Des perspectives suisses en 10 langues

Enseignement des langues: les directeurs d’école s’acheminent vers un compromis

Ernst Buschor, l'homme par qui le scandale arrive. swissinfo.ch

Dans quel ordre faut-il enseigner les langues en Suisse? Réunie jeudi et vendredi à Montreux, la Conférence des directeurs cantonaux de l´instruction publique préférera sans doute laisser la liberté aux cantons, pour éviter l´intervention de Berne.

C’est une véritable bombe qu’Ernst Buschor a lancé à la mi-septembre. Le chef du Département de l’instruction publique zurichoise avait alors annoncé que son canton allait donner la priorité de l’enseignement à l’anglais dès la rentrée 2003. Et ceci au détriment du français.

Il a ainsi pris de cours la , la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP). Réunie à la fin août, celle-ci avait proposé d’intensifier l’enseignement des langues étrangères. Avec une priorité pour la deuxième langue nationale, dont le niveau «devra être plus élevé qu’en anglais». Les membres de la CDIP s’étaient quittés avec l’intention d’adopter définitivement le texte en novembre.

Les positions sont claires. A l’image de Zurich, plusieurs cantons alémaniques souhaitent privilégier l’enseignement de l’anglais. Le cœur des Francophones bat en revanche pour l’autre langue nationale, le français ou l’allemand. Ils brandissent la nécessité d’une cohésion nationale. Et, sur cette question, ils peuvent compter sur le soutien des cantons de Bâle, Berne et Soleure.

Mais la marge de manœuvre romande est faible. Dans une interview accordée à L’Hebdo, le Zurichois Ernst Buschor s’est montré clair: si la Confédération veut intervenir, il faudra changer la constitution, et donc passer par le vote populaire. Or, cette consultation entraînerait une vaste bataille que les Romands risqueraient de perdre.

Changer la constitution, c’est le souhait du conseiller national Didier Berberat (NE/S). Le socialiste demande que soit ajouté dans la loi fondamentale le fait que les cantons veillent à ce que la deuxième langue enseignée soit une langue officielle. Son initiative parlementaire a déjà été acceptée par la Commission de la science et de l’éducation du Conseil national. Le National en débattra l’an prochain.

Quant à la conseillère fédérale genevoise Ruth Dreifuss, elle a déclaré dans une interview publiée jeudi dans la Neue Luzerner Zeitung préférer le français comme première langue étrangère.

Si provocateur soit-il, Ernst Buschor a visé juste. Les cantons vont certainement trouver un compromis, afin d’éviter une intervention nationale. C’est qu’ils gardent jalousement les dossiers qui font partie de leur stricte compétence. L’alternative, ils l’ont d’ailleurs déjà trouvée.

Réuni fin septembre à Berne, le Comité de la CDIP a concocté une résolution complémentaire, qui ne répond pas vraiment à la question. Celle-ci se concentre sur les objectifs d’apprentissage: les élèves doivent avoir la maîtrise des deux langues à la fin de la 6e année, quel que soit l’ordre dans lequel elles sont enseignées. L’assemblée plénière de la CDIP a maintenant le dernier mot.

Le débat s’est encore corsé avec l’intervention des syndicats d’enseignants, en début de semaine. Romands et Alémaniques demandent à l’unisson à la CDIP de surseoir à cette décision. «Cette question ne doit pas se décider dans la précipitation», souligne Marie-Claire Tabin, présidente du syndicat des enseignants romands. Selon les syndicats d’enseignants, le projet actuel permet toutes les dérives.

Les enseignants s’inquiètent en effet de l’introduction des langues dès les premières années d’école. «Les gens qui travaillent sur le terrain se demandent comment réaliser un tel projet», poursuit Marie-Claire Tabin. Et de souligner notamment que les professeurs du primaire n’ont pas été formés pour l’enseignement de l’anglais. «Et s’ils travaillent déjà l’allemand, ils auraient besoin d’une formation continue plus poussée», conclut-elle.

Caroline Zuercher

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