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Feu vert du Parlement au tournant énergétique

La Stratégie énergétique 2050 prévoit un soutien accru aux centrales hydro-électriques, comme celle de Hagneck, dans le canton de Berne. Keystone

Les deux Chambres du Parlement suisse ont accepté le premier paquet de mesures de la Stratégie énergétique 2050, qui prévoit l’abandon du nucléaire et la promotion des énergies renouvelables. Les objectifs initiaux du gouvernement ont toutefois été revus à la baisse. 

Il a fallu deux années de débat, mais pour finir, le premier paquet de la Stratégie énergétique 2050 (un dossier volumineux qui prévoit la révision de la Loi sur l’énergie et d’autres lois fédérales) a convaincu la majorité des deux Chambres du Parlement. Après la Chambre du peuple (Conseil national) la semaine dernière, la Chambre des Cantons (Conseil des Etats) a éliminé lundi les dernières divergences, jetant les bases pour un tournant historique dans la politique énergétique de la Suisse. 

Elaborée au lendemain de la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, la Stratégie énergétique prévoit en particulier la fermeture progressive des cinq centrales nucléaires du pays, le développement des énergies renouvelables (vent, soleil, eau et déchets), la réduction de la consommation énergétique et le renouveau des réseaux électriques. 

Centrales nucléaires 

Ainsi que le préconise le gouvernement, le Parlement est favorable à l’abandon du nucléaire. Mais contrairement à une initiative populaire des Verts, qui demande de désactiver les centrales nucléaires après 45 ans d’activité, les deux Chambres privilégient la sortie de l’énergie atomique par étapes, sans fixer de limites. Selon la majorité de droite de la Chambre du peuple, fermer des installations sûres et en parfait état de marche est actuellement inutile et prématuré. 

Le seul destin déjà scellé est celui de la centrale de Mühleberg, à quelques kilomètres de Berne, en service depuis 1972 : la société qui la gère, la Société électrique bernoise BKW, a en effet annoncé il y a quelques mois que l’installation, qui n’est plus rentable, sera désactivée en 2019. 

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Energies renouvelables 

Pour remplacer le nucléaire, la production d’énergie issue de sources renouvelables (sans compter la force hydraulique) devra atteindre au moins 11’400 gigawatt (GW) d’ici à 2035, contre 3’000 GW actuellement. Les deux Chambres du Parlement ont donc revu à la baisse l’objectif de 14’500 GW proposé par le gouvernement. 

La prudence préconisée par la droite a prévalu sur les ambitions de la minorité rouge-verte, qui demandait un objectif plus élevé pour favoriser la sécurité de l’approvisionnement. « Il s’agit de fixer des objectifs raisonnables et atteignables, car ces gigawatts, il faut aussi les produire », a affirmé la semaine dernière le député libéral-radical Christian Waserfallen.

A l’avenir aussi, la Suisse continuera à promouvoir les énergies renouvelables à travers la Rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC). Cet instrument introduit en 2009, qui consent aux producteurs d’énergie verte d’injecter de l’électricité dans le réseau de distribution à un prix supérieur à celui en vigueur sur le marché, est financé avec la taxe appliquée à la consommation d’électricité. Actuellement de 1,5 centime par kilowattheure (kWh), cette taxe d’incitation augmentera progressivement jusqu’à 2,3 centimes. 

Centrales hydrauliques 

Le tournant énergétique passe aussi par la force hydraulique, qui fournit aujourd’hui environ 55% de l’électricité produite en Suisse. Les grandes centrales hydrauliques sont toutefois en difficulté à cause de la baisse du prix de l’électricité: actuellement, les coûts de production sont supérieurs à ceux du marché. 

Dans le cadre de la Stratégie énergétique, le Parlement a donc décidé de soutenir les grandes installations (avec une puissance de plus de 10 MW) en leur versant 1 centime par kWh, pour une période de six ans au maximum. L’opposition de la droite, selon laquelle cette aide serait inutile, est restée vaine. 

Energies renouvelables et paysage 

La droite a en revanche réussi à faire prévaloir le développement des sources renouvelables sur la protection de l’environnement. A l’avenir, la construction de centrales hydroélectriques ou de parcs éoliens d’intérêt national sera encouragée également dans les zones protégées. De cette manière, le Parlement entend réduire les possibilités de recours de la part des associations environnementales et de défense du paysage. 

Consommation et efficience énergétique 

Enfin, les parlementaires ont décidé que d’ici 2035, la consommation moyenne d’énergie par habitant devra être réduite de 43% par rapport à 2000. La consommation d’électricité devra par contre diminuer de 13%. Pour atteindre cet objectif, le fonds destiné à l’assainissement des bâtiments (financé par la taxe sur le CO2 appliquée aux combustibles fossiles) sera augmenté de 300 à 450 millions de francs. 

Le dernier mot au peuple ? 

Affirmer que la Suisse a définitivement emprunté la voie du tournant énergétique est néanmoins prématuré. La première phase de la Stratégie énergétique, qui devrait entrer en vigueur en 2018, doit d’abord encore être approuvée en votation finale le dernier jour de la session parlementaire d’automne, soit le 30 septembre. Bien qu’il s’agisse souvent d’une formalité, la votation pourrait réserver quelque surprise, avertissent les observateurs. 

Ensuite, les discussions pourraient repartir dans le cas où un référendum serait lancé. Sur son site, la petite organisation Alliance Energie a déjà annoncé son intention de saisir cet instrument de la démocratie directe. La récolte de signatures, peut-on lire, devrait débuter en octobre. Toutefois, cela dépendra beaucoup du soutien (ou non) des grands partis de droite tels que l’Union démocratique du centre ou le Parti libéral-radical, qui de leur côté disent vouloir attendre la réaction du monde économique. En cas de référendum, le peuple suisse pourrait être appelé aux urnes vraisemblablement en 2017. 

Ce qui est sûr, c’est que le dossier sur le futur énergétique de la Suisse est loin d’être liquidé. A partir de la prochaine session, les Chambres discuteront de la seconde phase de la Stratégie énergétique, qui prévoit une réforme pour taxer qui pollue et consomme plus.

(Traduction de l’italien: Barbara Knopf)

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