca briguait le projet de construction du centre national de calcul, à Manno aux portes de Lugano. Une affaire juteuse, plusieurs millions en jeu. Malgré de meilleurs plans, un terrain plus adéquat et toutes les cartes en règle, son offre était repoussée par le canton au profit de celle de son concurrent Silvio Tarchini.

Bignasca criait au scandale, dénonçait une «magouille politique», un «clientélisme à la tessinoise», «la main-mise des partis traditionnels et de quelques grandes familles sur toutes les décisions cantonales».

Une indignation à l’origine de la naissance de l’hebdomadaire dominical gratuit Il Mattino della domenica, confié à la direction du journaliste Flavio Maspoli. Un hebdomadaire refusé par les éditeurs tessinois et, pour lequel, le «tailleur de pierres» Bignasca, s’inventait éditeur. Le premier numéro sortait de presse le 18 mars 1990.

Pour donner plus de poids aux revendications lancées chaque dimanche, à coups d’injures, dans le Mattino, Bignasca décidait de constituer sa propre tribune. Sur le modèle de la «Lega lombarda», Giuliano Bignasca, Flavio Maspoli et Mauro Malndra fondaient, le 17 janvier 1991, la «Lega dei Ticinesi».

Président à vie – ainsi désigné par ses deux cosignataires -, en une décennie Giuliano Bignasca a transformé son mouvement populiste en un parti gouvernemental. La Lega a d’abord conquis le parlement cantonal, puis le Conseil national avant d’entrer en force dans les municipalités et enfin siéger au Conseil d’Etat. Au Tessin, environ 20% de l’électorat est «legiste».

Entre actions-chocs et coups de gueule, la Lega répète les mêmes leitmotivs: non à l’Europe, non à l’ONU, oui au maintien du secret bancaire. Encore et toujours le Tessin aux Tessinois et Berne, bas les pattes. Elle est méfiante envers la Lombardie voisine qu’elle admire pour sa génialité créative mais qu’elle méprise pour son appartenance à l’Europe.

En dix ans, la Lega a signé quelques victoires: une constante baisse des impôts et la création d’une université de la Suisse italienne qu’elle réclamait de tout temps. Au niveau national, elle a épousé les idéaux de l’aile blochérienne de l’UDC.

Elle n’a pas fait d’émules dans d’autres cantons où la droite se reconnaît dans les partis déjà en place. En fait, elle rassemble les mécontents d’un système – clientélisme, népotisme, corruption – typiquement tessinois.

Aujourd’hui Bignasca se dit fatigué même s’il est certain que sa Lega n’a pas perdu de terrain. Confronté à des procès, à des scandales et à une situation financière périlleuse, le «padre-padrone» a un peu perdu de son enthousiasme d’antan: «je ne pourrai pas continuer comme ça dix ans encore», dit-il en annonçant son intention de ne pas briguer un nouveau mandat au Conseil national.

Gemma d’Urso, Lugano

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